Secteur automobile : coup d’accélérateur sur les recrutements R&D et sur l’alternance

Marie-Anne Nourry Publié le
Secteur automobile : coup d’accélérateur sur les recrutements R&D et sur l’alternance
Centre de design à Vélizy ©PSA Peugeot Citroën // © 
Si la production automobile ne cesse de décliner en France, la R&D, elle, est à l’honneur. Pour rattraper le déficit d’embauche dû à la crise, constructeurs, équipementiers et sociétés de services prévoient de recruter 5.000 personnes en 2011, surtout des jeunes diplômés pour compenser les plans de départs à la retraite. Un objectif qui semble ambitieux puisque les professionnels du secteur déplorent déjà une pénurie d’ingénieurs et de techniciens.

Dans le secteur automobile, les recrutements repartent alors que la cote d’amour des jeunes vis-à-vis des constructeurs est en berne. Jusqu’en 2006, PSA Peugeot Citroën trônait à la deuxième place du classement Universum des « employeurs idéaux », pour chuter jusqu’au seizième rang en 2010. Suivi de près par Renault. « La presse négative et l’idée que c’était la fin de la voiture ont fait reculer nombre d’étudiants, relate Pascale Ribon, la directrice de l’ESTACA (École supérieure des techniques aéronautiques et de construction automobile). Nous vivons au rythme des messages et des crises automobiles et aéronautiques. »

Car à l’image dégradée s’ajoute une concurrence entre secteur automobile et secteur aéronautique pour attirer les talents. D’ailleurs, les écoles d’ingénieurs ont observé un phénomène de choix alternatif au cours des dernières années : « Le cursus aéronautique a attiré la majorité des étudiants et, au moment de leur recherche d’emploi, beaucoup d’étudiants engagés dans le cursus automobile se sont tournés vers le transport guidé [tram, train, etc. NDLR]. »

En communiquant auprès des lycéens et des étudiants, les écoles essaient de renverser la tendance. « Le secteur automobile a connu une embellie en attirant 44 % de la promotion 2010, contre 21 % l’année précédente », se réjouit la directrice de l’ESTACA.

Des premiers emplois tournés vers la R&D

« Concevoir les véhicules de demain », c’est désormais la rengaine de tous les professionnels du secteur automobile. Pendant les années noires 2008 et 2009, les constructeurs automobiles ont continué de vendre des petits véhicules grâce aux dispositifs anticrise, comme la prime à la casse. « Mais nous voulions être prêts pour la sortie de crise, avec des véhicules “sexy” dans nos cartons, indique Stéphane Gire, responsable du recrutement chez PSA Peugeot Citroën. Pour cela nous avons dû anticiper. » Ce qui signifie embaucher en R&D, car le développement d’un nouveau produit nécessite plusieurs années entre la recherche, la conception, jusqu’à sa mise sur le marché. « L’expertise était là, il fallait attirer des forces vives », poursuit Stéphane Gire. Donc, des juniors. Avec la reprise, les recrutements en R&D se sont intensifiés.

« PSA et Renault emploient chacun environ 15.000 ingénieurs en R&D », d’après Vincent Soulignac, ex-directeur des avant-projets chez PSA Peugeot Citroën, aujourd’hui retraité et trésorier de la SIA (Société des ingénieurs de l’automobile). De manière générale, près d’un ingénieur sur deux a commencé sa carrière dans la voie « études, recherche et conception » en 2010. Les fonctions de production, quant à elles, n’ont concerné qu’un jeune diplômé sur cinq, strong>selon la dernière enquête des Ingénieurs et scientifiques de France.

Cette année, PSA Peugeot Citroën prévoit l’embauche de 1.600 ingénieurs et cadres, dont la moitié sur des fonctions R&D, jeunes diplômés à 80 %. De son côté, Renault veut attirer strong>400 ingénieurs juniors pour sa division « ingénierie ». « Recruter des jeunes est important pour disposer des nouvelles compétences qui contribuent au développement de nos innovations technologiques », souligne Sophie Labbey, responsable du recrutement France de Renault.

Industrie automobile : un nouvel âge d’or pour les ingénieurs ?

