Ils sont 70.000 étudiants à côtoyer au quotidien les "cadres dynamiques" de La Défense, le quartier d'affaires parisien, au sein de 30 établissements différents – université de Nanterre incluse. Depuis quelques années, de plus en plus d'écoles privées y implantent une antenne. À tel point qu'en cinq ans, le site enregistre une augmentation de 55% du nombre d'étudiants. Une petite révolution.
"On a assisté à une mue de La Défense et de son attractivité, confirme Nicolas Coiffait, co-fondateur d'Elevare, société de conseil en immobilier d'enseignement. C'était un secteur qui n'intéressait que très peu les écoles. Pour les premiers s'installer à s'installer, c'était un pari audacieux, sur un site qui souffrait d'une image tristoune, d'un univers de béton et de tours. Mais La Défense a fait un gros travail pour sortir du tout bureau, avec une réflexion sur l'image et la réalité derrière".
Un quartier accessible, proche des entreprises
Résultat : le site devient incontournable pour l'enseignement supérieur. Le premier de ses atouts, c'est l'accessibilité : RER, métro et tram le placent à portée du centre de Paris, mais aussi des gares et aéroports. "Nos formations MBA sont toutes ici, tranche Caroline Roussel, directrice générale de l'Iéseg, école de commerce implantée depuis 2008. Grâce à la connexion des transports, on attire des participants de France ou d'Europe, qui ne seraient pas venus à Lille."
Deuxième avantage : la proximité des entreprises qui, potentiellement, accueillent les étudiants en stage ou en apprentissage. Un point gagnant-gagnant : "Quand on connaît les difficultés de recrutement des entreprises, c'est forcément intéressant pour elles d'avoir des étudiants sur place", ajoute Pierre-Yves Guice, directeur général de l'établissement Paris-La-Défense.
Il nous semblait évident d'être là, pour la dimension innovante et la prouesse architecturale. Ici, nous avons pu bénéficier d'un immobilier moderne et emblématique. (F. Legros, ICN)
À l'instar de l'école nancéienne ICN - installée depuis 2018 à La Défense - les établissements recherchent aussi la dimension symbolique. "Il y a un effet d'image de marque, avec l'imaginaire associé à La Défense : le prestige et l'excellence économique", souligne Pierre-Yves Guice.
"On aime bien avoir une histoire à raconter. Il nous semblait évident d'être là, pour la dimension innovante et la prouesse architecturale. Ici, nous avons pu bénéficier d'un immobilier moderne et emblématique", confirme Florence Legros, directrice générale d'ICN.
Disponibilité et coût plus attractif
Enfin, dernier atout de La Défense - et non des moindres - la disponibilité des locaux et leur coût, moins élevé que dans le centre de la capitale. "Notre campus de La Défense, c'est 20.000 m². Intra-muros, ce n'est pas possible à des tarifs raisonnables", souligne Caroline Roussel.
"Les conditions du marché de l'immobilier de bureau facilitent les choses, confirme Pierre-Yves Guice. Pendant longtemps, à la Défense, comme dans Paris, tout était loué, avec une entreprise par bâtiment, pour une très longue durée". Un scénario très prisé par les bailleurs, car il garantit un maximum de rentabilité. Mais la crise sanitaire est passée par là.
"Aujourd'hui, les entreprises demandent plus de flexibilité, des surfaces moindres, continue Pierre-Yves Guice. Des conditions moins sécurisantes pour les propriétaires". Qui se tournent vers d'autres usages et notamment l'enseignement supérieur.
Notre campus de La Défense, c'est 20.000 m². Intra-muros, ce n'est pas possible à des tarifs raisonnables. (C. Roussel, Iéseg)
"Quand les écoles choisissent une géographie, elles cherchent un lieu qui peut être un lien entre leur clientèle familiale et leur clientèle executive. Si on ajoute les questions de disponibilité immobilière et des loyers maîtrisés, on explique assez vite pourquoi La Défense est aussi intéressante, résume Eymeric de Montauzon, président d'EPPC, société de conseil stratégique. Le quartier d'affaires est très accessible pour les familles de l'ouest parisien, dont les enfants sont la cible de ces écoles, tout en répondant aux entreprises et à la clientèle executive."
Faire de La Défense un lieu de vie
Du côté de l'établissement public qui gère les lieux - Paris La Défense - on se félicite de la venue de ces établissements du supérieur. Les étudiants apportent une manière de vivre différemment le lieu. "C'est très intéressant et bénéfique pour le territoire, confirme Pierre-Yves Guice, son directeur général. On essaie d'encourager leur venue, pour que La Défense ne soit pas simplement un quartier d'affaires, mais aussi un lieu de vie. Ca ne peut pas marcher si tout le monde part à 18 heures et reste cloîtré toute la journée."
On essaie d'encourager la venue des étudiants, pour que La Défense ne soit pas simplement un quartier d'affaires, mais aussi un lieu de vie. (P.-Y. Guice, Paris La Défense)
"L'établissement public Paris La Défense est très dynamique. Ils sont très contents qu'on soit là, facilitent les rencontres, les échanges", confirme Florence Legros, d'ICN. Cette dernière a lancé un club des grandes écoles présentes à La Défense, "avec l'idée de parler d'une même voix", précise-t-elle et pour échanger avec les autres acteurs du site ou de l'enseignement supérieur. En ligne de mire, notamment, la création d'un restaurant universitaire et d'équipements sportifs partagés.
Un territoire qui attire au-delà des écoles de commerce
Mais les écoles de commerce ne sont pas les seules à s'implanter à La Défense. "Cela fait effet boule de neige, estime Pierre-Yves Guice. Les écoles apprécient de se retrouver où il y a déjà d'autres étudiants". Le Campus Cyber, dédié à la cybersécurité, a récemment ouvert ses portes, en partenariat avec des grands groupes, des PME et des start-up. Des formations initiales et continues s'y sont implantées, comme l'école Epita. On y retrouve également La Solive, sur la rénovation énergétique et un Gaming Campus, pour les jeux vidéo.
Si l'offre de formation s'étoffe donc à La Défense, tout le monde ne s'y est pas encore installé. "En creux, on note quand même des absents, pointe ainsi Nicolas Coiffait. Principalement les écoles d'ingénieurs, qui n'ont pas entamé leur mue immobilière au même rythme. Elles ont moins d'antennes et globalement moins de moyens." D'autant qu'elles ont un lien historique vers le sud de Paris, où sont implantés ses réseaux tels que la Commission des titres d'ingénieur (CTI) et la Conférence des directeurs des écoles françaises d'ingénieurs (Cdefi).
