L'intégration du SNU au lycée et dans le pacte enseignant ne fait pas l'unanimité

Clémentine Rigot Publié le
L'intégration du SNU au lycée et dans le pacte enseignant ne fait pas l'unanimité
900 établissements ont répondu favorablement l’appel à projet "classes et lycées engagés" du ministère de l’Éducation nationale. // ©  Laurent Coust/ZUMA-REA/ZUMA-REA
Dès cette année, les enseignants pourront voir labelliser leur classe et la faire participer à un séjour de SNU (Service national universel), dans le cadre d’un projet pédagogique. Des missions supplémentaires rémunérées dans le cadre du pacte enseignant qui ne font pas l’unanimité dans le secteur.

C'est officiel depuis la rentrée 2023, c’est bien une brique du Pacte enseignant qui servira à rémunérer les professeurs volontaires pour les séjours SNU (service national universel).

Il s'agira, pour les professeurs qui le souhaitent, de participer au projet "classe engagée". En clair, impliquer leurs élèves dans un projet pédagogique en lien avec l’un des thèmes suivants : environnement, défense et mémoire, sport, résilience et prévention des risques.

Leur classe sera alors labellisée, en travaillant tout au long de l’année sur ce projet, qui se conclura par un séjour de 12 jours dans le cadre du SNU.

Ce projet "ouvre la possibilité pour un professeur qui s’y investit de bénéficier de la mesure du Pacte, au titre de la coordination de l’innovation pédagogique", précise le cabinet de Prisca Thevenot, nouvelle secrétaire d'État chargée de la Jeunesse et du Service national universel (SNU).

L'intégration du SNU dans les lycées mal accueillie par les syndicats

Du côté des syndicats, on n'accueille pas favorablement l'idée d'un séjour SNU intégré aux semaines de cours. "Le fait de l'incorporer dans le temps scolaire montre que le gouvernement monte d'un cran sur la question de l’obligation du SNU, à terme", explique Nara Cladera, co-secrétaire fédérale de Sud éducation.

"Pour nous, cela reste un dispositif d'encadrement militaire et de mise au pas de la jeunesse, précise-t-elle, alors que l’objectif premier de l'école, c’est l'émancipation des futurs citoyens et citoyennes".

Pour nous, cela reste un dispositif d'encadrement militaire et de mise au pas de la jeunesse. (N. Cladera, Sud éducation)

Si certaines organisations syndicales ne s’opposent pas au SNU en tant que tel, son imbrication au temps scolaire est rejetée de manière "unitaire par l'ensemble de l'inter-syndicale éducation", d’après Nara Cladera.

"Le fait que ce soit réservé à celles et ceux qui ont la nationalité française pose question", souligne Nara Cladera. Pour l'heure, s’agissant des jeunes internationaux et de leur participation à ces séjours, rien n'est encore gravé dans le marbre.

"Le travail juridique se poursuit pour permettre leur participation aux séjours de cohésion", précise, pour sa part, le cabinet.

Une garantie de mixité sociale ?

"Voir le SNU arriver à l'école alors que le dispositif dysfonctionne, c'est le ciel qui nous tombe sur la tête !, abonde Marine Provini, conseillère d’éducation et membre de Solidaires jeunesse et sport. On demande des sacrifices aux enseignants qui travaillent déjà beaucoup, c'est une sorte de carotte."

C'est pourtant le concept de "mixité sociale" qui était mis en avant par Sarah El-Haïry, secrétaire d'État chargée de la Jeunesse et du Service national universel jusqu'en juillet 2023. Cette mixité devait être garantie par la répartition des jeunes dans les maisonnées lors du séjour : "en arrivant dans le centre, les jeunes ne restent pas ensemble, ils sont mélangés", précisait-elle.

"La mixité sociale c’est très important ! Mais ce n’est pas avec le SNU que ça va être travaillé. On le voit dans les séjours aujourd’hui, ça ne fonctionne pas", assure Marine Provini.

Dans un rapport de l'Assemblée Nationale du mois d'octobre, le législateur pointait ainsi du doigt les limites du dispositif en terme de mixité sociale. "La part d’inscrits résidant dans un quartier prioritaire de la politique de la ville (...) était de 7,4% pour les séjours en 2022 ; elle reste inférieure à la moyenne nationale (9,2% des 15-24 ans vivaient en QPV selon l’INSEE en 2018)".

Ces résultats s’expliquent par le profil des participants : l’INJEP notait, à propos des séjours de 2022, une sous-représentation des enfants d’ouvriers (20% des participants, contre 30% dans la population générale) et une surreprésentation des enfants de cadres, d’artisans, de commerçants et de chefs d’entreprise (43% des pères, contre 33% des hommes en emploi) . Par ailleurs, plus d’un tiers des participants de l’année 2021 déclaraient que l’un de leurs parents avait travaillé par le passé dans un corps en uniforme."

Un flou autour du financement des séjours

Pour financer ces séjours, Sarah El-Haïri était formelle : "zéro euro à charge pour les familles et pour l'établissement". Alors, d’où proviendront les fonds ?

Du programme 163 du budget "jeunesse et vie associative". Des frais qui ne seront donc pas amputés au budget de l’Éducation nationale. "Les questions budgétaires sont encore en cours d'instruction et les arbitrages ne sont pas figés sur les modalités", précise cependant le cabinet.

Si les familles et les établissements semblent donc ne pas être concernés par ces dépenses, le fléchage de ces sommes n’est pas accueilli chaleureusement. "Nous demandons plutôt à ce le budget du SNU, qui est considérable [140 millions d’euros dans le programme 163, NDLR] soit investi dans les budgets de l'éducation nationale", réagit Marine Provini.

Interrogée par Brut mardi 19 septembre, Prisca Thevenot a pour sa part annoncé vouloir tendre "vers une généralisation" du SNU. Or si le Service national universel se généralise, se pose alors la question de son organisation sur le temps scolaire et de la rémunération des enseignants volontaires.

Comment seront rémunérées les équipes enseignantes ? L'encadrement des classes engagées deviendra-t-il inhérent aux fonctions des profs ? Quels membres des équipes pédagogiques seront concernés par cette extension du SNU ? Il reste, à ce jour, encore beaucoup d'interrogation autour de ce qu'Emmanuel Macron avait promis d'instaurer, dès 2017, comme un séjour "de durée courte, obligatoire et universel".

Clémentine Rigot | Publié le