M.Hayot (École de santé numérique de l'université de Montpellier) : "Il ne s'agit pas de réduire la santé au numérique mais de s'en servir mieux"

Séverine Mermilliod Publié le
M.Hayot (École de santé numérique de l'université de Montpellier) : "Il ne s'agit pas de réduire la santé au numérique mais de s'en servir mieux"
L'École de santé numérique de l'Université de Montpellier devrait former 20.000 étudiants sur cinq ans. // ©  Max BAUWENS/REA
L'École de santé numérique de l'université de Montpellier a été lancée début février. Le professeur de médecine et directeur de ce nouvel ensemble, Maurice Hayot, revient sur ce projet qui vise à former et faire émerger de nouveaux métiers et compétences en santé numérique avec l'appui d'un consortium d'établissements.

Quelle est la genèse du projet de l'École de santé Numérique de l'Université de Montpellier (ESNbyUM) ? Quel a été votre rôle ?

En tant que chef de service physiologie clinique au CHU de Montpellier, je travaillais déjà sur les questions de santé numérique. Je suis directeur du projet - avec l'université de Montpellier et des partenaires extérieurs - de l'École de santé numérique, qui est lauréate de l'appel à manifestation d'intérêt (AMI) publié début 2022 dans le volet "compétences et métiers d'avenir" de France 2030.

Maurice Hayot
Maurice Hayot © École de Santé Numérique

Officiellement lancé le 1er janvier 2023, le projet est une école, mais il ne s'agit pas de construire un bâtiment en propre. Nous nous appuierons sur un consortium d'établissements de l'enseignement supérieur et d'instituts de formation qui ont des besoins de formation initiale ou continue dans le domaine de la santé numérique. L'horizon du projet court jusqu'à 2027 mais il a vocation à se pérenniser.


Un projet porté par l'université de Montpellier et financé par différents partenaires

Le projet est porté par l'université de Montpellier qui propose des formations dans le domaine de la santé numérique depuis près de dix ans. Il associe 14 UFR, école et instituts. De quoi aller un cran plus loin que ce que demandait l'arrêté de novembre 2022, qui instaure des enseignements à la santé numérique dans 14 professions de santé, à compter de la rentrée 2024. Il est structuré en six comités, dont trois dédiés à la pédagogie et aux innovations.

L'État soutient le projet à hauteur d'un peu plus de quatre millions d'euros, la Région Occitanie à hauteur de 600.000 euros, et un consortium de partenaires (établissements de santé, organismes de formation et acteurs privés) pour un budget total de près de huit millions d'euros.

Quels besoins cette école vient-elle combler ?

Son objectif est de former des étudiants dans le domaine de la santé numérique, et de créer des compétences et métiers d'avenir dans le secteur de la santé, que ce soit care manager, consultant en transformation numérique des organisation, expert en cybersécurité-santé...

Les contenus de ces enseignements en santé numérique ne sont pas dispensés aujourd'hui. Il n'y a pas d'enseignements sur la cybersécurité en santé, pas de formation au télésoin ou à la télémédecine. Par ailleurs, nous devons aussi comprendre ce qu'est une donnée de santé ? On entend cette notion partout dans les médias mais les professionnels de santé ne savent pas ce que c'est.

Son objectif est de former des étudiants dans le domaine de la santé numérique, et de créer des compétences et métiers d'avenir dans le secteur de la santé.

L'autre côté innovant, c'est que l'école sera très interdisciplinaire. Il s'agira d'apprendre avec des outils communs aux autres formations.

Quand seront lancés les enseignements ?

Nous en sommes encore à la phase de structuration de l'école. Nous avons un programme pour chaque groupe de travail. Des contenus seront proposés et nous allons également voir ce qui existe déjà : par exemple, l'Agence du numérique en santé produit un travail intéressant.

Quelle forme vont prendre ces contenus ?

Tout d'abord, l'idée est de construire une unité d'enseignement (UE) "santé numérique", dans le 1er cycle des formations médicales et paramédicales.

Elle pourra se découper en modules : cinq blocs de 15 compétences différentes, à savoir les données de santé, la cybersécurité, la communication en santé, la télésanté et les outils numériques. Soit cinq à six heures de formation par bloc pour un ensemble d'environ 28 heures.

En 2023-2024, nous proposerons un format de test. Nous travaillerons avec les enseignants pour intégrer de la pédagogie active et avec les étudiants pour avoir leur retour. Ensuite, nous déploierons cela plus largement à la rentrée 2024.

Vous parliez également d'interdisciplinarité. Comment souhaitez-vous concrétiser cette approche ?

Nous lancerons des parcours de masters vers les professions hors santé : ingénieurs, master en sciences du numérique, juristes, spécialistes en certification et réglementation du dispositif médical…

Dans ces cursus, il y aura un projet tutoré transversal, entre étudiants venant de mondes différents. Il faudra également discuter avec les entreprises pour comprendre les profils qu'elles veulent recruter. Les premiers masters ouvriront à la rentrée 2024.

Combien d'étudiants vont être concernés par cette école de santé numérique ?

Entre les formations médicales, les soins infirmiers, les formations de kinésithérapie et d'ergothérapie, on a autour de la table une vingtaine de structures et d'instituts de formation, avec des étudiants qui apprennent des choses différentes.

Nous avons identifié que nous devions atteindre 20.000 étudiants formés, au total, sur cinq ans. C'est un défi pour nous !

Pas de bâtiments en propre mais vous souhaitez créer un "campus numérique" : de quoi s'agit-il ?

Nous proposerons un campus numérique avec plusieurs espaces accessibles aux étudiants et enseignants pour la rentrée 2024. Ce campus se veut immersif et interactif mais aussi modulable en utilisant des modalités pédagogique innovantes notamment la pédagogie inversée. Il y aura des contenus en ligne, un espace challenges, permettant de travailler ensemble sur une même problématique.

Mais l'idée n'est pas de tout faire en ligne. Dans chacune des structures, des professeurs accompagnent des étudiants, avec des travaux concrets, comme une simulation de dossier patient ou une situation de télémédecine… On ne va pas laisser les étudiants seuls devant leur écran.

Quelles sont les perspectives régionales du projet ?

L'Occitanie a deux grands pôles, Montpellier, avec ses sites (Nîmes, Béziers, Sète…) et Toulouse. Nous avons des interactions, avec, par exemple, un groupe de travail pour harmoniser les pratiques en télémédecine, et sommes soutenus au niveau de la Région ainsi que par l'Agence de santé régionale (ARS).

L'ambition est d'être identifié comme un pôle régional de formation et d'innovation. Les moyens qui sont mis actuellement dans la santé numérique sont une opportunité historique !

Nous aurons une meilleure maîtrise des outils, pour être acteurs des technologies et non pas dépendants d'elles. Il ne s'agit pas de réduire la santé au numérique mais de s'en servir mieux.

Séverine Mermilliod | Publié le