Parcoursup : dans les coulisses d'une commission d'examen des vœux

Laura Taillandier Publié le
Parcoursup : dans les coulisses d'une commission d'examen des vœux
L'université de Cergy-Pontoise compte 33 commissions chargées d'examiner les candidatures déposées sur Parcoursup. // ©  Antoine DEVOUARD/REA
Classer 999 candidatures afin de remplir 220 places : c'est la tâche de la commission d'examen des vœux des formations de physique-chimie et SVT de l'université de Cergy-Pontoise. Vendredi 4 mai 2018, lors d'une ultime réunion, elle dresse le bilan d'un processus "fastidieux". Reportage.

"Il reste quelques cases vides, mais nous avons déjà bien dégrossi." Dans une des salles de cours du campus de Neuville de l'université de Cergy-Pontoise, vendredi 4 mai 2018, l'heure est au bilan pour la commission des formations de physique-chimie et SVT de l'établissement. Assis en arc de cercle devant le tableau blanc, les six membres scrutent le logiciel Parcoursup et la longue liste des 999 candidatures qui s'affichent sur l'écran.

C'est la seconde fois que la commission se rassemble. Après avoir paramétré l'outil d'aide à la décision mis à disposition par le ministère de l'Enseignement supérieur et arrêté les critères d'analyse des dossiers, les responsables pédagogiques se sont réparti l'examen des candidatures, soit 166 dossiers chacun. À raison de 3-4 minutes par candidature.

"Ça va assez vite et nous sommes assez d'accord sur l'essentiel, relève Sébastien Peralta, le président de la commission. Mais c'est tout de même fastidieux." Cette nouvelle et ultime réunion est alors l'occasion de vérifier l'harmonisation de l'examen des dossiers, d'analyser les cas particuliers et, enfin, d'arbitrer les fameuses réponses "oui, si".

Objectif harmonisation

Première étape de l'ordre du jour : l'harmonisation des modalités d'examen des dossiers. "Je propose que l'on prenne chacun un cas et que l'on regarde si nous aurions mis la même note", démarre Sébastien Peralta. Et d'ajouter : "Nous n'allons pas nous prendre la tête non plus à un point près. Nos formations ne sont pas en tension, donc si l'on hésite entre la note de 14 ou 15, cela ne changera pas grand-chose. Nous irons loin dans la liste du classement."

Tour à tour, les membres de la commission prennent la parole pour commenter les données qui s'affichent devant eux. Pascale Leturmy, directrice adjointe du département géosciences et environnement, ouvre le bal : "J'ai le cas d'une lycéenne qui n'est pas très forte. Pour moi, ce n'est pas la candidate du siècle. Elle a 4 en chimie, mais elle a un bac S et 14 en maths..."

"En SVT, elle a eu 14, ça rattrape son cas", poursuit son collègue Pascal Griesmar, responsable de la L3 de chimie. C'est au tour du professeur des universités de donner un exemple : "J'ai mis un 15, mais on peut baisser si vous voulez." Les cas s'enchaînent et les dossiers des candidats défilent sur l'écran. "Montre voir le projet de formation et ce que le candidat raconte dans sa lettre !" lance Gilles Rémy, directeur adjoint du département physique.

Nous n'allons pas nous prendre la tête non plus à un point près. Nos formations ne sont pas en tension. [...] Nous irons loin dans la liste du classement.
(S. Peralta)

Les membres de la commission commencent toujours par parcourir les notes du baccalauréat dans les matières phares, comme en maths ou en physique-chimie, puis celles du contrôle continu de première et de terminale, avant de regarder la lettre de motivation. Avec des bonnes surprises et des moins bonnes. "Une lettre avec huit fautes d'orthographe... " pointe Pascal Griesmar. "Il y a des perles, quand même. Le lycéen raconte qu'il a des facilités en sciences avec 4 et 6 de moyenne..." plaisante Sébastien Peralta.

Dans la salle de cours, l'ambiance est détendue et les blagues fusent. Mais les professeurs ne sont pas dissipés pour autant, la rigueur reste de mise. "15 de moyenne en sciences, c'est bon !" valide Pascale Leturmy. Et de trancher, quelques minutes plus tard, pour un autre candidat : "Son projet ne correspond pas. Ce n'est pas chez nous qu'il doit être, nos formations ne mènent pas à ce qu'il souhaite faire."

Les cas particuliers examinés à la loupe

La case harmonisation étant cochée, la commission se penche ensuite sur les cas particuliers, notamment celui des étudiants en réorientation. "J'ai bien envie de mettre une note correcte à cette candidate", expose Sébastien Peralta. Même si ces résultats ne sont pas excellents. "Elle connaît ses faiblesses, mais on voit qu'elle veut les corriger", abonde Pascale Leturmy.

Passe ensuite sur le gril un candidat, bachelier en 1985 et en reprise d'études depuis 2017 via un DU (diplôme universitaire). "Regarde son CV ! C'est intéressant de voir comment les candidats présentent leur parcours", appuie Pascal Griesmar. "Son projet est cohérent. Moi, je suis prêt à lui donner sa chance", s'exclame le président de la commission, rejoint par les enseignants. "Les élèves atypiques sont souvent ceux qui ont le plus la niaque", soutient Pascale Leturmy. Verdict positif : une note finale de 15 et de la réponse de l'université en deux mots en commentaire : "Bonne chance !"

