IUT de Saint-Denis : étudiants et enseignants pris dans l'affaire malgré eux

Marine Miller Publié le
IUT de Saint-Denis : étudiants et enseignants pris dans l'affaire malgré eux
Si le tribunal confirme la suspension du directeur, un administrateur sera proposé le 8 décembre prochain. // ©  Marine Miller
Après deux ans de tourmente, l'ambiance à l'IUT de Saint-Denis est toujours tendue et les étudiants s'inquiètent des répercussions de l'affaire sur la réputation de l'établissement. Reportage alors que la décision sur l'avenir du directeur de l'IUT et les arbitrages sur les dysfonctionnements du département "TC" doivent tomber dans les jours à venir.

Semaine cruciale pour l’IUT de Saint-Denis. Le tribunal administratif de Montreuil doit se prononcer jeudi 3 décembre sur la validité de la suspension de Samuel Mayol, le directeur de l’IUT mis à pied le 12 novembre par la présidence de Paris 13. Si le tribunal confirme la suspension du directeur, un administrateur sera proposé le 8 décembre prochain. 

En fin de semaine, une commission disciplinaire donnera également son verdict sur le sort de Rachid Zouhhad, l’ancien directeur du département TC (Techniques de commercialisation), qui est au cœur de l’affaire des dysfonctionnements confirmés par le rapport de l’IGAENR en mars 2015.

Les pro et les anti-Mayol

Au sein de l’équipe pédagogique, l’affrontement entre Samuel Mayol et Rachid Zouhhad a laissé des traces. Pour Thierry Mercier, enseignant vacataire à l’IUT,  "il y a deux camps bien distincts au sein des enseignants de l’IUT : les pro et les anti-Mayol".

Pour Jocelyn Achard, professeur des universités, la situation est "délétère". Depuis la suspension du directeur, il y a trois semaines, "l’ambiance de travail est insupportable. Il n’y avait aucune urgence à mettre à pied le directeur de l’IUT alors qu’une enquête est en cours d’instruction", estime l'enseignant-chercheur.

"Je ne suis pas sûr qu'il y ait une guerre à l'IUT, la situation n'est pas si caricaturale", tempère Jean-Loup Salzmann, le président de Paris 13, qui rappelle qu'une "cellule psychologique a été mise en place l'été dernier".

Un sujet tabou pour les étudiants

Malgré ces tensions dans l’équipe enseignante, l’IUT  continue d’avancer comme un "orchestre sans chef", juge Thierry Mercier.

Une enseignante du département TC, qui souhaite garder l’anonymat, admet qu’elle évite de parler des problèmes de l’IUT avec ses étudiants : "je ne réponds que lorsqu’il y a des questions factuelles". Elle rappelle que les étudiants ont été les premiers à signaler les dysfonctionnements dans le département TC en 2014. "Finalement, je ne parle de cette affaire qu’avec les enseignants qui sont du même avis que moi", poursuit-elle.

En ce matin de décembre, les étudiants présents s’inquiètent surtout pour les partiels à venir. Ceux de Samuel Mayol, qui n’ont plus cours de marketing depuis sa suspension, sont les plus inquiets. "Nous avons été choqués quand le directeur a été mis à pied, nous ne comprenons pas bien cette histoire, surtout depuis sa dernière agression", confie, Jelena, 18 ans, en première année de DUT TC.

Mathilde en deuxième année de DUT GEA, affirme que le sujet est devenu "tabou" entre les profs et les étudiants. Plus personne n'ose donner son avis. "La première fois que le directeur a été agressé, la direction du département nous en avait parlé, mais ce sont nos familles et nos amis qui nous ont dévoilé les coulisses de l’affaire, en lisant la presse", raconte la jeune fille.

Les étudiants craignent pour la réputation de l'établissement

Noursati, qui vient de Marseille, craignait la réputation de Saint-Denis avant d'arriver en Île-de-France. Elle s’inquiète désormais des conséquences de cette affaire sur son insertion dans le marché de travail. Antoine en deuxième année de GEA (gestion des entreprises et des administrations), est plus tranché : "On ne va pas se voiler la face, nous n’étudions pas dans un quartier facile, alors cette affaire en plus, c’est trop".

Tefyane, en deuxième année de DUT GEA, a pris connaissance de l’affaire de l’IUT de Saint-Denis quand elle se renseignait en terminale pour choisir son IUT. "Quand j’ai vu tous les articles de presse, j’ai pris peur alors j’ai demandé conseil à l’un des professeurs de mon lycée qui m’a tout de même recommandé l’IUT".

Jean-Loup Salzmann affiche une nouvelle fois un discours rassurant : "Je rencontre les étudiants, je leur parle à l'occasion de rencontres informelles à l'IUT. J'essaye de remettre d'équerre la gestion de cet IUT, en permettant aux étudiants de s'inscrire normalement et en signant leurs conventions de stages".

L’Unef, de son côté essaie aussi de "rassurer" les étudiants. "Le travail de l’Unef est de faire en sorte que les enseignants n'instrumentalisent pas les étudiants dans leur conflit", indique Djalil Ferhat, élu Unef de Paris 13.  Le syndicat avait mobilisé les étudiants lors de la dernière agression de Samuel Mayol, en les regroupant devant l’IUT. Pour Djalil Ferhat, "c'est désormais au tribunal administratif de Montreuil de statuer sur la suspension du directeur de l’IUT."

L'affaire en sept dates clés
  • 1er septembre 2012 : Rachid Zouhhad prend la direction du département techniques de commercialisation de l’IUT de Saint-Denis. Il succède à Samuel Mayol, qui devient à la même date directeur de l’IUT de Saint-Denis, après avoir dirigé le département TC pendant quatre ans et demi.

  • Début de l’année 2013-2014 : Samuel Mayol constate que des "dysfonctionnements se produisent au sein du département TC qui lui sont signalés par des enseignants, mais aussi par des étudiants". Le département TC est mis sous tutelle.

  •  14 février 2014 : Les élus étudiants du conseil de département de TC font voter une motion de destitution du directeur de département, destitution votée par le conseil de l’IUT le 11 mars 2014. Samuel Mayol reprend la direction du département TC en tant qu’administrateur provisoire jusqu’au 30 août 2014, cumulant cette fonction avec celle de directeur de l’IUT.

  • 10 Juin 2015 : L'IGAENR rend public son rapport sur l'IUT de Saint-Denis. Les inspecteurs constatent de "graves irrégularités dans le fonctionnement du département dans la gestion des moyens d’enseignement et des services des enseignants (enseignants permanents en sous-service, non respect du programme pédagogique national, heures prévues aux emplois du temps non faites…). Le total du volume d’heures 'litigieuses' est alors évalué à 4.832 (soit 196.000 euros) qui concernent aux 2/3 des enseignants permanents et pour 1/3 des enseignants vacataires".

  • 10 juillet 2015 : Le ministère décide de lancer une mission complémentaire sur la gestion de la crise depuis la remise du rapport.
      
  • 2014/2015 : Samuel Mayol est l’objet d’un certain nombre de menaces et de deux agressions. À l’heure actuelle, on ne connaît toujours pas l’origine ni la raison de ces menaces de mort et de ces agressions.

  • 12 novembre 2015  : le directeur de l'IUT est mis à pied par la présidence de Paris 13.

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