Institut Montaigne : l'alternance, une voie d'excellence

Sylvie Lecherbonnier Publié le
Nouveau volet du partenariat EducPros – l’Institut Montaigne. Dans une tribune exclusive, le “think tank” plaide pour le développement de l’apprentissage. “Une des pistes les plus fécondes” pour favoriser l’emploi des jeunes. Pour l’Institut Montaigne, il faut revoir les processus d’orientation des jeunes et revaloriser l’alternance en tant que voie d’excellence car ce mode de formation constitue “un puissant levier” pour rapprocher les mondes de l’éducation et de l’entreprise. Trois causes structurelles expliquent le sous-emploi des jeunes en France : la formation initiale qui laisse chaque année sortir 200.000 jeunes sans qualification ni diplôme ; la rigidité du droit du travail et la faiblesse des politiques d’accompagnement de nos jeunes décrocheurs. Un quatrième axe doit également être au cœur des politiques de lutte contre le chômage des jeunes : la formation en alternance, organisée à travers une succession de périodes d’acquisition de savoir-faire en entreprise et de périodes de formation théorique (1). Il s’agit de l’une des pistes les plus fécondes pour favoriser l’accès à l’emploi des jeunes à qui elle apporte un métier et des compétences, un savoir-être et un savoir-faire. Les chiffres en témoignent : l’alternance permet, dans huit cas sur dix, d’obtenir au final un emploi pérenne. Fin décembre 2010, 414.000 jeunes étaient en contrat d’apprentissage et 173.000 étaient en contrat de professionnalisation, pour un total de 587.000 contrats de formation en alternance.

Plusieurs mesures ont été prises ces dernières années afin de généraliser l’alternance et d’inciter les entreprises à embaucher plus de jeunes à travers des contrats de professionnalisation et d’apprentissage, mais beaucoup reste encore à faire. Le système reste illisible et complexe, notamment pour les petites et moyennes entreprises. Il est temps de mettre en place les réformes structurelles qui vont permettre de généraliser l’apprentissage et d’en faire une voie d’excellence.

L’alternance, passeport pour l’emploi

Chaque année, 200.000 jeunes quittent notre système éducatif sans qualification ni diplôme. La France ne pourra bâtir sa compétitivité que sur la qualification et le haut niveau de compétences de ses salariés. À quoi bon se réjouir d’avoir la plus forte natalité d’Europe, si 20 % des enfants à la sortie de l’école primaire ne maîtrisent pas les compétences de base en lecture, écriture et calcul ?

Pour ces jeunes, le système éducatif n’est souvent pas adapté. L’alternance est un mode de formation alternatif, il ne s’agit pas d’une pré-embauche, mais d’un véritable passeport vers l’emploi qui permet aux jeunes d’obtenir une qualification reconnue et valorisable, en leur apprenant à interagir dans un univers collectif, en développant leurs savoir-être et savoir-faire. Il est essentiel de détecter en amont les jeunes qui risquent de décrocher pour leur proposer une formation en alternance afin de leur donner qualification, métier et diplôme.

Les jeunes sont insuffisamment informés sur les métiers

Les contenus des programmes des lycées et des collèges français, ainsi que les enseignements, n’offrent qu’un faible aperçu de ce qu’est le monde du travail. L’orientation scolaire, notamment dans les quartiers (2), est une véritable catastrophe. Déconnectée de la réalité des professions, elle ignore les prévisions, même approximatives, des besoins de main-d’œuvre fondés sur les scénarios de croissance et de renouvellement de la population active.

La formation en alternance fait le lien entre école et monde du travail. Elle doit être envisagée comme une passerelle vers le monde professionnel, une voie d’excellence tournée vers l’acquisition de compétences opérationnelles.

L’alternance forme tout le monde…

Les Français assimilent trop souvent l’apprentissage à des métiers manuels, difficiles et réservés aux garçons, alors que l’alternance permet de former à tous les métiers. Au cours des dernières années, la percée de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur, notamment dans les grandes écoles, a permis de changer un peu son image. Il est important de mieux informer et d’orienter les jeunes pour les sensibiliser aux avantages de l’alternance.

Le système éducatif doit jouer un rôle majeur dans ce sens en les sensibilisant à la vie professionnelle et aux métiers, dès la classe de troisième. Les familles et les acteurs du système éducatif doivent également être sensibilisés à cette autre forme d’enseignement qu’est l’apprentissage et aux exemples de réussite. Il faut rappeler que l’alternance a toujours existé dans les voies d’excellence, à commencer par la médecine.

La responsabilité des entreprises mise en avant

Pour les entreprises, l’alternance permet de qualifier des professionnels, de diversifier les recrutements, de favoriser l’entraide chez les collaborateurs et d’actualiser en continu les connaissances. Les entreprises ont une vraie responsabilité dans le développement de l’alternance. La fonction du tuteur doit être valorisée et pensée en fonction des besoins des entreprises. Le secteur public doit également s’ouvrir à l’alternance et former des jeunes.

Puisant levier pour l’emploi des jeunes et véritable outil d’intégration, l’alternance permet de préparer les jeunes à des métiers d’avenir, de développer les territoires, de rapprocher les mondes de l’éducation et de l’entreprise.

(1) L’alternance est un terme général et l’apprentissage un mode de formation de l’alternance. Il existe deux types de contrats en alternance : le contrat d’apprentissage, destiné aux jeunes de 16 à 25 ans dans le cadre de la formation initiale, permet d’alterner périodes théoriques en CFA (centre de formation des apprentis) et en entreprise ; le contrat de professionnalisation, ouvert aux jeunes de 16 à 25 ans et aux demandeurs d’emploi de plus de 26 ans, a pour but l’insertion professionnelle de l’individu (les cours ne représentent en conséquence que 20 % de la durée du CDD).

(2) Cf. le rapport “Banlieue de la République” publié par l’Institut Montaigne en octobre 2010. Dans cette étude menée à Clichy-Montfermeil (93), la figure la plus détestée par nombre de jeunes est celle du conseiller d’orientation à la fin du collège, loin devant les policiers. Il cristallise sur sa personne l’inadéquation entre formation et insertion sociale.

Sylvie Lecherbonnier | Publié le