M. Tunon de Lara (CPU) : "Nous sommes dans une phase de construction et d'ambition"

Amélie Petitdemange Publié le
M. Tunon de Lara (CPU) : "Nous sommes dans une phase de construction et d'ambition"
rea amphitheatre université // ©  David CESBRON/REA
Manuel Tunon de Lara, président de l'université de Bordeaux, a été élu président de la Conférence des présidents d'université (CPU) le 17 décembre 2020 pour un mandat de deux ans. Il revient sur les transformations du paysage de l'enseignement supérieur et sur les prochains défis à relever.

Les universités sont-elles prêtes pour une reprise partielle le 4 janvier ?

Les universités se sont mises en ordre de marche et sont capables d'activer des dispositifs pour une reprise début janvier. Mais cela dépend beaucoup des disciplines, des composantes et des années. Les universités attendaient une circulaire qui est parue très tardivement (circulaire sur les conditions de reprise, parue samedi 19 décembre, NDLR).

Manuel Tunon de Lara président CPU UNIV BORDEAUX
Manuel Tunon de Lara président CPU UNIV BORDEAUX © CPU

Nous sommes tous convaincus qu'il faut une reprise en présentiel. Beaucoup d'étudiants sont en difficulté, la distance a un impact sur leur santé mentale mais aussi sur leur cursus. Nous avons très peur que certains d'entre eux décrochent. La question, c'est de concilier ce contexte avec une situation sanitaire compliquée. Les universités sont conscientes que c'est un équilibre très fragile.

A mon avis, il faut préconiser une jauge en lien avec les impératifs sanitaires tout en faisant confiance aux établissements pour s'organiser en fonction de leurs besoins.

La précarité, l'isolement et le décrochage des étudiants sont renforcés par la crise sanitaire. Comment les universités peuvent-elles y faire face ?

Les universités et les enseignants-chercheurs se mobilisent beaucoup. Ils ont adapté leurs modes d'enseignement et mis en place un suivi plus individuel. Nous avons beaucoup insisté pour que les établissements soient à l'écoute des étudiants pendant les fêtes, avec notamment des cellules de soutien et des services de santé universitaires en lien avec les ARS (Agences régionales de santé).

Le confinement a un impact sur toute une classe d'âge. Les étudiants ont besoin plus que quiconque de structurer leur vie sociale, la relation de groupe est plus importante. Il faudrait faciliter les relations humaines tout en gardant des mesures sanitaires. De ce point de vue, ce sera utile d'accueillir en petits groupes au début de l'année.

A plus long terme, il faut un effort particulier sur les services de santé universitaires. Ils sont trop hétérogènes. Un rapport sur la santé mentale des étudiants a été présenté à l'Assemblée nationale par Marie-George Buffet et des études sont parues sur les étudiants en confinement. Cela va permettre de mettre des dispositifs en place, mais rien ne remplacera jamais le présentiel.

La CPU fête ses 50 ans l'année prochaine. Comment le paysage de l'enseignement supérieur s'est-il transformé ces dernières années ?

L'enseignement supérieur fait partie des institutions qui se sont, de loin, le plus transformées. Cette transformation, c'est notamment la loi Edgar Faure de 1968, qui veut donner une véritable autonomie aux universités. Certains disent même que les universités sont créées à ce moment-là, avant il s'agissait d'une organisation par facultés. Après, cela a été des séries de transformations : la période Claude Allègre, la relation avec les organismes de recherche, la LRU (loi relative aux libertés et responsabilités des universités).

Dans les décennies les plus récentes, il y a trois périodes. En 2007, tous les établissements sont sur le pont pour mettre en place une autonomie qu'ils avaient longtemps recherchée, avec des vitesses et des trajectoires différentes en fonction des établissements. Cela a eu un effet positif, car tous les établissements se sont fixé des objectifs stratégiques. Nous sommes passés d'une approche nationale, avec des valeurs et une ambition collective, à des universités plus ancrées dans leur territoire. Elles se sont construites une feuille de route, avec des objectifs de spécialisation et des objectifs internationaux.

Le PIA (Programme d'investissements d'avenir) et le système de financement par projet ont aussi créé des tensions et des décalages entre les établissements. Des établissements avaient l'impression d'être laissés pour compte, et c'est toujours le cas.

Nous sommes en train de sortir de cette période. Nous sommes dans une phase de construction et d'ambition, qui est parfois frustrante car les moyens ne sont pas toujours au rendez-vous. La transformation a été très grande, et j'espère que nous arrivons dans une phase où chacun sera accompagné pour construire sa propre trajectoire.

Comment la CPU va-t-elle travailler avec l'Udice, association qui regroupe dix des principales universités françaises, dont l'université de Bordeaux ?

J'ai rencontré Christine Clérici (la présidente de l'Udice, NDLR), nous travaillerons en confiance et en partageant l'information. Je participerai à l'Udice en tant que président de l'université de Bordeaux pendant un an et je ferai en sorte que la CPU ait la meilleure relation possible avec elle. Chacun restera dans son rôle, et le rôle de l'Udice n'est pas celui de la CPU. Nous avons un devoir de présentation et de travail avec les ministères et avec les représentants institutionnels. Nous représentons toutes les universités dans leur diversité.

L'Udice a un rôle important à jouer sur un autre terrain. Comme au Canada, où il y a une conférence, Universités Canada, mais aussi U15, qui regroupe les universités de recherche intensive avec des problématiques plus spécifiques. Ce sont des rôles complémentaires. Cela dit, il faut travailler ensemble de manière intelligente. C'est ce que nous avons fait en alertant ensemble le ministère sur l'importance de la reprise en présentiel.

Amélie Petitdemange | Publié le