Pour le Hcéres, le CNRS doit clarifier son positionnement et moderniser sa gouvernance

Clémentine Rigot Publié le
Pour le Hcéres, le CNRS doit clarifier son positionnement et moderniser sa gouvernance
Le siège du CNRS, rue Michel-Ange, à Paris. // ©  Nicole TIGET/CNRS Photothèque
Pour son premier rapport d’évaluation sur le CNRS, le Hcéres s’est armé d’une équipe internationale de 16 experts pour analyser forces et faiblesses du plus grand organisme public de recherche du pays. Si le rapport salue cette institution de "niveau mondial", il recommande plusieurs améliorations sur le positionnement, la gestion des ressources humaines et la gouvernance.

"Peut faire mieux". C’est une appréciation en demi-teinte que reçoit le CNRS pour son évaluation de la période 2017-2021 par le Hcéres, portant sur l’organisme "dans son ensemble et sur ses interactions avec l'écosystème français de la recherche et de l'enseignement supérieur", précise le Haut conseil.

Son comité pointe, en effet, du doigt la nécessité pour l’organisation de plus de "transparence, de la coordination, des stratégies de partenariat claires et des responsabilités partagées", précise le compte-rendu, publié le 20 novembre.

Les lourdeurs administratives : un "fardeau" pour les équipes

Si la production scientifique du CNRS est d’emblée considérée comme "forte" et "reconnue au niveau mondial", le comité a pointé du doigt un certain nombre de failles de la part du Centre.

Parmi elles, le "fardeau administratif" "trop lourd à tous les niveaux", suscitant même un "profond niveau de frustration". Manque de ressources, complexité des procédures… Le personnel administratif du CNRS est décrit comme "soumis à une pression croissante".

Pour y remédier, le Hcéres dresse une liste de recommandations, notamment "simplifier les processus administratifs et de réduire le fardeau bureaucratique qui pèse sur la communauté du CNRS". Cela passerait entre autres par la construction d’indicateurs "pour mesurer régulièrement l'évolution de la charge administrative des chercheurs".

Repenser la gouvernance des unités mixtes de recherche avec les universités

La relation entre le CNRS et les universités a aussi attiré l’attention du Hcéres, qui souhaiterait voir "un partenariat plus approfondi et plus complet (…), y compris avec une amélioration de la gouvernance et du 'co-management' des UMR (unités mixtes de recherche), et une contribution accrue des chercheurs CNRS aux activités d'enseignement".

Pour ce faire, le Hcéres propose de "mettre en place une gouvernance des UMR claire et partagée" entre CNRS et universités, ou encore de "décentraliser au maximum les processus opérationnels du CNRS et ses décisions d'allocation de ressources aux UMR, afin que ces décisions puissent être prises en concertation avec les universités partenaires".

Plus généralement, le rapport pose comme première recommandation de "mettre à jour le rôle et le positionnement du CNRS dans un écosystème français de recherche en évolution".

« Au CNRS, il y a des chercheurs parmi les plus primés au monde mais au bout du compte, peu d’étudiants ont la chance de les entendre », regrettait pour sa part Sophie D'Amours, rectrice de l'Université Laval (Canada), vice-présidente du comité d'évaluation, lors de la conférence de presse du 20 novembre. « C’est important pour l’équilibre et la cohésion des UMR de pouvoir partager cette charge d’enseignement ».

Revoir la gouvernance du CNRS lui-même

La gouvernance du CNRS est également tombée dans le viseur du Hcéres, constatant que le conseil d'administration "ne joue pas son rôle stratégique". Le Haut Conseil souligne le "peu de transparence sur la façon dont les principales décisions sont préparées et prises, et un manque de clarté sur les orientations stratégiques et les critères sur lesquels ces décisions sont fondées".

Comme solution, l'organise propose de réexaminer les "différents rôles et les relations au sein de l’organisation, ainsi que les canaux de communication". Concrètement, cela pourrait aussi passer par la création d’un "conseil consultatif externe permanent comprenant une forte proportion de membres étrangers" ou encore la dissociation des "fonctions de président du conseil d'administration et de directeur général du CNRS".

De quoi, peut-être, atteindre la deuxième recommandation du Hcéres, qui est de "moderniser la gouvernance du CNRS et l’amener au niveau des autres institutions de recherche de classe mondiale".

Améliorer la gestion des ressources humaines

Autre thématique nécessitant des améliorations : ce que le Hcéres nomme les "talents". Si le comité a observé qu'il y a une grande fierté à être associé au CNRS, il estime que "le développement des ressources humaines est un élément sous-estimé et pourtant essentiel de l'impact national du CNRS, qui mérite une attention accrue".

"La rétention du personnel est un élément qui prend de plus en plus de place dans les organisations scientifiques", précisait Sophie D'Amours. "Nous invitons le CNRS à mettre en œuvre un plan de développement de talents et notamment des jeunes talents", insistait-elle. Ces derniers "arrivent aujourd’hui dans un environnement où la pression est extrêmement grande mais aussi où les opportunités sont globales". Charge au CNRS de mieux les accompagner.

Par ailleurs, "le comité n'a pas eu confirmation de l'existence d'un plan structuré de développement des talents ni d'un système structuré d'accompagnement des carrières", une situation qu'il juge "en décalage par rapport aux pratiques courantes dans d'autres institutions internationales".

Le Hcéres recommande de "proposer des packages d’accueil attractifs", de développer des "mesures incitatives pour retenir à long terme" les chercheurs, ou encore de "tenir compte du coût de la vie et de la concurrence nationale et internationale pour élaborer un régime de rémunération qui permette de recruter et de retenir les meilleurs talents de tous les groupes de population".

Des conclusions jugées "source d'inspirations et de motivation"

L’évaluation a été accueillie positivement par le CNRS et son président, Antoine Petit, saluant, dans une note, la conclusion dudit rapport, qui considère le CNRS "comme une institution de recherche majeure et de niveau mondial. Son histoire et son impact se reflètent dans sa réputation, sa taille et son envergure, et sa présence sur l'ensemble du territoire français, dans les initiatives scientifiques européennes et au niveau international".

Et l’appréciation mitigée ? Elle est une "source d'inspirations et de motivation", assure le président. Passant en revue les 12 grandes recommandations du Haut conseil, Antoine Petit a assuré que le CNRS allait "maintenant travailler sur l’ensemble de ces sujets".

Le CNRS, une structure atypique

Établissement public à caractère scientifique et technologique, le CNRS est placé sous la tutelle du ministre chargé de la recherche. Il a pour principales missions d'effectuer "toutes recherches présentant un intérêt pour l'avancement de la science ainsi que pour le progrès économique, social et culturel du pays ; de contribuer à l'application et à la valorisation des résultats de ces recherches ; de développer l'information scientifique et l'accès aux travaux et données de la recherche, en favorisant l'usage de la langue française ; d’apporter son concours à la formation à la recherche et par la recherche", liste ainsi le Hcéres en préambule.

Organisé en dix Instituts scientifiques, le CNRS "dispose d'un budget total de 3,7 milliards d'euros en 2021, dont 2,8 milliards d'euros (76%) de subvention pour charges de service public allouée par l'État français, et 0,9 milliard d'euros (24%) de recettes propres", recense le Haut conseil.

Clémentine Rigot | Publié le