Après l'attaque d'Arras, l'enjeu de la sécurité des collèges et des lycées

Malika Butzbach Publié le
Après l'attaque d'Arras, l'enjeu de la sécurité des collèges et des lycées
Après l'attaque d'Arras, l'enjeu de la sécurité des collèges et des lycées. // ©  HJBC/Adobe Stock
Alors que le déclenchement du plan Vigipirate au niveau "urgence attentat", à la suite de l'attaque d'Arras, pose des questions de moyens humains, les acteurs de l'Education nationale et des collectivités territoriales s'interrogent sur la sécurisation des établissements scolaires. Tous sont conscients de l'équilibre à trouver entre la sécurité et la "bunkerisation" des établissements.

Trois jours après le meurtre de l'enseignant Dominique Bernard, à la cité scolaire Gambetta d'Arras (62), le lundi 16 octobre apparaissait comme "une journée majeure où l'école tient debout", soulignait Gabriel Attal, ministre de l'Éducation nationale. Outre la banalisation des cours jusqu'à 10h et la minute de silence, une question agite la communauté éducative : comment sécuriser au mieux les collèges et lycées ?

Depuis vendredi 13 octobre, le niveau "urgence attentat" du plan Vigipirate est appliqué dans les établissements scolaires. Le protocole prévoit ainsi la vérification de l'identité des personnes extérieures à l'établissement et le contrôle des sacs de tous les élèves.

La question des moyens humains pour sécuriser les collèges et lycées

Mais la mise en place de cette mesure pose des questions de moyens humains.

"Très objectivement, il est impossible de contrôler visuellement les sacs de tous les élèves, indique Bruno Bobkiewicz, secrétaire général du SNPDEN-Unsa. Comme nous l'avons fait précédemment, les agents font des contrôles aléatoires, selon les situations et les moments. D'autant que la systématisation de ces contrôles envoie aux élèves le message qu'ils sont des terroristes potentiels à nos yeux."

Très objectivement, il est impossible de contrôler visuellement les sacs de tous les élèves. (B. Bobkiewicz, SNPDEN-Unsa)

Si une personne refuse de se soumettre à ces contrôles, l'accès à l'établissement peut lui être interdit. "En tant que responsable de la sécurité du collège ou du lycée, le chef d'établissement peut en interdire l'accès à une personne dont le comportement est suspect, y compris un élève", pointe Agnès Andersen, secrétaire générale de ID-FO.

La question peut se révéler plus épineuse au collège où il y a une obligation d'accueillir les élèves. "D'autres solutions peuvent être apportées, par exemple, bloquer l'élève hors de l'établissement et appeler sa famille", précise Bruno Bobkiewicz.

Des moyens techniques de sécurité "au cas par cas"

L'attaque d'Arras relance également le sujet des moyens techniques de sécurité pour les établissements scolaires.

"Il n'y a aucun tabou", précise Gabriel Attal en évoquant notamment la possible mise en place de portiques. Une mesure déjà déployée dans 250 lycées de la région Auvergne-Rhône-Alpes depuis 2017. "Les élèves accèdent un par un à l'établissement via un badge qui leur est distribué à la rentrée", explique Renaud Pfeffer, vice-président de la région délégué à la sécurité. Pour réguler les flux, plusieurs portiques sont installés dans chaque établissement, donc il n'y a pas d'attente."

Tout ce qui peut être fait efficacement mérite d'être fait. Mais attention à ne pas transformer nos établissements scolaires en prisons. (F. Bonneau, région Centre-Val de Loire)

Du côté des chefs d'établissements, la vision est plus nuancée. "Dans certains établissements où il y a de réels problématiques de sécurisation, ce genre de dispositif peut être intéressant. Mais c'est à voir, au cas par cas, explique Bruno Bobkiewicz. Surtout, il faut éviter que cela ne devienne un affichage politique des élus locaux, coupé de la réalité des collèges et lycées. Nous ne devons pas céder à une psychose."

Une opinion partagée par François Bonneau, président de la région Centre-Val de Loire et à la tête de la commission Éducation de Régions de France. "Tout ce qui peut être fait efficacement mérite d'être fait. Mais attention à ne pas transformer nos établissements scolaires en prisons."

Avoir davantage de moyens humains

Comment trouver l'équilibre entre la sécurité et la "bunkerisation" des collèges et lycées ? "Avec davantage de moyens humains", répondent les personnes interrogées.

François Bonneau évoque un travail conjoint entre l'État et les collectivités territoriales "en travaillant ensemble sur le rôle des AED [assistants d'éducation], qui dépendent du ministère de l'Éducation nationale et les agents territoriaux d'accueil, employés par les collectivités. L'hyper-technologie n'est pas adaptée, le besoin humain reste prégnant", estime le président de la commission Formation de Régions de France.

Cependant, des problématiques demeurent sur ces moyens humains. "En cas d'absence, les conseillers principaux d'éducation ou les AED ne sont pas remplacés, ce qui est dommageable pour les établissements", souligne Agnès Andersen.

La secrétaire générale de ID-FO évoque aussi une compression des postes d'agents territoriaux dans un contexte d'austérité pour les régions et départements. "Auparavant, il y avait un agent dédié à l'accueil dans les loges de chaque établissement. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Dans l'idéal, chaque établissement devrait être doté de suffisamment de moyens pour qu'une personne soit toujours dédiée à la surveillance."

Aux abords des établissement, la question des forces de l'ordre public

Si le débat se concentre sur l'accès au collège, Samuel Paty et Dominique Bernard n'ont pas été tués dans l'enceinte de leur établissement mais aux abords. "Ériger des forteresses de quatre mètres autour des lycées n'aurait pas empêché ses drames. Il nous faut aussi réfléchir à la sécurité des abords des établissements, ce qui relève des forces de l'ordre public", précise Agnès Andersen.

Dès lundi 16 octobre, Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France, a annoncé doubler les effectifs de "brigades régionales de sécurité" (BRS), des agents recrutés pour "apaiser les tensions", à la demande des chefs d'établissements. "En attendant le recrutement, nous allons faire appel à la sécurité privée, à des maîtres-chiens", déployés "pour sécuriser les abords des lycées", ajoute la présidente.

Des réunions prévues pour discuter de ces enjeux

La présence des forces de l'ordre public aux abords des établissements devrait être abordée lors d'une réunion entre le ministère de l'Éducation nationale et les associations d'élus locaux, mercredi 18 octobre, comme annoncé par Gabriel Attal.

"Même si ce sont les collectivités territoriales qui ont la compétence de gestion des établissements scolaires, je ne me défausserai pas de mes responsabilités. L'objectif est de faire un point, de regarder comment nous pouvons progresser pour renforcer la sécurité de nos établissements", précise le ministre.

Une autre rencontre sur le sujet, cette fois avec les syndicats de l'éducation nationale, est également prévue.

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