« Avec 40.000 ingénieurs dans l’industrie automobile qui ont une carrière de quarante ans, nous avons un besoin de renouvellement annuel de 1.000 ingénieurs. Étant donné que le monde automobile a pratiquement fermé les portes de l’embauche pendant la crise, il faut rattraper le retard », expose Vincent Soulignac, de la SIA.

Pour répondre au besoin de main-d’œuvre, PSA Peugeot Citroën a organisé un programme de recrutement pour les bac + 5, les « Spring Recruitements Events ». Informaticiens, designers, logisticiens ou encore commerciaux ont été invités à déposer leur CV sur le site du constructeur. Sur les 5.000 inscrits, 500 ont été convoqués à une rencontre thématique, où ils ont pu échanger avec des opérationnels et des chargés de recrutement, 250 ont été sélectionnés pour poursuivre le processus de recrutement. En juin 2011, 70 contrats avaient déjà été signés.

La pénurie à l’horizon

Cette reprise des recrutements d’ingénieurs s’accompagne d’un mouvement plus général de recrutement des fonctions supports et des techniciens. En plus de ses 1.600 ingénieurs et cadres, PSA Peugeot Citroën veut ainsi recruter 700 techniciens et 1.700 opérateurs. Et, dans le cadre de son « Plan jeunes », 2.600 alternants, 2.500 stagiaires et 200 VIE (volontaires internationaux en entreprise). À titre de comparaison, en 2010, le groupe automobile avait recruté 2.700 personnes (contre 4.000 prévues en 2011), dont 750 ingénieurs et cadres. Comparaison encore plus frappante : celle de Renault qui veut recruter 1.500 collaborateurs, contre 220 l’année passée. Le constructeur au losange mise également sur l’alternance, qui devrait concerner 4 % des effectifs fin 2011.

Pour les professionnels du secteur, il y a bel et bien une pénurie. Et qui ne se limite pas aux ingénieurs. D’après le responsable du recrutement de PSA Peugeot Citroën, « la plus forte pénurie concerne les techniciens, diplômés d’un bac + 2/3, qui choisissent de plus en plus de poursuivre leurs études jusqu’au bac + 5 ». 


Services de l’automobile : besoin de diplômés de plus haut niveau

Le secteur de la distribution et des services de l’automobile sont aussi à la recherche de diplômés. En 2010, 65.00 jeunes ont été formés par ces secteurs, dont la moitié en alternance, avec un niveau inférieur au bac pro. Compte tenu des innovations technologiques dans l’industrie automobile, les recruteurs sont obligés de reconsidérer leurs critères de sélection : « Longtemps, dans nos recrutements en alternance, nous avons donné la priorité aux CAP [maintenance des véhicules automobiles, carrosserie réparation, peinture en carrosserie], mentionne Jean-Pierre Trenti, vice-président du CNPA (Conseil national des professionnels de l’automobile) en charge de la formation professionnelle. Mais depuis quelques années nous recrutons, dans les mêmes spécialités, de plus en plus de titulaires de bac professionnel et de BTS : parce que pour s’adapter à toutes ces nouvelles technologies, il faut avoir un bagage initial suffisant qui permet ensuite d’apprendre tout au long de sa carrière. »

Afin que les 90.000 entreprises de la branche professionnelle (maintenance, dépannage, location, auto-écoles, etc.) puissent recruter des profils adaptés à leurs besoins, l’ANFA (Association nationale pour la formation automobile) a été mandatée par les ministères de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur pour développer des formations dans l’enseignement supérieur. À titre d’exemple, l’organisme a créé une licence professionnelle en alternance OMSA (organisation et management des services de l'automobile), destinée à former des managers après-vente, en partenariat avec l’université de Marne-la-Vallée. « Nous servons d’interface entre les professionnels et les universités ou grandes écoles, et nous facilitons le contact entre les jeunes et les entreprises, relève Philippe Mérel, chef de l’action institutionnelle de l’ANFA. Une nouvelle licence OMSA, construite sur le même modèle, va être lancée en septembre 2011 à l’université Pierre-Mendès-France à Grenoble. »

Le secteur automobile sort enfin la tête de l’eau, mais, comme la conception d’un nouveau véhicule prend entre trois et cinq ans, il faut espérer que la conjoncture ne connaisse pas un nouveau retournement dans les prochaines années.

Marie-Anne Nourry | Publié le