Jean-Luc Vayssière (UVSQ) : "Notre université est sur une bonne trajectoire budgétaire mais à quel prix !"

Camille Stromboni Publié le
Jean-Luc Vayssière (UVSQ) : "Notre université est sur une bonne trajectoire budgétaire mais à quel prix !"
Jean-Luc Vayssière - Université Versailles-Saint-Quentin - Nov.2013 // ©  Camille Stromboni
Après avoir frôlé la cessation de paiements en novembre 2013 et traversé une crise sans précédent, l'université Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines se relève peu à peu. Son président, Jean-Luc Vayssière, fait le point sur la santé financière de son établissement et détaille les mesures, parfois difficiles, prises pour remonter la pente.

Après une année de crise, comment s’est passée cette rentrée 2014 à l’UVSQ ?

La plupart des étudiants ont fait leur rentrée. Les premiers retours des directeurs des composantes sont encourageants, étant donné l’année difficile que nous venons de passer. Durant cette période, la communication a pu parfois être mal comprise et inquiéter les parents, à propos de la prétendue fermeture de l’université, par exemple.

Il n’y a pas eu d’impact sur la licence, où nous avons les mêmes effectifs étudiants que l’an dernier. Le nombre d’étudiants a diminué dans quelques masters. Notre hypothèse est qu’un plus grand nombre d’étudiants ont quitté l’UVSQ à l’issue de la licence. Mais dans d'autres masters les effectifs ont progressé. 

On ne peut donc dégager de conclusion homogène, si ce n’est que, globalement, il n’y a pas eu d’effet significatif de la crise sur les effectifs.

Vous avez tout de même fermé votre première année de licence de Staps. Pourquoi ?

D’ici à deux ans, il n’y aura plus de Staps à l’UVSQ. Nous avons commencé par fermer la L1 cette année, puis ce sera le cas de la L2 et de la L3. Nous n’avons pas les moyens d’assurer cette formation, qui compte actuellement plus de 200 étudiants en licence, mais seulement deux enseignants titulaires.

Théoriquement, il devrait y avoir quatre enseignants : ils n’étaient déjà plus que trois l’an dernier, et ne sont que deux cette année, en raison d’un détachement au rectorat et d’une délégation à l’IRD. Autre point noir : les équipements sportifs utilisés sont mis à disposition par le maire de Guyancourt. Même si celui-ci est compréhensif, forcément, nous n'avons accès aux équipements qu'en dehors des heures scolaires. Cela rend l’organisation très problématique, d’autant que la formation se déroule sur plusieurs sites.

Au vu des difficultés financières, à un moment où nous devons prendre des décisions et concentrer notre activité, la fermeture du Staps est pertinente. Cette filière est sous-dotée depuis l’origine, je ne vois pas comment il serait possible de rétablir l’équilibre actuellement, où la tendance est à tout sauf à la création d’emplois.

Au vu des difficultés financières, à un moment où nous devons prendre des décisions et concentrer notre activité, la fermeture du Staps est pertinente.

Comment va la santé financière de l’université ?

Nous avons fait en ce début d’année universitaire un point d’étape avec la DGESIP (Direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle) et une projection sur la fin de 2014. Les données budgétaires sont encourageantes, et la trajectoire est bonne.

En mars 2014, nous avions arrêté le budget à l'équilibre grâce à la subvention remboursable du ministère. Nous devrions tenir cet équilibre, et même aller au-delà, en dégageant un résultat positif de 2,2 millions d’euros [le budget total de l’UVSQ est d’environ 150 millions d’euros].

C’est bien, mais il faut voir à quel prix ! Les réductions ont été très importantes en 2014, qu’il s’agisse du fonctionnement, de l’investissement ou du gel de postes. Ce n’est pas tenable sur la durée. Nous allons être obligés d’injecter des moyens dans certains endroits asphyxiés, notamment pour l’ouverture de la bibliothèque, ou pour des mesures de sécurité.

