Une chaire sur la marque à l’IAE de Paris

Propos recueillis par Virginie Plaut Publié le
L’IAE de Paris vient de lancer en janvier 2012 une chaire de recherche consacrée à la marque. Géraldine Michel, titulaire de la chaire, en explique les enjeux, à quelques jours de la conférence EducPros du 9 février sur « Comment améliorer son image de marque ? » .


Pourquoi ouvrir une chaire sur les « marques et valeurs » ?


Nous assistons à un essor du capital immatériel. Et la marque – avec le capital humain et les brevets – est l’un des actifs immatériels les plus importants. Or, jusqu’à aujourd’hui, les formations s’intéressant aux marques ne relevaient que du marketing. C’est dommage car la marque est véritablement un objet social : elle parle aux consommateurs, mais également aux citoyens, aux salariés, aux différentes parties prenantes… Il manquait une vision globale. C’est ce que nous comptons faire en étudiant la marque à travers le marketing, mais aussi la psychologie sociale, les ressources humaines, la finance ou le droit.


Quels sont vos différents axes de travail ?


En marketing, nous étudions la marque sous l’angle des représentations sociales. Comment les marques sont-elles perçues selon des modes de communication différentes ? Quelles sont les relations entre les marques et les citoyens ? En ressources humaines, nous allons examiner les relations que les salariés ont avec la marque, et comment celle-ci peut devenir un outil de motivation. Par exemple, nous avons mené une étude sur 400 vendeurs dans les cosmétiques, qui montre que la relation affective et de confiance avec la marque influence de façon positive leur engagement à l’égard de l’entreprise. Et cette relation du vendeur à la marque a un impact plus important que les leviers de management classiques.

En stratégie, nous nous intéressons à la façon dont les marques se façonnent dans les organisations, comment elles deviennent des diffuseurs d’idées et de valeurs. Une recherche doctorale sur ce sujet est en cours. Attention, nous analysons, nous ne sommes pas des défenseurs de la marque. Nous nous intéressons aussi à ceux qui sont hostiles ou résistants : le boycott par exemple. Pourquoi un boycott ? Quelle marque le suscite ? Quel poids ont les résistants ? Puisque la marque est un objet social, elle verra toujours des groupes s’affronter autour d’elle.


Y a-t-il des « bonnes » et des « mauvaises » marques ?


Une de mes convictions est que les marques qui vont vraiment durer sont celles qui seront utiles et qui réussiront à créer du lien. À l’heure d’Internet, on n’est plus dans la séduction, on est dans le partage, dans la compréhension, dans l’idée d’apporter un service réel. Ce sont des marques « vraies ».

Par exemple, dans le luxe – qui est un monde à part –, il y a, pour moi, une marque « vraie », c’est Louis Vuitton. Elle n’a jamais trahi son métier, son origine, ses compétences, son savoir-faire… La marque Edwin, une marque japonaise de vêtements, est également un bon exemple : elle a imaginé un film axé uniquement sur le travail de ses salariés en usine.

En France, Nature et Découvertes reste très fidèle à son identité, elle est beaucoup dans le sensoriel. Idem pour la Caisse d’épargne, qui s’adresse à des gens simples, les mêmes qui ont ouvert les premiers livrets A. Elle sait mettre en avant son image de banque mutualiste, par opposition aux banques privées.

Quels sont les objectifs de cette chaire ?

Nous sommes une structure d’échanges et de dialogue avec les professionnels. Notre but est non seulement de comprendre l’objet social qu’est la marque, mais également de diffuser ce savoir et ces connaissances, et de les rendre intelligibles pour les entreprises. D’ailleurs, le fait de savoir que notre travail va être utilisé concrètement par les entreprises, et pas seulement publié dans des revues scientifiques, est extrêmement motivant pour notre équipe !


Comment votre équipe est-elle constituée ?


Nous avons sept doctorants – six à l’IAE Paris et une à Aix-en-Provence en psychologie sociale – et onze enseignants-chercheurs, dont cinq à l’IAE de Paris. Nous avons également cinq experts internationaux – Angleterre, Danemark, États-Unis – qui collaborent avec des chercheurs de la chaire.

Nous pouvons par ailleurs compter sur des partenaires : l’institut d’études GfK, la Caisse d’épargne, l’APIE [Agence du patrimoine immatériel de l’État], ainsi que Prodimarques [association pour la promotion et la diffusion des marques de produits de grande consommation]. Au total, le financement de la chaire atteint 300.000 € sur trois ans. Aux alentours de 2013-2014, nous espérons proposer des formations qui apporteront aux managers une vision globale et intégrée de la marque.

Propos recueillis par Virginie Plaut | Publié le