Universités britanniques : la politique de démocratisation remise en question

De notre correspondante à Londres, Élisabeth Blanchet Publié le
Universités britanniques : la politique de démocratisation remise en question
L'université de Cambridge // © 
En 1997, Tony Blair arrivait à la tête de l’État britannique armé du slogan « Education, education, education » et promettait que d’ici à 2010, 50 % de la classe d’âge des 18-30 ans aurait accès à l’université. Dix ans plus tard, qu’en est-il de la politique de démocratisation de l’enseignement supérieur au Royaume Uni ? Les résultats sont plus que mitigés...

Signe d'une démocratisation dans le supérieur pas si évidente, Cambridge s'apprête à afficher sa marque dans des séries populaires. Qu'en est-il réellement ? En 2007, 42,8 % des 18-30 ans étaient inscrits dans un établissement d’enseignement supérieur, contre 38 % en 2000. Un chiffre qui marque une certaine progression, mais qui laisse présager peu de chances d’atteindre l’objectif des 50 % d’ici à 2010. D’autant plus que le gouvernement britannique doit faire face à l’augmentation beaucoup plus significative d’un autre taux, inquiétant, celui de l’abandon en cours de cursus. D’après un rapport du Parlement publié fin février, malgré les 800 millions de livres sterling (plus de 1 milliard d’euros) dépensés depuis 2002 pour encourager les étudiants à terminer leur cursus, près d’un quart d’entre eux abandonnent en cours de route. En 1988, le taux d’abandon s’établissait à 11 %.

Pression financière et peur de l'endettement découragent les étudiants

Plusieurs raisons sont à l’origine de cette augmentation. La pression financière et la peur de l’endettement. Depuis la rentrée 2006, les frais de scolarité ont triplé dans les universités anglaises, coûtant à chaque jeune environ 4 500 € par an. Beaucoup ont fait leur calcul et préfèrent se lancer sur le marché du travail sans diplôme supérieur certes, mais aussi sans dettes. La qualité de l’enseignement et les différences notoires entre les universités sont aussi responsables de la désertion d’un certain nombre d’étudiants.

Nouvelles universités : beaucoup plus d'abandons

Les taux d’abandon les plus élevés concernent en effet les nouvelles universités, qu’on appelle les « ex-polytechnics ». Ces dernières, qui sont devenues en 1992 des université (elles étaient en quelque sorte l’équivalent des IUT en France auparavant), ne disposent pas des mêmes moyens que les universités traditionnelles. En Grande-Bretagne, le financement des établissements dépend principalement de l’importance et de la qualité des travaux de recherche menés en leur sein. Les ex-polytechnics, novices en la matière, sont les parents pauvres de cette politique de financement. Et le résultat s’en ressent sur la qualité de l’enseignement et sur la sélection des étudiants. D’un côté, les étudiants reprochent aux enseignants de ne pas s’investir dans leur enseignement et de penser d’abord à terminer leur propre thèse. De l’autre, les enseignants se plaignent du niveau trop bas des étudiants et accusent les universités de ne pas être assez sélectives dans leurs critères d’admission.

Oxford et Cambridge peinent à démocratiser leur recrutement

À l’autre bout du spectre, dans des universités prestigieuses comme Oxford et Cambridge, le taux d’abandon reste très faible (1 % à Oxford l’année dernière). Mais, d’après les derniers résultats fournis par l’UCAS (Universities and Colleges Admission Service), ni Oxford, ni Cambridge ne parviennent à augmenter le nombre d’étudiants issus de milieux défavorisés. Au contraire, leur nombre enregistre cette année une légère régression. Pour tenter de faire face à l’écart qui se creuse entre les universités et surtout afin de diminuer le taux d’abandon, le gouvernement vient de débloquer 250 millions de livres sterling (327 millions d’euros). Mais la répartition de ces fonds entre les établissements suscite bien des remous : tandis que les ex-polytechnics vont bénéficier de la majorité de cet argent, les universités prestigieuses vont voir leur budget destiné à attirer les étudiants de milieux défavorisés réduit de manière drastique (- 44 % pour Cambridge et - 37 % pour Oxford). Ces dernières s’estiment sanctionnées par cette décision.


Une révision du système des top-up-fees est prévue par le gouvernement en 2009. Dans l'attente de ces conclusions, il apparaît que la politique de démocratisation de l’accès à l’université est loin d’atteindre les objectifs attendus. Elle semble même avoir un effet inverse et encourager un enseignement supérieur à deux vitesses. De quoi faire réfléchir les autres États européens...

Cambridge drague ses futurs étudiants à la télé

Qui a dit que les séries télé n'intéressaient pas l'intelligentsia ? L'Université de Cambridge est en train de démontrer le contraire, comme le rapporte The Guardian ce mardi 2 septembre 2008. La célèbre institution aurait en effet pris contact avec les scénaristes des séries les plus populaires outre-Manche, comme Coronation Street, EastEnders ou Emmerdale - équivalents british d'un Plus belle la vie (sur France 3), avec la longévité des Feux de l'amour! - pour leur demander d'intégrer Cambridge dans leurs histoires. Objectif: casser l'image élitiste de l'une des facs les plus réputées au monde et la rendre ainsi plus accessible aux étudiants de milieux défavorisés. Une approche originale de l'ouverture sociale...

Sarah Piovezan

De notre correspondante à Londres, Élisabeth Blanchet | Publié le