Éducation à la citoyenneté : dans le secondaire, les jeunes professeurs en demande d'accompagnement

Vianney Loriquet Publié le
Éducation à la citoyenneté : dans le secondaire, les jeunes professeurs en demande d'accompagnement
Face à des événements parfois délicats à aborder avec les élèves, les professeurs se retrouvent en première ligne. // ©  Simon LAMBERT/HAYTHAM-REA
INFOGRAPHIE. L’année scolaire a été bouleversée par un agenda social chargé, de la réforme des retraites aux violences urbaines de la fin juin. Pour les enseignants, notamment pour les néo-titulaires, le dialogue avec leurs élèves reste complexe.

Régulièrement, reviennent dans les médias des événements mettant en lumière les fractures entre une partie de la jeunesse et les institutions publiques. Les violences urbaines après la mort de Nahel, fin juin, en sont un nouvel exemple. Dans ces tensions, les professeurs occupent une place délicate, avec la tâche difficile de construire le dialogue, comme l'évoquait Emmanuel Macron, lors de sa prise de parole du 24 juillet 2023.

Il y a quelques semaines, Camille, professeure d'anglais dans le second degré, à Asnières (92), a vu plusieurs élèves de son collège descendre dans la rue. Elle se questionne déjà sur les manières d'aborder ces événements, avec eux, à la rentrée.

Ce ne sera pas la première fois que l'enseignante dépasse le cadre de son cours. Elle se souvient ainsi de débordements d’élèves de 5e, après une classe d'éducation civique abordant le sujet de l'homosexualité. Elle avait pris le temps d'échanger avec eux, mais sans vraiment avoir l'impression de résoudre la situation. Pour Camille, l'impact du professeur seul se révèle "trop limité". "Je ne les ai qu'une heure dans ma classe", rappelle-t-elle.

Aller sur le terrain pour expérimenter différentes réalités

La jeune enseignante regrette aussi un manque de connaissances apportées dans le cadre de sa formation d’enseignant. "J'aurais aimé qu'on me prévienne au moins des situations auxquelles j'allais faire face", témoigne Camille.

Professeur d'éducation physique et sportive au lycée Marcelin Berthelot de Pantin (93), Hugo Pontais enseigne depuis plus de dix ans. Engagé à la Snep-FSU 93, il milite pour former les professeurs à la gestion des élèves dès la formation initiale. "Il faut réussir à casser le groupe classe, à prendre le temps pour chaque élève le plus tôt possible", explique-t-il.

Mais Pierre Chareyron, vice-président formation du réseau des Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (Inspé) prévient que "malgré les méthodes et les outils qu'on essaie d'apporter, ça ne peut pas refléter toutes les facettes de la réalité que vont affronter les étudiants".

L’expérience de terrain est ainsi un bon moyen d’aller à la rencontre des jeunes et d’apprendre à les gérer. C’est ce qu’a vécu Jeanne, titulaire d'un master métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation (MEEF). "Durant mon stage, j'ai été envoyée en REP à Vénissieux (69). J'ai donc pu me préparer, avant mon affectation. Mais ça s'arrête là."

Des formations parfois inutiles

Aujourd’hui professeure d’anglais dans un collège de l’académie de Créteil situé en REP (réseau d’éducation prioritaire), la nouvelle titulaire souhaite maintenir la discussion avec ses élèves sur des sujets sensibles.

Elle a ainsi bénéficié d'une formation sur la vie affective et sexuelle via Gaïa, la plateforme de formation des enseignants. "Parfois, on a notre formation alors que les collègues ne l'ont pas. D'autres fois, la formation se révèle totalement inutile ou est annulée au dernier moment", regrette cependant la jeune enseignante.

 

Vers une formation en alternance intégrative

Au-delà de ces modules de formation continue qui constituent, malgré tout, un soutien, il devient nécessaire aussi de repenser la formation initiale des enseignants. "La difficulté qu'on rencontre, c'est qu'on doit converger dans un temps de formation condensé vers quelque chose dans lequel on doit tout faire", estime Pierre Chareyron.

Le président du réseau Inspé souhaite ainsi un allongement significatif du temps de formation. Dans l'idéal, Pierre Chareyron imagine une formation en post-bac sur le modèle de l’alternance intégrative, et se terminant après une insertion professionnalisante progressive neuf ans plus tard. "C'est ce qu'on estime nécessaire, comme pour les études de médecine". 

"Une partie importante de la désaffection envers ce métier tient aussi aux conditions d'exercice de ce dernier, analyse Pierre Chareyron, et au fait que les néo-titulaires se retrouvent face à des situations qui ne correspondent pas à l'idée qu'ils se faisaient de la profession. Notre but est de mieux les accompagner en amont."

Travailler en établissement scolaire dès la deuxième année de licence

Pour les Inspé, certains dispositifs vont dans le bon sens, comme le programme des assistants d'éducation en préprofessionnalisation. Ce dispositif permet à des étudiants, ayant l'envie de s'orienter dans l'éducation, de travailler en établissement scolaire, au contact des élèves, dès la L2.

"Quand un étudiant se lance dans le programme AED prépro ou dans l'alternance en MEEF, il n'abandonne que très rarement en route. Nous y voyons un signe encourageant", note le vice-président formation du réseau des Inspé.

Vianney Loriquet | Publié le