Ainsi, il ne sera pas possible d’être vraiment à l'équilibre en 2015. C’est d'ailleurs ce que prévoyait notre plan de retour à l’équilibre, qui s’échelonne sur trois ans jusqu’en 2016.

Université Versailles Saint Quentin - UVSQ - Amphi Licence 1 Droit - Septembre 2014 ©Camille Stromboni

Vous aurez donc besoin d’une nouvelle avance de l’État…

Non. Si l’on fait la projection sur 2015, nous prévoyons 1 million d’euros d’économies supplémentaires, grâce notamment aux renégociations des marchés de l’électricité, du gaz et du PPP [partenariat public privé] énergétique, qui s’appliqueront alors.

Quand comptez-vous rembourser les avances de l'État ?

Nous devons d’abord rétablir une situation saine, avec un peu de trésorerie et un fonds de roulement, ce qui prendra deux ou trois ans.

Vos relations avec le secrétariat d'État à l'Enseignement supérieur sont-elles apaisées ?

Elles se passent très bien. Nous trouvons un soutien appréciable auprès du ministère dans un dialogue permanent.

Vous aviez promis des mesures fortes pour améliorer le pilotage de l'université, à la suite du rapport de la Cour des comptes. Qu’en est-il ?

Il y a eu du changement. Nous avons, depuis le 1er juin, un nouveau DGS (directeur général des services), le DRH (directeur des ressources humaines) est parti, son successeur est en cours de recrutement. Des restructurations ont eu lieu pour améliorer les processus de gestion et pour que nous soyons certains de disposer désormais de données exactes. Nous avons renforcé le suivi des contrats avec des annexes financières, afin de récupérer au mieux les sommes qui nous sont dues par la suite.

Nous allons développer d’autres mesures pérennes. J’ai missionné le conseil académique pour réfléchir à "l’UVSQ à l’horizon 2020", c’est-à-dire au terme de notre prochain contrat quinquennal.

La Cour des comptes vous a-t-elle recontacté ou a-t-elle lancé des procédures contre des responsables de l’UVSQ ?

Non. Je tiens à souligner que le rapport final était bien plus agréable que les observations provisoires, ce qui a été très peu rapporté à l’époque. Nous avons également eu un audit approfondi de l’IGAENR, qui a souligné la qualité de l’université.

L’immense surprise que nous avons eue et la crise qui a suivi ne pourraient plus avoir lieu.

La formation des présidents, que le ministère met en place, vous semble-t-elle utile ?

C’est en effet une problématique pour l’université : les présidents ne sont pas formés à la gestion et au management. Nous avons un souci de formation, de même que nos administrations.

Vous avez fait figure de symbole extrême, au moment où les déficits des universités s’aggravaient. Pensez-vous que les universités sont désormais sur la bonne voie ou bien que la situation est vouée à empirer ?

Nous étions tout de même un cas très particulier. Nous ne sommes pas les seuls à rencontrer des difficultés financières, bien sûr, mais nous avons perdu notre fonds de roulement dès la première année difficile.

Nous nous sommes retrouvés à frapper à la porte de l’État pour demander de l’aide, quand d’autres ont pu piocher dans leurs fonds en préparant un retour à l’équilibre moins douloureux, sans passer sous l’autorité du ministère.

De manière globale, la situation me semble moins problématique qu’il y a un an : les difficultés financières des universités sont toujours là mais les collègues en ont pris conscience et peuvent désormais les anticiper. L’immense surprise que nous avons eue et la crise qui a suivi ne pourraient plus avoir lieu.

Aller plus loin
- La biographie EducPros de Jean-Luc Vayssière
- Notre article : Retour sur cinq mois de crise à l'université Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines

Le billet de Pierre Dubois (Histoire d'universités) : Versailles, enfoncée dans la crise
Le billet de Ghislain Bourdilleau : UVSQ : l’impact de la crise, l’impact sur la marque
Camille Stromboni | Publié le