Quand des écoles de commerce réhabilitent le service militaire

Jessica Gourdon Publié le
Quand des écoles de commerce réhabilitent le service militaire
Etudiants de l'Inseec à l'Ensoa // © 
Depuis quelque temps, un vent de képis, de treillis et de garde-à-vous souffle sur les écoles de commerce. Plusieurs d'entre elles (Reims Management School, l'Essec, l'Inseec, l'ESC Toulouse...) ont signé ces derniers mois des partenariats avec des écoles de formation de l'armée. Objectif : envoyer sous les drapeaux quelques étudiants volontaires pendant une semaine, six mois ou un an, au cours d'une période de césure ou à la place d'un stage en entreprise. L'Essec est même allée plus loin ce printemps 2010 avec la création d'un double diplôme avec Saint-Cyr.

Pour justifier l'intérêt d'enfiler un treillis, les écoles ne manquent pas d'arguments : apprentissage du leadership, de la « prise de décision en milieu difficile », expérimentation du commandement, de la discipline, découverte de la culture militaire... Des messages qui rencontrent les aspirations de certains jeunes à se lancer un défi, servir la communauté ou vivre une aventure originale. « L'armée continue d'exercer une certaine fascination », note Edgard Girard, directeur de l'INSEEC Bordeaux.

« Profils doubles »

Pour les écoles, ces accords sont également un moyen de créer des profils « doubles », à l'image des partenariats signés ces derniers temps avec des écoles d'ingénieurs. Une manière d'aider les étudiants à trouver leur voie et de leur offrir un « plus » pour se distinguer sur le marché de l'emploi. « En période de tension, ces formations de terrain, avec des responsabilités de commandement bien plus importantes que lors d'un stage en entreprise, ne peuvent qu'être très valorisées », note Joël Echevarria, directeur du développement de l'ESC Toulouse. Un véritable atout, notamment pour postuler dans les entreprises liées à ce secteur (Thalès, EADS...). Enfin, ces formations peuvent susciter de vraies vocations. « Certains de nos étudiants se disent tentés par une expérience de trois ou quatre ans dans l'armée, en tant qu'officiers sous contrat », affirme Françoise Rey, directrice générale adjointe de l'ESSEC. À l'INSEEC, une étudiante est déjà passée de l'autre côté.

Des accords faciles à monter

La plupart du temps, ces accords ont été mis au point rapidement, en à peine un an. « L'armée est demandeuse, elle rencontre des difficultés de recrutement et veut renforcer son lien avec la société civile », relève Dominique Garval, professeur à Reims Management School, responsable du programme. Quant aux formules adoptées, elles sont très variées. L'INSEEC ratisse large : le stage d'une semaine d'entraînement militaire qu'elle propose à l'École des sous-officiers de Saint-Maixent concerne 40 étudiants chaque année. Le dernier jour, au cours d'un jeu de rôles organisé en pleine nuit dans la forêt, les jeunes organisent le ravitaillement d'un village touché par un tremblement de terre : chacun prend successivement le commandement d'un groupe, et doit tester sa résistance à la fatigue et au stress.

Depuis 2007, l'INSEEC propose aussi à cinq étudiants, tout comme Reims Management School depuis 2009, un stage plus poussé de six mois à Saint-Cyr. Le programme est lourd : six semaines d'instruction militaire, trois semaines dans une école d'application (cavalerie, génie...), puis quatre mois de terrain en tant qu'aspirant officier, dans une position de commandement. Certains jeunes ont encadré une section de combat de 40 hommes, sauté en parachute ou encore intégré un bataillon des chasseurs alpins. À la sortie, ils obtiennent le grade de sous-lieutenant.

D'autres écoles vont encore plus loin. C'est le cas de l'ESC Toulouse : pour la première fois en septembre, quatre étudiants partiront en mer pendant une année complète, sur un bateau de la marine de 200 ou 300 hommes. Ils seront embauchés comme « chefs de quart », ces officiers qui assistent le commandant du navire. Enfin, l'ESSEC est  la seule école de management qui a signé un double diplôme avec Saint-Cyr, officialisé le 26 mars 2010. À la prochaine rentrée, entre trois et cinq de ses étudiants partiront un an à Coëtquidan, et en sortiront officiers. Armés pour affronter la jungle du marché du travail...

Jessica Gourdon | Publié le