D'autres candidats n'ont pas cette veine. "Bac pro comptable plus cinq années d'activité... Ah oui, quand même ! Avec 1 en maths, 3 en chimie... C'est chaud !" souligne le président de la commission. "On met 0 et un "oui, si si", blague Pascal Griesmar.

Arbitrer les "oui, si"

Les cas particuliers passés en revue, les membres de la commission doivent désormais aborder la délicate question des parcours adaptés. "Je fais mouliner l'affaire avec nos modifications et, pendant ce temps-là, on fait le point sur les 'oui, si'", propose Sébastien Peralta. Deux options sont sur la table : une L1 avec un accompagnement pédagogique et une L1 en deux ans.

"L'élève étudierait maths et chimie la première année, puis physique et géosciences la deuxième, explicite le président de la commission. Dans ce scénario, l'approfondissement se ferait par l'élève et son travail personnel. Sans accompagnement pédagogique, je doute que cela fonctionne."

Le responsable pédagogique propose de mettre les bons bacheliers STI2D directement en 'Oui, si' de même que les moins bons bacheliers S en sciences. Quant aux autres, en bas de classement, le président de la commission opte pour une troisième option. "J'ai envie de mettre un commentaire leur conseillant de suivre une autre formation..."

La commission mise également sur les tests de positionnement à la rentrée pour proposer à certains élèves un parcours adapté ou de rencontrer le service de réorientation. Autre interrogation : à combien d'élèves proposer ces parcours ? "J'ai 40 places. Si j'en appelle 80 et qu'ils viennent tous, ça va être compliqué", observe Sébastien Peralta. Puis de trancher, après avis de la commission, pour 60 réponses "oui, si".

"Alors, c'est qui le premier ?"

Dernière question à trancher : faut-il ou non pratiquer du surbooking ? Le choix semble se porter sur une augmentation de la donnée d'appel de 50 %. En clair : donner un "oui" à 340 candidats, alors que les formations ne comptent que 200 places. Pour éviter le risque de se retrouver avec un trop grand nombre d'étudiants en L1, ce surbooking ne serait pratiqué que les premiers jours.

La réunion se termine et la moulinette Parcoursup livre sa première ébauche de classement des candidats sur le tableau blanc. L'occasion, pour les membres de la commission de découvrir les résultats de leur examen des dossiers. "Alors, c'est qui le premier ?" demande, curieuse, Pascale Leturmy. Puis d'ajouter, réaliste : "De toute façon, il ne viendra pas chez nous..."

Selon les estimations de la commission, au jeu des désistements, l'université pourrait descendre jusqu'à la 700e place "sans problème". Les responsables s'intéressent donc tout particulièrement aux élèves qui trustent le milieu du classement : "Quelles notes a le candidat à la 400e place ?" "Où se retrouve le premier STI2D?" "Où est le bac pro jardinage ?" Certains membres laissent paraître quelques craintes à l'idée de se retrouver avec les candidats en fin de liste. Mais le président de la commission reste philosophe : "Avec leurs notes, il y a peu de chances qu'ils aient le bac..."


Trois grands critères d'analyse des dossiers

Pour ordonner les candidatures, les responsables pédagogiques de l'université de Cergy-Pontoise ont retenu trois grands critères : la moyenne des notes pour 50 %, avec des pondérations selon celles de première et de terminale, le projet de formation motivé (30 %) et la fiche avenir transformée en note (20 %).

Le choix a été volontairement fait de ne pas attribuer beaucoup de points à cette dernière car "quelques lycées n'ont pas joué le jeu", regrette le vice-président formation de l'université, Patrick Courilleau, venu assister à la réunion. "Nous nous en sommes aperçu en comparant les appréciations des professeurs et l'avis final rendu par le conseil de classe. Un élève avec des commentaires très négatifs des enseignants pouvait se retrouver au final avec un avis très satisfaisant", illustre-t-il, exemples à l'appui sur son ordinateur portable.

Comme Parcoursup ne permet pas de différencier les notes par série du bac, c'est au moment de l'examen des dossiers et de l'analyse des projets de formation motivés que les responsables pédagogiques ont pris en compte cet élément dans leur notation. "Nous nous basons sur notre retour d'expérience. Nous savons que les bacheliers S réussissent mieux", souligne Philippe Banet, maître de conférences et responsable du parcours physique-chimie.

Au total, l'université de Cergy-Pontoise compte 33 commissions chargées d'analyser quelque 21.000 candidatures pour plus de 3.600 places. Mais la tâche se corse en fonction de la tension de la formation. Selon les prévisions du vice-président de l'université, cinq ne devraient pas faire le plein, trois devraient aller au bout de la liste et deux, en LEA (langues étrangères appliquées) et LLCR (langues, littérature et civilisations étrangères et régionales) sont en "réelle tension".

Laura Taillandier | Publié le