Enseignement hybride : les grandes écoles investissent dans le numérique

Clément Rocher Publié le
Enseignement hybride : les grandes écoles investissent dans le numérique
La crise sanitaire a accéléré le processus de numérisation des enseignements dans les grandes écoles. // ©  THANANIT/Adobe Stock
Les établissements d'enseignement supérieur accélèrent leur transition numérique afin de développer l'enseignement hybride. Si cette dynamique d'innovation pédagogique existait avant la crise sanitaire, elle prend de l'ampleur avec le contexte actuel.

A l'ère du numérique, les établissements d'enseignement supérieur cherchent à mettre en place de nouvelles expériences d'apprentissage à travers l'enseignement hybride. Les bouleversements associés à la crise sanitaire ont conduit les grandes écoles à innover pour répondre aux enjeux de la continuité pédagogique. Plusieurs millions d'euros sont mis sur la table.

Un investissement massif dans l'enseignement hybride

C'est notamment le cas de Junia (auparavant Yncréa Hauts-de-France) qui investit deux millions d'euros - dont un financé dans le cadre du prix investissement d'avenir - pour développer la numérisation de ses enseignements. Sur ce budget, 360.000 euros sont dédiés à l'acquisition de matériel afin d'équiper les établissements en captation, vidéo ou logiciels et 640.000 euros sont prévus pour les prestations (coût de développement).

D'autres écoles misent sur l'hybridation. L'Ieseg a par exemple mis un million sur la table pour équiper ses salles en matériel et former ses salariés. Neoma, de son côté, a dépensé plusieurs centaines de milliers d'euros dans la création d'un campus virtuel afin de proposer aux étudiants une expérience immersive.

Mais certains établissements n'ont pas attendu la crise sanitaire pour investir dans l'enseignement hybride. L'Institut Mines-Télécom a inscrit ce développement dans le cadre de son plan stratégique 2018-2022 avec un budget d'1,6 million d'euros. Une part importante du budget sera consacrée à l'infrastructure numérique - acquisition de matériels et de logiciels, renforcement du serveur - afin de donner une nouvelle impulsion aux transformations éducatives.

Tirer le meilleur parti des ingénieries pédagogiques

Les établissements s'ouvrent davantage au travail à distance avec l'installation de plusieurs outils numériques. L’Ieseg prévoit d'équiper ses salles de classes en caméras et micros sans mettre de côté la formation des enseignants pour l'utilisation de ce nouveau matériel.

Le développement d'outils numériques demeure primordial pour mesurer l'impact de l'apprentissage sur les élèves. "Nous allons proposer des ressources adaptées à la progression des étudiants et mettre à disposition des tableaux de bord pour qu'ils puissent se positionner de manière individuelle mais aussi par rapport à la promotion", explique Vincent Six, directeur innovation ingénierie pédagogique à Junia.

Cette démarche permettra également aux enseignants d’identifier les étudiants en difficulté et de proposer des parcours personnalisés et des modules plus adaptés. "Nous voulons tirer le meilleur parti des ingénieries pédagogiques et permettre la flexibilisation ainsi que la personnalisation des apprentissages", poursuit-il.

A l'Institut Mines-Télécom, cette hybridation passe aussi par une mise en commun des ressources pédagogiques. "Nous voulons intégrer les MOOC dans notre bibliothèque de ressources de pédagogie numérique pour permettre à l'enseignant-chercheur de construire son propre cours", intervient Angelo Montoni, coordinateur des transformations éducatives à l'IMT.

De son côté, Neoma Business School a ouvert un nouveau campus virtuel. "Ce projet renvoie à une conviction forte acquise pendant la période de confinement : les outils de visioconférence ne doivent pas constituer une norme en termes de pédagogie à distance", soutient Alain Goudey, directeur de la transformation digitale à Neoma Business School.

La création de ce campus virtuel, développé en partenariat avec l'association Laval Virtual, est une porte ouverte à l'hybridation des enseignements. "On ne cherche pas nécessairement à copier la réalité mais à avoir une pluralité de modalités pédagogiques. Nous avons d'ores et déjà des cours sur ce campus virtuel. Nous voulons transformer les mécanismes d’apprentissage dans la durée."

L'évaluation et l'approche compétence en question

L'enseignement hybride soulève de nouveaux enjeux, notamment la question de l'évaluation qui se retrouve au centre de cette démarche. "Nous avons bien vu qu'il fallait revisiter la manière d'évaluer les étudiants à distance, c'est autant une question de gestion du temps qu'une question d'identification et de sécurisation", explique Vincent Six.

Junia évoque plusieurs pistes comme des outils d'examens en ligne qui permettent d'envoyer de manière cryptée l'épreuve. Un travail de recherche va être également mené à l'Institut Mines-Télécom autour des serious games.

L'apprentissage des compétences demeure également une priorité. L'Institut Mines-Télécom mise notamment sur la pédagogie par projet pour garantir cette approche. "Il faut bien identifier les compétences visées et en déduire les objectifs pédagogiques. Cela aide les enseignants à construire ces cours en bimodalité, soutient Gabrielle Landrac, directrice des formations."

"Il faut imaginer des mises en situation suffisamment complexes pour arriver à un niveau de compétences", poursuit-elle. L'établissement travaille aussi sur la réalité virtuelle pour permettre des techniques immersives notamment dans le cadre de travaux pratiques.

Les écoles proposent des modules et des outils numériques pour accompagner les enseignants dans cette transition vers l'enseignement hybride et garantir l'appropriation des enseignants aux modalités multiples d'enseignement. "Nous allons vers des modules de formation avec une logique de monter en niveau pour faciliter ces nouvelles pratiques", confirme Vincent Six.

Clément Rocher | Publié le