Jean-François Dhainaut, président de l’AERES: "Nous souhaitons mieux diffuser nos évaluations au monde socio-économique et aux étudiants"

Propos recueillis par Mathieu Oui Publié le
Jean-François Dhainaut, président de l’AERES: "Nous souhaitons mieux diffuser nos évaluations au monde socio-économique et aux étudiants"
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L’année 2009 a été marquée par de multiples polémiques autour de l’AERES (Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur). A l’aube d’une nouvelle campagne d’évaluation, son président Jean-François Dhainaut dresse le bilan de l'agence et revient sur sa stratégie.

Locaux occupés, campagne de boycott par des enseignants-chercheurs..., l’année 2009 a été marquée par de multiples polémiques autour de l’AERES (Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur). Quel bilan faites-vous de cette année ?
Ces critiques ont plus à voir avec une méconnaissance des processus d’évaluation qu’elles ne reposent sur des faits tangibles. Par exemple le fait de dire que l’on ne s’intéresse qu’aux publications pour évaluer la recherche est complètement faux. La bibliométrie n’est qu’une brique, plus ou moins importante de l’évaluation, elle est même parfois inexistante. En fonction de la discipline évaluée, on prend en compte la production spécifique du secteur : les rapports de fouille pour l’archéologie, les expositions pour les filières artistiques, les liens avec l’industrie pour l’ingénierie… Mais notre structure, qui a été créée en 2007, remplace certaines institutions qui faisaient leurs propres évaluations. Ce genre de changement fait toujours un peu de vagues. Néanmoins, sur la vague D des établissements évalués en 2009 (1), 3771 experts ont accepté de participer à nos évaluations, ce qui est la meilleure réponse à votre question.

Où en est l’agence dans son programme ?
Des 33 établissements de la vague C (2) en 2008, on est passé à 54 établissements de la vague D en 2009. Cette année, nous aurons aussi évalué cinq organismes de recherches (dont le CEA et  l’INRA), plus de 700 unités de recherche et entre 250 licences et 350 masters. En  2010, nous nous attaquerons à la vague A (3). L’évaluation par l’AERES de tous les établissements sera achevée en  2011.

A quoi servent concrètement les évaluations ?
Tout d’abord, elles servent aux établissements à mieux se connaître à évaluer leurs forces et faiblesses et détecter leurs dysfonctionnements. C’est un outil pour conduire une stratégie. Dans le cadre de la négociation contractuelle avec le ministère, les présidents d’universités utilisent ces évaluations pour modifier ou bâtir leur stratégie. Concrètement dans le cas de Sciences-po par exemple, les experts ont souligné l’excellence de l’établissement tout en disant qu’il fallait développer la recherche pour atteindre l’excellence au plan mondial et se comparer à des établissements comme la London School of Economics (LSE). La direction de Sciences po a fait évoluer sa stratégie sur la recherche pour recruter plus d’enseignants-chercheurs permanents. De même, Aix-Marseille 2 a revu son offre de formation en sciences-économiques qui n’était pas son point fort.

L’AERES ne souffre-t-elle pas d’un déficit de médiatisation, d’une diffusion trop restreinte de ses rapports?
Ce n’était pas notre préoccupation première. Jusqu’à présent, nous nous sommes surtout concentrés sur le travail d’évaluation : il en allait de notre crédibilité. Mais nous allons nous y atteler. A l’avenir, nous souhaitons communiquer vers le monde socio-économique en région mais également vers les étudiants. Il s’agit de traduire sous forme de synthèse, les évaluations dans un langage qui ne soit pas trop académique. Cela nécessite beaucoup de travail et demande du temps. Nous préparons aussi une nouvelle version de notre site internet avec par exemple des entrées en fonction du profil de l’internaute, selon qu’il soit chercheur-enseignant, étudiant ou issu du monde professionnel … D’ores et déjà, toutes nos évaluations sont sur notre site internet, visité chaque jour par près de 2000 internautes.

Comment sont impliqués les étudiants dans les travaux de l’AERES ?
On travaille déjà avec eux. Par exemple, il y a toujours un étudiant dans chaque mission d’évaluation d’un établissement. C’est généralement un ancien vice-président étudiant qui a une expérience des responsabilités au sein de l’université. De façon générale dans le choix de nos experts, nous choisissons des  personnes qui ont une connaissance de terrain. Pour les étudiants, nous puisons dans un vivier d’anciens vice-présidents étudiants français ou étrangers francophones. L’agence a aussi mis en place des groupes de travail avec les associations étudiantes. Par exemple, avec les étudiants en médecine, on travaille sur l’engagement des facultés dans la préparation de l’examen national classant. Il s’agit de repérer des bonnes pratiques et de faire un peu de benchmarking. Par exemple, certaines facs ont formé et embauché des étudiants pour assurer une permanence afin que les BU restent ouvertes plus tard.

Votre agence n’apparait pas dans le consortium européen retenu par la commission dans le cadre du projet de classement européen des universités mondiales : pour quelle raison ?
C’est l’OST (Observatoire des sciences et des techniques) qui est le porte-drapeau français du consortium, mené par le CHE Allemand et du CHEPS néerlandais. L’agence s’est dîte prête à participer mais ne s’est jamais vraiment portée candidate car nous ne pensions pas avoir le temps matériel de suivre ce projet.

L’AERES a-t-elle évalué des établissements en dehors de la France ?
Oui, nous avons évalué cette année l’université Saint-Joseph de Beyrouth. Mais ce type d’opération restera ponctuel. Avant d’étendre nos activités internationales, nous préférons essayer de fournir des synthèses aux étudiants et aux régions.

(1) La vague D comprend l’académie de Lille, la seconde moitié de l’Ile de France et une partie de l’Outre-Mer.

(2) La vague C comprend  les académies de Strasbourg, Nancy-Metz et une moitié de l’Ile de France.

(3) La vague A comprend les académies de Lyon, Grenoble, Montpellier, Toulouse et Bordeaux

Propos recueillis par Mathieu Oui | Publié le