Écoles de commerce : tensions autour du nouveau concours littéraire BEL

Jessica Gourdon Publié le
Écoles de commerce : tensions autour du nouveau concours littéraire BEL
Le nouvelle bibliothèque de l'ESSEC // © 
Les écoles de commerce ne sont pas d’accord sur la prise en compte des notes des candidats obtenues à la BEL, le concours des ENS (écoles normales supérieures).

À l’approche de la mise en place du nouveau concours de « fin de khâgne », les écoles de commerce sont divisées. Un conflit a éclaté entre les deux grands concours réservés aux prépas. D’un côté, figure la BCE, la banque commune d’épreuves rassemblant 25 écoles de commerce, dont les plus grandes (HEC, ESSEC, ESCP Europe, EDHEC…), et pilotée par la puissante CCIP (Chambre de commerce et d’industrie de Paris). De l’autre, le groupe des six Ecricome, des grosses ESC bien connues des candidats (Rouen, Nancy, Reims, Tours-Poitiers, Euromed Marseille).

Les notes à la BEL qui comptent pour être admissible

En juin 2011, près de 50 écoles utiliseront les résultats des khâgneux obtenus aux écrits de la BEL (banque d’épreuves littéraires), le concours d’entrée aux ENS (écoles normales supérieures), afin de décider de l'admissibilité des candidats. Les établissements organiseront ensuite leurs épreuves d’admission (des oraux dans la plupart des cas). Une manière d’élargir les débouchés de ces littéraires, et de les rendre plus visibles.

Jusqu’ici, il existait déjà des concours BCE et Ecricome réservés aux prépas littéraires, avec leurs propres épreuves. Le nombre de candidats était en diminution, notamment car ces concours très lourds entraient en concurrence avec la préparation de celui des ENS, et que les étudiants n’y étaient pas préparés par leurs professeurs. Le recours à la BEL devait permettre aux écoles de commerce de gagner en attractivité auprès de ces publics.

La BCE garde ses propres épreuves

Mais les choses pourraient évoluer tout autrement. En effet, la BCE a décidé de garder ses propres épreuves écrites, aux côtés des résultats de l’étudiant à la BEL. Après les épreuves des ENS, les candidats devront plancher sur une synthèse de textes, deux langues vivantes, trois dissertations (histoire, philosophie, français) et une épreuve à option (géographie ou troisième langue). De quoi vider de son sens le recours à la BEL, qui ne représente au final qu’un coefficient 4 sur 30 ! Au bout du compte, la CCIP garde donc le contrôle sur son concours. « Pas facile pour des HEC de se faire dessaisir ce que qui fait leur essence, la sélection, et de confier les clés à des normaliens », glisse un directeur.

Autre obstacle : les littéraires seront interclassés avec ceux issus d'autres types de prépas. Comme les élèves de prépas HEC, les khâgneux obtiendront une note sur 600, et chaque école réalisera son classement. Le problème, c’est que les étudiants de prépa HEC sont notés avant tout selon leurs scores en maths (coefficient 11 sur 30 à HEC pour la voie S). Alors qu’il est bien plus difficile d’obtenir le maximum de points en sciences humaines qu’en mathématiques, il est fort probable que les littéraires accèdent moins aux meilleures écoles .

Les Ecricome réservent des places aux littéraires

Les écoles du concours Ecricome ont privilégié une autre voie. Elles vont ouvrir un nombre de places définies pour les littéraires en 2011 (175). Pour les écrits, elles vont recourir exclusivement aux notes de la BEL et organiseront ensuite leurs oraux, selon des barres d’admissibilité et des coefficients propres à chaque école. De quoi simplifier la vie des candidats. « Avec ce signal, nous montrons que nous répondons à une volonté politique et à une demande sociale », déclare Arnaud Langlois Meurine, directeur de Rouen BS et président d’Ericome.

Certaines écoles de la BCE jugent la décision des Ecricome « anti-concurrentielle », dans la mesure où ces dernières risquent de leur prendre de nombreux étudiants, attirés par la facilité de la procédure.  « Et puis, c’est le début des quotas ! Si on commence comme cela, après il y aura des quotas pour les boursiers, les bacs techno, et pourquoi pas pour les filles ! La pratique des écoles Ecricome n’est pas loyale », réagit un directeur. Une preuve de plus que, dans le milieu des grandes écoles, les concours ont quelque chose de « sacré » et qu'il est difficile de les faire évoluer.

Jessica Gourdon | Publié le