Pacte enseignant : la rémunération, première motivation pour adhérer (enquête SE UNSA)

Marine Ilario Publié le
Pacte enseignant : la rémunération, première motivation pour adhérer (enquête SE UNSA)
La rémunération est le principal motif d'adhésion au pacte enseignant. // ©  DEEPOL by plainpicture
Près de deux tiers des enseignants ont choisi de ne pas adhérer au Pacte enseignant, mis en place à la rentrée. Selon l'enquête SE UNSA, la rémunération est la première motivation de ceux qui ont accepté des missions.

"Un répondant sur trois indique avoir adhéré au Pacte enseignant", annonce Gilles Langlois, secrétaire national au SE UNSA en charge des questions de moyens et de rémunération. Il présente une étude sur le Pacte enseignant menée par le syndicat, lors d’une conférence de presse, le 29 février. Selon cette enquête, 63% des répondants n’ont pas adhéré au Pacte.

Si, fin septembre, Gabriel Attal, alors ministre de l’Éducation nationale, annonçait qu’un quart des enseignants était volontaire sur les nouvelles missions, plus de six mois après la mise en place du dispositif, aucune étude n’a été publiée par le ministère sur ce sujet.

Une enquête sur les motivations des personnels pour adhérer au Pacte enseignant

Les chiffres d’adhésion annoncés par le SE UNSA semblent meilleurs que ceux livrés fin septembre mais le syndicat reste prudent. "Il ne s’agit pas d’un sondage mais d’une enquête. Avoir un tiers des répondants ne signifie pas qu’un tiers des personnels a adhéré au Pacte", prévient Gilles Langlois.

Mis en place depuis la rentrée de septembre 2023, ce dispositif vise à mieux rémunérer des missions professionnelles identifiées. Mais selon le SE UNSA, "il s’agit surtout de solutionner les absences de courte durée plutôt que de reconnaître les missions effectuées par les personnels", regrette Elisabeth Alain Moreno, secrétaire générale du syndicat.

Au total, 3.478 personnes ont répondu au questionnaire entre le 8 décembre 2023 et le 3 janvier 2024. "Nous avons cherché à appréhender les motivations des personnels soit pour adhérer soit pour ne pas adhérer. Mais nous avons aussi cherché à connaître l’impact du Pacte sur les conditions de travail", précise Gilles Langlois.

Compenser une rémunération jugée insuffisante

Il ressort de l’enquête du SE UNSA que la motivation principale d’adhésion au Pacte est d’ordre financier. Ainsi, pour 70% des répondants, il permet de compléter une rémunération jugée "insuffisante pour vivre convenablement".

"On a une rémunération qui n’est pas suffisante, une charge de travail qui explose et malgré tout, certains sont contraints d’accepter des heures en plus parce que, financièrement, ils ne s’y retrouvent pas, déplore Audrey Lalanne, secrétaire nationale en charge des questions de qualité de vie et de conditions de travail. Ce n’est pas parce qu’ils s’ennuient ou parce que leurs missions, au quotidien, ne sont pas intéressantes qu’ils adhèrent au Pacte, mais parce qu’ils sont contraints".

Ce n’est pas parce qu’ils s’ennuient ou parce que leurs missions, au quotidien, ne sont pas intéressantes qu’ils adhèrent au Pacte, mais parce qu’ils sont contraints. (A. Lalanne, SE UNSA)

L’enquête révèle aussi que deux tiers des enseignants "pactés" ont pris en charge des missions qu’ils exerçaient déjà, sans être nécessairement rémunérés pour cela.

Des enseignants qui refusent par principe

Près de 90% des enseignants qui n'ont pas adhéré au Pacte justifient leurs refus d’adhérer "par principe ou conviction".

À tel point que "certains de nos collègues nous disent avoir abandonné des missions, comme ‘devoirs faits’ depuis qu’elles ont été intégrées dans le Pacte" précise Gilles Langlois. Ce qui a engendré pour eux une perte de revenu".

Les "non-pactés" évoquent également une charge de travail trop importante qui les conduit à ne pas accepter de nouvelles missions. Ils sont pourtant 85% à indiquer que leur rémunération actuelle ne les satisfait pas.

Des enseignants moins disponibles et davantage fatigués

Si l'enquête indique que les enseignants "ne décrivent pas majoritairement une dégradation de leurs conditions de travail", certains impacts sont tout de même relevés.

"Qu'ils aient conscience qu’en s’engageant dans le Pacte, ils allaient faire plus d’heures, c’est évident, reconnaît Audrey Lalanne. Mais ce qu’on voit, c’est qu’ils ont moins de temps pour le travail collectif, pour se rencontrer avec leurs collègues, rencontrer les parents, etc.".

Ainsi, 17% des "pactés" se sentent moins disponibles pour le travail collectif. Leurs collègues non-pactés, eux, sont plus de 25% à avoir cette impression. Pour Audrey Lalanne, "c’est bien la stratégie d’équipe - un des piliers du climat scolaire - qui est touchée. Cela se répercute sur les équipes et, par ricochet, sur les élèves".

Sans compter l'épuisement qu’implique l’acceptation de nouvelles missions. Près de 35% des répondants "pactés" se disent davantage fatigués.

L'avenir incertain du Pacte enseignant

Cet impact sur les conditions de travail peut dissuader certains personnels à reconduire leur adhésion. "Certains collègues n’envisagent pas de recommencer l’année prochaine, jugeant le quotidien trop difficile", explique Gilles Langlois.

Pour l’heure, "en l’absence de chiffres communiqués par le ministère, il demeure de nombreuses questions et d’incertitudes quant à l’avenir du Pacte", conclut Élisabeth Allain-Moreno. Et les récentes annonces de coupes budgétaires ne font que renforcer les doutes.

Marine Ilario | Publié le