P. Rosier (Ensa La Réunion) : avec l'autonomie, "nous allons bénéficier d'une réelle identité"

Lola Fourmy Publié le
P. Rosier (Ensa La Réunion) : avec l'autonomie, "nous allons bénéficier d'une réelle identité"
L’École nationale supérieure d’architecture de Montpellier à La Réunion devient autonome. // ©  Lola Fourmy
L'antenne de l'Ensam (École nationale supérieure d'architecture de Montpellier) implantée à La Réunion depuis 1988, deviendra une école autonome à l'horizon 2025, annonçaient les ministères de la Culture et de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, fin septembre. Son directeur, Pierre Rosier, salue ce changement d'échelle et se livre sur les projets à venir.
Le directeur de l'Ensam La Réunion répond aux questions d'EducPros.
Le directeur de l'Ensam La Réunion répond aux questions d'EducPros. © Lola Fourmy

L’antenne réunionnaise de l’Ensam existe depuis 35 ans, quelles évolutions a-t-elle connues ?

En 1986, un enseignant en architecture de l’école de Montpellier est venu à La Réunion pour faire une étude sur le logement, qu’il a ensuite présentée aux élus. À cette occasion, ils y ont vu la possibilité de développer une expertise locale.

Ils ont sollicité l’école de Montpellier, et le ministère de l’époque a donné son feu vert. D’abord pour deux ans, puis, comme l'expérience était positive, cela a continué.

Nous étions d’abord à Saint-Denis, avec une vingtaine d’étudiants et étudiantes. Nous avons ensuite déménagé au Port. Et, grâce au soutien des collectivités, - la ville, le département et la région -, nous avons pu prendre de l’ampleur.

Aujourd’hui nous avons 199 étudiants inscrits et nous proposons la licence, le master, l'HMONP (l’habilitation à la maîtrise d’œuvre en son nom propre, NDLR) ainsi que de la recherche.

Pourquoi avoir souhaité un changement de statut et qui a porté cette volonté ?

Je suis directeur depuis 2009 et je pose la question du développement de l’école depuis 2013. Il y avait plusieurs raisons à cela. C’est une question d’efficacité et de sens. On a besoin d’avoir une représentativité locale. Pour des raisons pratiques, on a constaté que gérer les choses à 10.000km de distance posait parfois des problèmes.

Pour des raisons pratiques, on a constaté que gérer les choses à 10.000 km de distance posait parfois des problèmes.

Il y avait aussi une demande forte des acteurs locaux, des collectivités, pour les accompagner dans la réflexion. Nous avions besoin de renforcer l’expertise de l’acte de bâtir localement. Tout cela va de pair avec une prise de conscience de plus en plus forte des grands défis climatiques et de la nécessité de construire autrement, dans laquelle on veut s’inscrire.

Et puis, si on ne se développe pas, on s’atrophie. On s’entendait très bien avec l’école de Montpellier mais nous avions une demande en termes d’étudiants, des enseignants compétents, des débouchés locaux… C’est le fruit d’un projet au long terme.

Concrètement, qu’est-ce qui va changer avec ce nouveau statut ?

Déjà, nous allons bénéficier d’une réelle identité. Ce n’est pas une création : c’est une métamorphose. Elle va nous permettre d’accueillir plus d’étudiants, pour passer à 300. On va aussi ouvrir la formation continue, la formation complémentaire avec un diplôme universitaire sur le paysage et le patrimoine, toujours en milieu tropical.

Il y aura aussi une augmentation du budget. Notamment dans les crédits ETP (équivalent temps plein, NDLR) . Pour les enseignants, nous allons passer de 14 ETP à 18 ETP entre 2023 et 2027 et de 8 à 12 côté administratif.

Cette transformation s’accompagne aussi d’un déménagement, avec la création d’une toute nouvelle école. Pourquoi ?

Nous sommes à l’étroit, aujourd'hui et nous allons donc nous installer tout près, toujours au Port. L’objectif, c’est une livraison des locaux fin 2026, pour un déménagement en janvier 2027. Le projet de bâtiment est ambitieux et innovant. Nous ne voulons pas multiplier la création de mètres carrés mais les optimiser.

On va construire de la manière la plus économe possible et travailler la mutabilité de l’espace, avec des salles modulables, réversibles. Nous privilégions des matériaux bas carbone, bio-sourcés, pas de climatisation.

C’est en cohérence avec l’ADN de l’école : face aux défis climatiques, nous avons besoin de réduire ce qui génère du non durable. Et ce bâtiment est bien placé pour répondre aux enjeux.

Vous allez devenir la seule Ensa présente dans les Outre-mer et dans l’hémisphère Sud. Est-ce que vous pensez avoir un rôle particulier à jouer face aux enjeux de demain ?

Oui, aujourd’hui on est sincèrement en avance sur des questions climatiques et on nous sollicite pour ça : la ventilation naturelle, le confort thermique des bâtiments… Il faut répondre à l’augmentation de la température.

Avoir une école d’architecture en milieu tropical, quand on voit que maintenant les cyclones touchent la Bretagne, on se dit que c’est une façon d’apporter une réponse. On veut se positionner en leader sur cette question du changement climatique et de sa réponse architecturale.

Lola Fourmy | Publié le