Philippe Meirieu sur la grippe A et la pédagogie : « On voit émerger une multitude de services qui risquent petit à petit de remplacer l’école»

Propos recueillis par Virginie Bertereau Publié le
Les cours à la maison dispensés en cas de grippe A aux élèves des collèges et lycées bouleversent-ils la position magistrale des enseignants ? Et si oui, de quelle façon ? Philippe Meirieu, professeur en sciences de l’éducation à Lyon 2 et chargé de la réforme du lycée en 1998, répond à ces questions. Il confirme également être intéressé par une candidature aux Régionales en Rhône-Alpes pour Europe Ecologie.

Le dispositif de "cours à la maison" montre-il que les professeurs ne sont pas indispensables ?
Non. Nous avons besoin de l’école et des enseignants pour trois raisons. Tout d’abord parce que ce sont les professeurs qui se trouvent derrière les dispositifs de cours à distance. Ensuite parce que ce type d’enseignement ne peut être que provisoire. Il ne peut en aucun cas de substituer à l’institution scolaire dont le but est d’apprendre ensemble, en société. Enfin, au-delà des cours, l’accompagnement des élèves par des adultes – pour leur orientation par exemple – est important.

Les inégalités entre les familles risquent-elles d’être renforcées ?
Oui, bien sûr et c’est un prolongement des trois arguments évoqués précédemment. Les élèves ont besoin d’être guidés, d’entretenir une relation personnelle avec un adulte, de verbaliser. Quand la famille peut apporter cela, l’enfant est favorisé.

Est-ce un révélateur des limites des professeurs, peu formés aux TICE ?
Oui, mais même les personnes peu formées aux TICE sont capables de travailler en ligne. Les technologies ont aujourd’hui suffisamment évolué pour ne plus être utilisables uniquement que par des experts.

N’assiste-t-on pas à une évolution des méthodes d’enseignement ?
La télévision scolaire a existé bien avant la grippe A. Cela fait 15 ans qu’on utilise l’ordinateur. Les cours par correspondance datent de la création de la Poste. Et le préceptorat existait bien avant l’école… Mais il est certain qu’on voit émerger une multitude de services qui risquent petit à petit de remplacer l’école. C’est un problème : il ne faudrait pas que cela transforme les familles en consommateurs de supermarché à la recherche du meilleur qualité/prix.

Pour le ministère de l’Education nationale, la grippe A sert-elle à masquer d’autres problèmes dans l’éducation ?
Oui, mais je ne crois pas que ce soit délibéré, qu’il y ait un complot. Il s’agit plutôt d’une opportunité… En tout cas, cela révèle l’état sanitaire lamentable des écoles : on découvre aujourd’hui que les enfants doivent se laver les mains !

Daniel Cohn-Bendit a laissé échapper votre nom sur France 2 en parlant des élections régionales. Etes-vous candidat ?
C’est un projet... Daniel Cohn-Bendit m’a sollicité pour être tête de liste en Rhône-Alpes. Il doit penser qu’une personnalité fortement identifiée dans le monde de l’éducation, un sujet qui lui semble important, est un atout. Pour moi, c’est une opportunité passionnante, qui correspond à mon orientation politique. Le parti Europe Ecologie m’intéresse. Il ne se situe pas dans la logique politicienne technocratique des partis traditionnels. D’autre part, je suis persuadé que l’écologie ne pourra gagner sans éducation. Mais à propos de ma candidature, rien n’est décidé ! Il faut compter avec d’autres candidats et se plier aux procédures démocratiques. En attendant, cette médiatisation rend la gestion des semaines à venir un peu compliquée…

Propos recueillis par Virginie Bertereau | Publié le