Eunice Mangano-Lunetta (déléguée générale de l'AFEV) : "Il faut procéder à un désarmement scolaire"

Propos recueillis par Isabelle Maradan Publié le
Eunice Mangano-Lunetta (déléguée générale de l'AFEV) : "Il faut procéder à un désarmement scolaire"
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L’Afev (Association de la fondation étudiante pour la ville) organise le 21 septembre 2011 la quatrième édition de la Journée du refus de l’échec scolaire , consacrée cette année aux effets néfastes de la pression scolaire sur les familles. Explications d’Eunice Mangano-Lunetta, déléguée générale de l’association.


Vous avez choisi de consacrer la 4e édition de la Journée du refus de l’échec scolaire à la la pression scolaire et à la souffrance qui en découle pour les familles (voir fichier PDF joint). Est-ce parti d’un constat des étudiants bénévoles de l’Afev, qui accompagnent les enfants des quartiers populaires ?

Près d’un tiers des enfants vont à l’école ou au collège la boule au ventre. Nous avons été frappés par cette constante, relevée dans le baromètre du rapport à l’école des enfants de quartiers populaires que nous réalisons chaque année. Ce malaise détecté était corroboré par ce que racontaient les étudiants de l’Afev qui accompagnent des élèves des quartiers populaires dans leur scolarité. Nous avons entamé le travail l’an dernier, en nous concentrant sur les souffrances des enfants lors de la précédente édition. Mais la souffrance, ou plutôt les souffrances, à l’école, ne concernent pas seulement les enfants. Elles touchent aussi les familles.

La souffrance des familles est-elle principalement liée à l’échec scolaire ?

La souffrance est souvent perçue comme une conséquence de l’échec scolaire, mais elle peut aussi en être la cause. L’échec scolaire massif concerne environ 20% d’une classe d’âge. Le poids du diplôme reste très important. Les familles angoissent parce qu’il faut avoir un diplôme pour s’insérer. Et elles se sont embarquées dans une course à l’armement scolaire en en rajoutant. Il faut la bonne école, le bon cahier de vacances, le coaching scolaire… Autant de choses qui nourrissent le marché de l’angoisse.
Notre enquête montre que les familles des quartiers populaires sont conscientes de l’enjeu du diplôme et ont du respect pour l’institution scolaire. Elles n’ont que l’école comme recours et veulent y croire. En revanche, elles sont dépourvues pour accompagner leurs enfants, repérer les difficultés et y répondre. Il en découle un sentiment d’impuissance et la culpabilité de ne pas être en mesure d’accompagner mieux son enfant, de ne pas pouvoir s’investir davantage et de ne pas pouvoir lui garantir une scolarité réussie.

Pensez-vous qu’il faille diminuer la pression pour tendre vers une école moins inégalitaire ?

Il faut en finir avec la tension scolaire et procéder à un désarmement scolaire. Nous l’avons très bien vu lors de la JRES l’an dernier, avec la question des notes, notamment. Il faut retarder la compétition scolaire, qui commence dès le début du parcours d’un élève, parce que le rapport positif aux apprentissages est très important. Actuellement, le système scolaire est trop sélectif, mais cette compétition est vaine. Si encore c’était très dur mais que le système garantissait à tous un diplôme. Ce n’est pas le cas. La France ne brille pas à l’international par sa capacité à réduire les inégalités ! D’ailleurs, les parents des quartiers populaires en sont conscients. A la question « Si vous pouviez changer quelque chose à l’école, que changeriez-vous ? », 40 % des parents interrogés (1) souhaitent qu’elle permette aux plus faibles de réussir.


(1) Familles de quartiers populaires et école : sous le respect de l’institution se cache l’inquiétude des parents. Enquête réalisée par le cabinet Trajectoires reflexauprès de 598 familles dont l’enfant est suivi par un étudiant de l’AFEV (Septembre 2011).

Lire aussi sur letudiant.fr : Ce que les enfants de quartiers populaires pensent de leurs collèges

En savoir plus sur le site dédié www.refusechecscolaire.org   (Partenariat AFEV/ curiosphère.tv / france-télévisions)

Propos recueillis par Isabelle Maradan | Publié le