Marc-François Mignot-Mahon (Studialis) : "Nous cherchons d’autres écoles d’art et de création à racheter"

Sophie de Tarlé Publié le
Marc-François Mignot-Mahon (Studialis) : "Nous cherchons d’autres écoles d’art et de création à racheter"
Marc-François Mignot-Mahon P-DG de Studialis, à la tête de Galileo France // ©  Photo fournie par le témoin
Marc-François Mignot-Mahon, 46 ans, dirige le pôle Arts & Créations de Studialis, l'un des premiers groupes d’enseignement privé. Fondateur de Cifacom, école spécialisée dans le web et l’audiovisuel, et d’HETIC, la première école de l’Internet, il a créé en 2013 la WebSchool Factory, qui propose une formation tournée vers les nouvelles technologies. Ce touche-à-tout qui a commencé sa carrière dans la musique revient sur son parcours où éducation et innovation sont intimement liées. Nouveau volet de notre série : "les entrepreneurs pédagogiques".

D'abord plongé dans le milieu artistique, vous n'avez pas vraiment le profil type d'un directeur d'école.

Après des études de physique et de droit, j’ai en effet commencé par faire carrière dans la musique. Dans les années 80, j’organisais des concerts, la nuit de la mode à Paris sur la place de la Concorde, ou encore le festival de musique russe à Moscou. Il s’agissait d’événements qui rassemblaient plus de 10.000 personnes. Cela m’a amené à diriger une maison de disques internationale. En voyageant pour mon travail, j’ai réalisé l’importance des nouvelles technologies. En 1992, les premiers modèles web qui permettaient d’échanger des données sont apparus. Je me suis aussitôt dit que ça allait être quelque chose de puissant.

J’ai créé des sociétés d’édition et de production de CD-ROM éducatifs et culturels comme Le Louvre, qui permettait de visiter le musée depuis son ordinateur. A l’époque, nous étions les pionniers de l’édition électronique. En 1996, je suis devenu président de l'AFEM (Association française des entreprises de l’internet et du multimédia). C’est à ce moment-là que j’ai réalisé qu’il y avait un problème de formation. Ce milieu comptait beaucoup de "geeks". Nous avons levé des fonds pour créer un site Internet éducatif, Education.com (qui existe toujours). Malheureusement, les attentats du 11 septembre 2001 ont tout bouleversé. Les banques qui devaient financer le projet étaient dans les tours, et l’ambition mondiale de l’entreprise a dû être revue à la baisse.

Dans les années 90, avec nos CD-ROM éducatifs et culturels, nous étions les pionniers de l’édition électronique

Comment êtes-vous passé d'Internet à l'enseignement traditionnel ?

Avec l’argent gagné avec la vente de mes sociétés d’édition électronique, j’ai créé le Cifap, un organisme de formation spécialisé dans le web et l’audiovisuel. Nous avons ainsi formé les professionnels de la chaine de télévision Al Jazeera, ceux de la télévision ukrainienne, et bien d’autres encore, dans 120 pays. A partir de ce moment-là, je suis devenu mordu d’éducation.

Voyant l’essor que prenait Internet, j’ai créé en 2000 HETIC, l’école de l’internet. C’était un mouton à cinq pattes (notre premier logo d’ailleurs),  puisqu’il s’agissait d’enseigner à la fois la partie éditoriale, la technologie et le business. Dans cette école, j’ai voulu que dès le départ 30 à 40% des cours changent chaque année. A l’époque, beaucoup de gens se moquaient de nous. Il est vrai qu’Internet n’était pas encore diffusé dans les foyers. Pour notre première promotion, nous avons eu 16 élèves. L’école en compte désormais 500. C’était un pari sur l’avenir.

Pourquoi avez-vous rejoint le groupe Studialis ? 

J’avais besoin de plus de moyens pour développer ces écoles.  Cifacom, Cifap et HETIC ont rejoint en 2010 le réseau Studialis qui compte aujourd’hui 24 écoles. Cela m’a permis de rejoindre l’équipe dirigeante [le réseau compte trois directeurs généraux et un président, ndlr]. Dans ce cadre, je dirige le pôle Arts & créations qui compte 12 écoles.

En 2012, je me suis occupé du rachat de l’école de design Strate Collège et du Cours Florent. A chaque fois, nous avons voulu racheter le leader de son secteur.  Le réseau avait déjà intégré le CLCF (Conservatoire libre du cinéma français).

Quelle pédagogie avez-vous souhaité mettre en place ?

Aux Etats-Unis,  j’ai trouvé que les Américains avaient une vision très professionnelle des métiers artistiques et techniques. A Broadway, les comédiens savent tout faire : chanter, danser, jouer la comédie et faire leur promo. Chez nous, les étudiants de l’ESG peuvent prendre des cours de théâtre au Cours Florent, et les étudiants du Cours Florent des cours de gestion à l’ESG. Ce qui permet à chacun de comprendre les contraintes de l’autre.

C'est dans cette optique que nous avons créé la WebSchool Factory, afin d’allier le design (Strate Collège),  la technologie (HETIC) et le marketing (ESG), et de proposer ainsi un diplôme bac+5 de niveau 1 au Repertoire national de certification professionnelle (RNCP). Car dans un I-phone, par exemple, il y a un aspect design, technologique, et un côté business.

L’enseignement des humanités a aussi une grande place dans ces établissements. Il ne s’agit pas simplement de former à un savoir-faire. En effet, il est important que nos élèves sachent formaliser leur pensée, connaissent les codes de la stratégie des entreprises sous peine de rester toute leur vie des exécutants. Les étudiants font de la philosophie à Strate Collège. J’ai bénéficié moi-même d’une éducation classique chez les jésuites, où j’ai appris le latin et le grec. Cela m’est resté.

Quels sont vos projets d’expansion ?

Nous cherchons d’autres écoles d’art et de création à racheter ou à créer dans tous les domaines où la France a une réputation d’excellence, comme par exemple la cuisine ou la mode. Et nous souhaiterions à l’avenir accueillir plus d’étudiants étrangers.

Enfin, nous avons créé à la rentrée 2013 une école de musique, le Cours Florent musique, qui propose une formation en trois ans. Cela devrait permettre de développer des synergies intéressantes entre nos écoles.

 

Studialis en bref
Date de création : 2007
Appartient à : Bregal Capital, groupe d’investissement britannique
Président : Laurent Tran Van Lieu
Principales écoles : ESG, Cours Florent, Conservatoire libre du cinéma français (CLCF), HETIC, Institut d’études supérieures des arts (IESA), Strate Collège…  
Implantations : Paris, Rennes, Bordeaux, Toulouse, Montpellier et Aix-en-Provence.
Nombre d’étudiants : 14.000.
Sophie de Tarlé | Publié le