Nouveau bac : quels profils pour les futurs élèves ingénieurs ?

Thibaut Cojean Publié le
Nouveau bac : quels profils pour les futurs élèves ingénieurs ?
Le 17 octobre, les inspecteurs généraux chargés de la réforme du bac ont présenté les nouveaux programmes aux responsables d’écoles d’ingénieurs. // ©  Thibaut Cojean
La réforme du baccalauréat ne s’accompagne pas que de nouvelles spécialités. Les programmes ont également été revus, notamment ceux des matières scientifiques. En théorie, cela pourrait donner des profils d'élèves ingénieurs plus impliqués à partir de 2021, mais qui n’auront suivi que deux spécialités scientifiques.

C’est à l’initiative de la CDEFI (conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs) qu’un colloque sur les effets de la réforme du bac a été organisé à Paris, jeudi 17 octobre, dans les locaux de Chimie ParisTech. Le but de la journée : inviter les inspecteurs généraux chargés de la réforme du bac à présenter les nouveaux programmes aux responsables d’écoles d’ingénieurs, afin qu’ils anticipent le profil des bacheliers admis à partir de 2021.

Le choix des élèves renforce la motivation

Bien entendu, l’ensemble des inspecteurs généraux de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) présents ont loué les effets observés et à venir de leur réforme. Selon eux, la mise en place des spécialités a notamment un effet notable : le fait que les élèves choisissent eux-mêmes leurs spécialités, donc les matières les plus importantes de leur lycée, renforce leur motivation et leur implication. "Si cette réforme peut plonger les élèves dans des disciplines qu’ils choisissent, cela peut leur permettre de s’investir davantage dans leur scolarité et leurs études", confirme Patrick Fournié, proviseur du lycée Janson de Sailly (Paris 16e), qui reconnaît également qu'elle pousse les élèves à "réfléchir plus tôt à leur orientation".

Le nouveau lycée offre la possibilité aux élèves de première de combiner trois spécialités scientifiques parmi les suivantes : mathématiques, physique-chimie (PC), sciences et vie de la Terre (SVT), numériques et sciences informatiques (NSI) et sciences de l’ingénieur (SI). En terminale, ils ne devront en garder que deux. Quelques semaines après la rentrée, les spécialités suivies par 80 % des élèves de premières sont connues. Jean-Charles Ringard, IGESR chef de projet bac et nouveau lycée, fait ainsi remarquer que 67,7 % des élèves ont choisi la spé maths, et 4 sur 10 ont une combinaison de trois spécialités scientifiques.

Les maths au cœur du nouveau bac

La place forte des maths se ressent déjà sur le terrain. Au lycée Chaptal (Paris 8e), traditionnellement scientifique, "179 élèves sur 180 ont choisi la spé maths", confirme son proviseur, Hervé Gateau. Autre statistique édifiante : seuls 0,9 % des élèves de première ont pris la spécialité PC sans les maths.

"Le programme des mathématiques a été élaboré sans prendre en compte les autres spécialités", explique Johan Yebbou, IGESR doyen du groupe mathématiques. Au-delà de la "large réécriture" du programme et de l’ajout d’une section histoire des maths, deux options font leur apparition en terminale : maths expertes et maths complémentaires.

J’aimerais beaucoup que mes élèves maîtrisent les programmes en première année.

Si la première est prévue pour renforcer les apprentissages, la seconde "a été pensée pour les élèves qui abandonneraient les maths en terminale, et a donc été conçue comme un complément aux autres disciplines scientifiques", explique Johan Yebbou. Elle présente un programme proche de la spécialité, en moins développé. Cela devrait toutefois moins concerner les CPGE que d’autres formations, comme celles de la santé, puisque le ministère de l’Éducation nationale conseille aux élèves voulant intégrer une prépa scientifique de combiner les maths et n’importe quelle autre spécialité scientifique.

Moins de spés en terminale, mais des profils plus variés

Le fait de ne suivre que deux spécialités scientifiques en terminale est justement un sujet qui inquiète l’audience. Olivier Sidokpohou, IGESR responsable du collège expertise disciplinaire et pédagogique, balaie ce sujet, préférant y voir un atout : "D’expérience, 25 % des élèves suivaient vraiment les trois disciplines en S. La majorité en laissait une, voire deux, de côté. Avec deux matières à travailler, on aura des élèves motivés et mieux formés."

L’inspecteur se félicite également de l’émergence de "parcours scientifiques plus variés". Le cas des bacheliers STI2D, moins nombreux que les années précédentes, est d’ailleurs évoqué. Pour eux aussi, la réforme du bac s’accompagne d’une refonte des programmes et les sciences seront renforcées. "Il y aura plus d’heures de maths en première STI2D qu’en première générale spécialité maths, note Dominique Obert, IGESR doyen du groupe physique-chimie. Les élèves auront un profil fortement scientifique, seront plus motivés et cela facilitera leur poursuite d’études."

Plus d’informations dans un an

"Ces programmes sont très ambitieux, j’aimerais beaucoup que mes élèves maîtrisent tout ça en première année", se réjouit une responsable d’établissement présente dans l’amphithéâtre. Sa remarque cache toutefois une inquiétude. "Qu’en est-il du taux de réussite au bac ?" Comprendre : au-delà de profils plus scientifiques, le nouveau lycée livrera-t-il assez d’élèves pour remplir les bancs des écoles d’ingénieurs ?

L’inspection générale se veut rassurante : le nouveau bac n’a pas été pensé pour pénaliser les élèves et le taux de réussite devrait rester sensiblement le même. Toutefois, "s’il venait à manquer 20.000 élèves scientifiques, ce serait une catastrophe", reconnaît Dominique Obert, qui donne rendez-vous dans un an, quand les combinaisons de spécialités de terminale seront connues, pour avoir une idée plus précise des profils des futurs élèves ingénieurs.

Autre interrogation, à laquelle l'inspection générale n'a cette fois pas apporté de réponse. Les épreuves terminales de spécialités se tenant en mars, comment faire en sorte que les élèves restent impliqués et motivés jusqu'à la fin de l'année ? La question est posée, dans les rangs des écoles comme dans ceux du ministère.

Thibaut Cojean | Publié le