Entre Paris et les régions, quelles stratégies immobilières des établissements du supérieur ?

Oriane Raffin Publié le
Entre Paris et les régions, quelles stratégies immobilières des établissements du supérieur ?
Un nouveau campus à Pantin pour l'école de commerce grenobloise GEM ouvrira à la rentrée 2023. // ©  ChartierDalix
Après la crise du Covid, les établissements du supérieur se sont engagés dans de vastes projets immobiliers. Pour concevoir des locaux adaptés à leur offre pédagogique, toucher de nouveaux publics ou accroître la visibilité de leur marque. Zoom sur les stratégies immobilières.

"Pour une visibilité à l'international, il faut Paris, la Tour Eiffel", prévient Martin Zahner, directeur du campus de Grenoble école de management, à Paris. L'établissement grenoblois, qui a grandi progressivement à Paris, va inaugurer à la rentrée prochaine un campus de 6.000 m², à Pantin, en proche banlieue. "Hors Europe, même les Alpes, c'est difficile à vendre, alors que Paris fait rêver tout le monde".

Un pied dans la capitale pour élargir son public

Comme GEM, de nombreuses écoles situées en région ont fait le choix d'une implantation francilienne, avec l'ambition de toucher de nouvelles cibles. "Avoir ouvert notre site parisien nous permet d'élargir notre public, note Florence Legros, directrice générale d'ICN. Nous avons un taux de boursiers plus important à Paris. Des personnes qui n'auraient pas forcément les moyens de se délocaliser à Nancy".

L'Iéseg, historiquement implantée à Lille, a ouvert, en 2008, un deuxième campus, à la Défense, "pour être à proximité du quartier d'affaires et pouvoir développer la formation continue, se souvient Caroline Roussel, directrice générale.

Avoir ouvert notre site parisien nous permet d'élargir notre public. (F. Legros, ICN)

Avec des sites parisiens, les possibilités d'intervenants sont également plus larges. "On peut faire venir des gens qui ne viendront pas à Grenoble, pour intervenir ou pour être formés. Le TGV pour un après-midi, non, mais la ligne 5, oui", résume Martin Zahner.

Conserver son centre de gravité ou non

Généralement, ces établissements conservent l'accent sur leur localisation historique. C'est le cas d'emlyon, qui a fait le choix de s'implanter dans Paris avec une taille raisonnable et près d'une gare menant à Lyon. "C'est la stratégie la plus commune", souligne Eymeric de Montauzon, président d'EPPC, société de conseil stratégique.

D'autres, choisissent de s'affirmer grâce à leur campus parisien. "Pour Skema, par exemple, on peut se demander si la logique n'est pas quasiment de devenir une Parisienne, avec un campus de très grande taille, assez autonome vis-à-vis des campus pré-existants", note Eymeric de Montauzon.

S'implanter en région dans "des endroits attractifs, vivants"

En région parisienne, le pic semble être passé. Mais, en région - même dans de modestes métropoles – les opportunités sont encore nombreuses. "Le loyer n'est pas le même à Paris qu'à Angoulême ou Chambéry… pourtant les frais de scolarité vont être les mêmes. Les écoles peuvent donc s'y retrouver", souligne Nicolas Coiffait, co-fondateur d'Elevare, société de conseil en immobilier d'enseignement.

Le groupe Omnes Education a choisi de se déployer en région et planifie de s'implanter à Rennes, Marseille et Toulouse. "Nous sommes dans une démarche de rapprocher les écoles de là où sont les étudiants et non de les obliger à se déplacer", explique José Milano, directeur général du groupe. "Tous n'ont pas les moyens d'aller vivre loin de leurs familles".

Nous sommes dans une démarche de rapprocher les écoles de là où sont les étudiants et non de les obliger à se déplacer. (J. Milano, OMNES)

Sur le type de localisation, toutes se retrouvent : "l'heure n'est pas aux campus à l'américaine, excentrés, prévient Nicolas Coiffait. Il faut être dans des endroits attractifs, vivants, où les étudiants aiment venir et peuvent prendre un verre en sortant des cours".

Deux critères : l'accessibilité en métro et un quartier animé pas trop éloigné. Le tout dans un cadre rassurant pour les familles. "Les écoles ne veulent pas devoir perdre leur temps à convaincre les parents que le quartier est bien."

S'adapter aux évolutions pédagogiques

Déménagements ou extensions répondent aussi à un besoin de coller aux évolutions pédagogiques. "L'élément structurant reste notre stratégie pédagogique, précise Caroline Roussel, de l'Iéseg. On ne prend pas de décision immobilière sans qu'elle soit discutée avec les directeurs pédagogiques".

L'heure n'est pas aux campus à l'américaine, excentrés. Il faut être dans des endroits attractifs, vivants. (N. Coiffait, Elevare)

Car même si le Covid a accéléré le développement de l'offre en distanciel, tous sont catégoriques : les étudiants ont besoin de se retrouver dans un lieu physique, d'échanger avec les enseignants, l'administration et leurs pairs.

Fini le bâtiment aux salles de cours identiques, desservies par un long couloir. "Les établissements sont des lieux d'offre de services qui doivent se différencier, note Eymeric de Montauzon. Ils s'inspirent de ce que font les entreprises, qui suivent elles-mêmes l'évolution de l'hôtellerie. On doit pouvoir faire plein de choses dans les écoles : se poser, travailler, manger, se rencontrer, etc."

L'enseignement supérieur, marché refuge dans l'immobilier

Aujourd'hui, la majorité des établissements s'orientent vers la location plutôt que l'achat des bâtiments. Et séduisent davantage les propriétaires.

Dans un secteur déstabilisé par le Covid, l'éducation devient un marché de repli. "L'activité éducative peut contribuer à la sortie de programmes tertiaires", confirme Eymeric de Montauzon. "L'image de l'enseignement supérieur dans l'immobilier a changé, ajoute José Milano, d'Omnes Education. Nous avions l'image du public, qui paie mal et tard. Aujourd'hui, ils s'aperçoivent qu'on est là pour longtemps".

Du côté des collectivités, le public étudiant est très apprécié - notamment pour redynamiser des secteurs. "Je pense que les écoles sont sollicitées en permanence par des opérateurs immobiliers", glisse Eymeric de Montauzon.

Oriane Raffin | Publié le