A-S. Barthez (DGESIP) : "Nous avons un objectif de 20.000 places supplémentaires à la rentrée 2021"

Amélie Petitdemange Publié le
A-S. Barthez (DGESIP) : "Nous avons un objectif de 20.000 places supplémentaires à la rentrée 2021"
ADOBE amphitheatre université // ©  Danielle Bonardelle/ Adobe Stock
Anne-Sophie Barthez a été nommée à la tête de la DGESIP (direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle) en juillet 2019. Crise sanitaire, loi de programmation de la recherche, hausse des effectifs d'étudiants… La directrice pointe les transformations de l'enseignement supérieur et ses défis à venir.

Ces dernières années, le paysage de l'enseignement supérieur s'est transformé avec notamment les regroupements et fusions. Comment percevez-vous ces évolutions ?

Ce paysage s'est restructuré grâce à des outils qui se sont multipliés depuis l’ordonnance relative aux établissements expérimentaux. Depuis deux ans, le paysage de l'enseignement supérieur s'est enrichi avec notamment des rapprochements entre les universités, les écoles et les organismes de recherche. Il y a un mouvement de décloisonnement et une plus grande lisibilité et attractivité de nos établissements.

Anne Sophie Barthez
Anne Sophie Barthez © S. Lascoux

Le paysage s'est aussi singularisé : chaque établissement met en avant sa signature scientifique, et même académique puisque la réussite des étudiants et le premier cycle sont devenus des enjeux stratégiques. Au-delà, l'ancrage territorial est plus fort que jamais, avec des collectivités qui jouent de plus en plus le jeu de l'enseignement supérieur. Nous allons d'ailleurs introduire des volets territoriaux dans les contrats des établissements dès l'année prochaine. La signature internationale des établissements a aussi connu un essor important grâce au label des universités européennes.

Ce paysage est cependant loin d'être figé. Les périmètres peuvent s'ajuster et des sites encore insuffisamment structurés pourront l'être grâce au PIA 4, qui sera lancé dans les prochaines semaines.

L'enseignement supérieur pourrait compter près de 3 millions d'étudiants en 2028, soit une hausse de 5% en dix ans, selon une note du Sies. Comment allez-vous accompagner cette évolution ?

Nous finançons des créations de places depuis la rentrée 2017. A la rentrée 2020, 10.000 places ont été créées avec financement de la loi ORE et du plan de relance. Nous visons l'ouverture de 20.000 places supplémentaires à la rentrée 2021. Il ne s’agit pas que de places en première année, mais aussi en L2, en L3 et en master. Pour une part importante, ces nouvelles places sont le fruit de la réforme des études de santé, avec des étudiants en PASS (parcours spécifique accès santé) ou L.AS (licence avec option accès santé) qui auront la possibilité de se réorienter l'année prochaine plutôt que de quitter l'université.

Les places qui seront créées sont le fruit de la réforme des études de santé.

Par ailleurs, nous permettons aux établissements de créer des diplômes d'établissements d'un an, soit entre le bac et la L1, soit entre la licence et le master. Cela permet à des étudiants de rebondir avec une spécialisation supplémentaire. Ces diplômes répondent à des cahiers des charges et permettent de valider une année.

Comment allez-vous accompagner les établissements dans la lutte contre le décrochage des étudiants lié à la crise sanitaire ?

Nous avons pris de très nombreuses mesures. Tout d'abord, nous avons renforcé les aides sociales. L'enveloppe des aides spécifiques d'urgence, allouées que l'on soit boursier ou non, a été doublée pour atteindre 50 millions d'euros. Une aide de 150 euros supplémentaires a également été octroyée à tous les étudiants boursiers au mois de décembre et le ticket repas Crous à 1 euro a été étendu à tous les étudiants.

En outre, l'accompagnement psychologique a été renforcé, avec le recrutement de 60 travailleurs sociaux dans les Crous, 80 psychologues dans les universités et 1.600 étudiants référents dans les résidences Crous pour lutter contre l'isolement social. Les "chèques psy" permettront aussi à un étudiant de consulter des psychologues gratuitement dans le cadre d’un parcours de soin.

Nous préparons la rentrée 2021, que nous espérons la plus normale possible.

Enfin, nous avons mis en place un soutien pédagogique. Entre l'été et l'automne dernier, plus de 40 millions d'euros ont été alloués aux établissements pour hybrider leur formation, si possible en se regroupant afin de pouvoir créer et partager davantage de ressources pédagogiques. Nous recrutons aussi actuellement des milliers d'étudiants tuteurs pour accompagner les étudiants en difficulté, notamment en première année.

Ce plan d'action répond à l'urgence du moment mais doit aussi se projeter au-delà. Nous préparons la rentrée 2021, que nous espérons la plus normale possible. Il faudra rattraper ce qui n'a pas été fait cette année, avec des cours de remise à niveau ou encore un prolongement des tuteurs.

Dans le cadre du PLF 2021, 2,9 milliards sont prévus pour la "vie étudiante". C'est près de 5% de plus que le budget 2020. Quels sont les objectifs de ce crédit supplémentaire ?

Les moyens consacrés sont en hausse de près de 150 millions d'euros, par rapport à l'année dernière. Parmi eux, 80 millions d'euros sont dédiés à la revalorisation des bourses de 1,2%, 50 millions servent au financement du ticket U à un euro pour les boursiers et 11 millions sont dédiés au gel des loyers dans les résidences universitaires.

Pour certains sénateurs, le budget dédié aux universités est insuffisant pour faire face à la crise sanitaire. Un budget exceptionnel a-t-il été prévu ?

Il s'agit déjà d'un budget spécifique, avec la prolongation des contrats doctoraux, les tuteurs et les psychologues… Effectivement, tout n'avait pas été prévu dans ce PLF car la situation change rapidement. Mais outre ces moyens, il faut également ajouter toutes les mesures issues du plan de relance ou du PIA.

L'essor du système de financement par projets crée des tensions et des décalages entre les établissements. Comment assurer une certaine égalité de financement ?

Nous assumons complétement d'avoir deux modes de financement des établissements. Un mode de financement égalitaire et automatique, qui intègre le budget des établissements; mais aussi des budgets liés à des appels à projets. Ce n'est pas tout l'un ou l'autre.

Le plan de relance de rénovation énergétique, par exemple, n'a rien de choquant. Nous avons demandé aux établissements qui avaient des projets tout prêts et qui peuvent relancer l'économie de candidater. La relance de l'économie et l'effort environnemental sont urgents, donc nous finançons d'abord ceux qui sont prêts. Cela ne veut pas dire qu'un projet est plus important que l'autre.

Des projets prêts à l'emploi sont remontés en trois mois. Près d'1,3 milliard a été déployé pour financer ces projets immobiliers de rénovation énergétique pour l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation.

Par ailleurs, en 2021, tous les établissements profiteront des moyens de la loi de programmation de la recherche (LPR), sans passer par un appel à projets.

La loi de programmation de la recherche donne pourtant une place prépondérante aux appels à projets...

Je ne nie pas qu'il y ait une place pour les appels à projets, mais pas seulement ! Les revalorisations indemnitaires sont automatiques, tout comme la revalorisation des contrats doctoraux, ainsi que la dotation au démarrage des jeunes enseignants-chercheurs. Le renforcement de 10% des moyens de base dès cette année au profit des laboratoires de recherche profitera aussi à tous les établissements.

Amélie Petitdemange | Publié le