Etudiants internationaux : la proposition de loi sur le contrôle de l'immigration ne passe pas dans l'enseignement supérieur

Pauline Bluteau Publié le
Etudiants internationaux : la proposition de loi sur le contrôle de l'immigration ne passe pas dans l'enseignement supérieur
La proposition de loi de sénateurs visant à contrôler le nombre d'étudiants étrangers suscite l'incompréhension dans le supérieur. // ©  Nicolas TAVERNIER/REA
Le 1er juin, plusieurs sénateurs Les Républicains ont déposé une proposition de loi pour "reprendre le contrôle de la politique d'immigration". Les quelque 300.000 étudiants internationaux pourraient bien être concernés par ces nouvelles obligations qui risquent d'accentuer la sélection par l'argent.

Quatre ans après la mise en place de la stratégie Bienvenue en France, la question de l'accueil des étudiants internationaux est remise sur le tapis. "Ce n'est pas nouveau, cela fait 20 ans qu'on en parle sans arrêt", se lamente Alexis Michel, président de la commission International et recherche à la CDEFI (conférence des directeurs des écoles françaises d'ingénieurs).

La proposition de loi, portée par deux sénateurs Les Républicains, François-Noël Buffet et Bruno Retailleau, vise notamment à imposer davantage de contraintes aux étudiants internationaux qui souhaitent séjourner en France pour suivre une formation.

Des contraintes financières pour étudier en France

Chaque année, de plus en plus d'étudiants internationaux intègrent les universités, les écoles de commerce, d'ingénieurs, les BTS, les écoles d'art ou d'architecture…

Rien qu'en 2021, près de 303.000 étudiants internationaux sont venus suivre un cursus en France, ce qui représente 11% des effectifs de l'enseignement supérieur. Des chiffres encore loin de l'objectif des 500.000 étudiants internationaux d'ici 2027.

Pour encourager les admissions, des frais différenciés ont été mis en place pour les étudiants internationaux. Tous ceux venant d'un pays situé en dehors de l'Europe doivent s'acquitter de frais d'inscription de 2.770 euros pour un niveau licence (jusqu'au bac+3) et 3.770 euros en niveau master (bac+4/5) dans les établissements publics. À titre de comparaison, les frais à l'université s'élèvent à 170 et 243 euros pour les étudiants français et européens.

Or, la proposition de loi vise à majorer, une nouvelle fois, les droits d'inscription pour les non-ressortissants de l'Union européenne. Mais ce n'est pas tout, la délivrance de la carte de séjour "étudiante" pourrait aussi être "subordonnée au dépôt d’une caution par l’étranger".

Une méthode assez "déroutante" pour Alexis Michel qui se dit "sceptique" face à ces propositions. "La proposition de loi intervient au moment où les écoles d'ingénieurs ont déjà du mal à recruter. Les étudiants internationaux peuvent nous aider à atteindre nos objectifs (de capacité d'accueil, ndlr) mais là, nous risquons de nous retrouver dans une position difficile."

Avec France Universités, la CDEFI évoque des "mesures parfaitement inefficaces", qui "n’apporteraient rien à un système de délivrance des titres déjà très rigoureux et viendraient accentuer la précarité financière de nos étudiantes et étudiants internationaux. Une sélection par l’argent qui alimenterait, en outre, une authentique marchandisation de l’enseignement supérieur français."

Justifier du "caractère sérieux" de ses études

Pour ces mêmes étudiants, s'ajoute aussi l'obligation de justifier du "caractère réel et sérieux des études".

Un non-sens pour Alexis Michel. "L'assiduité est un élément central dans nos écoles. Les étudiants sont responsables et doivent déjà rendre compte de leur absence, qu'ils soient étrangers ou non. Cette vision de l'enseignement supérieur est datée et dépassée", s'indigne le directeur de l'ENIB.

Confondre immigration et mobilité étudiante

Pour l'heure, il ne s'agit que d'une proposition de loi. Néanmoins, les représentants de l'enseignement supérieur n'ont pas manqué d'exprimer leur indignation. Universités et écoles d'ingénieurs reprochent une "absence totale de considération de [leurs] étudiants internationaux ainsi qu'une défiance envers [leur] système d'enseignement supérieur".

Selon Alexis Michel, les sénateurs confondent "immigration et mobilité internationale étudiante". "Il n'y a aucune nuance et nous le regrettons", tonne-t-il.

Le représentant de la CDEFI craint également un manque de crédibilité sur la scène internationale. Comme dans la majorité des écoles et universités du supérieur, des partenariats sont noués entre les établissements pour leur permettre une mobilité : "Nous installons un dialogue de confiance pour que nos élèves partent et que l'on puisse en accueillir. Le risque, c'est que cette réciprocité ne soit plus possible pour nos étudiants", estime Alexis Michel.

Entre temps, une autre proposition de loi a été déposée par des sénateurs centristes et un projet de loi immigration doit être discuté à l'automne. Un sujet hautement sensible et sous surveillance pour les acteurs du supérieur.

Pauline Bluteau | Publié le