Dans l'amphithéâtre de la Sorbonne le 25 août dernier, Emmanuel Macron a reconnu l'urgence de mener le chantier de la crise d'attractivité du métier d'enseignant. Pour le chef d'Etat, l'une des réponses principales passe par l'augmentation des rémunérations, notamment en début de carrière. Il a confirmé qu'"aucun enseignant ne commencera sa carrière sous 2.000 euros net mensuel".
Mais ce chiffre est loin d'être nouveau, précisent les syndicats : il avait déjà été évoqué sous le mandat de Jean-Michel Blanquer lors des discussions de revalorisations dans le cadre de la réforme des retraites puis du Grenelle de l'enseignement. "Preuve que ce n'est pas une mesure facile à mettre en place, prévient Guislaine David du SNUipp-FSU. Si l'exécutif tient sa promesse, ce sera une réussite. Mais nous jugerons sur des actes et non des paroles."
Un salaire de 2.000 euros après 13 ans d'ancienneté
L'ensemble des organisations précisent que la rémunération de 2.000 euros net mensuel n'est pas aberrante alors que les enseignants sont recrutés à l'issue du master et donc diplômés d'un bac+5. Aujourd'hui, un néo-professeur touche environ 1.700 euros net par mois. Il faut atteindre l'échelon 8 de la grille salariale des enseignants, soit après au moins 13 ans d'ancienneté pour atteindre le salaire de 2.000 euros hors primes. Mais des questions demeurent quant à cette annonce.
Tout d'abord, "il faut préciser où se situe l'entrée dans le métier", pointe Stéphane Crochet du SE-Unsa. "La plupart des annonces et mesures de revalorisation sur le début de carrière s'applique à l'échelon 2, soit après la titularisation. Or, pour nous, il faut que cela s'applique dès l'échelon 1, celui des fonctionnaires-stagiaires."
Une revalorisation qui aura un impact sur toute la grille salariale
Commencer à 2.000 euros net mensuel a également un impact sur le reste de la grille salariale. Pour les organisations syndicales, il est impensable qu'un néo-professeur gagne plus que son collègue qui a davantage d'ancienneté.
"Cela s'appelle une inversion de carrière, explique Catherine Nave-Bekhti du Sgen-CFDT. A la suite de cette annonce, il faut travailler sur le reste des échelons pour dessiner une trajectoire qui fasse sens. Surtout, il faut éviter des plateaux de stagnation pour les salaires."
S'il y a un aplatissement des carrières, on ne pourra pas parler de rattrapage salarial. (J-R Girard, Snalc)
D'autant qu'une revalorisation générale de la carrière est une demande forte, estime la secrétaire générale du syndicat. "Dernièrement, la plupart des mesures salariales concernaient l'entrée dans la carrière. Les collègues déjà dans le métier ont l'impression d'être oubliés, de regarder passer les trains."
Pour le Snes-FSU, ces effets de plateau où la rémunération stagne est également problématique. "Dans ce schéma, le salaire ne prend pas en compte la valeur ajoutée de l'expérience professionnelle", estime Sophie Vénétitay, secrétaire générale du syndicat.
Une crainte que partage Jean-Rémi Girard du Snalc : "S'il y a un aplatissement des carrières, on ne pourra pas parler de rattrapage salarial." Pour le syndicaliste, "on ne construit pas de l'attractivité seulement sur les débuts de carrière. Les personnes ne sont pas attirées vers un métier où il y a peu d'évolution salariale !"
Devant les recteurs, Emmanuel Macron a évoqué une revalorisation globale de 10% pour les enseignants. Mais ce chiffre demeure source de beaucoup d'interrogations pour les enseignants et leur syndicats. "Sincèrement, je n'y crois pas vraiment, reconnaît Stéphane Crochet. Est-ce que cela concerne l'ensemble des échelons de la grille salariale ?"
Quelle enveloppe globale pour cette revalorisation ?
Avant même le début des concertations, prévues pour le mois d'octobre, Pap Ndiaye a précisé que cette annonce sera effective pour la rentrée 2023. La grande inconnue est celle de l'enveloppe allouée à cette revalorisation.
"Il y a 850.000 enseignants, de fait une revalorisation représente un effort budgétaire important mais nécessaire. Surtout que l'on devine que c'est Bercy qui tiendra les cordons de la bourse", indique Jean-Rémi Girard du Snalc.
Selon nos calculs, il resterait 1,2 milliard d'euros pour la revalorisation de la rentrée prochaine. (S. Crochet, SE-Unsa)
Si Gabriel Attal a annoncé une hausse du budget de l'Education Nationale à hauteur de 3,6 milliards d'euros, les syndicats s'inquiètent de la part dévolue à la revalorisation des salaires des enseignants. "Cette hausse du budget est le seul chiffre que nous ayons actuellement. Or, elle est déjà largement utilisée pour le dégel du point d'indice sur l'année prochaine, explique de son côté Stéphane Crochet. Selon nos calculs, il resterait 1,2 milliard d'euros pour la revalorisation de la rentrée prochaine."
Cette annonce, comme bien d'autres, est ponctuelle. "Elle n'engage à rien et peut être rayée d'un trait de plume", regrette Sophie Vénétitay du Snes-FSU. La plupart des syndicats plaident pour une loi pluriannuelle qui marquerait un engagement sur le long terme.