Les écoles d'ingénieurs en réseau : un atout pour traverser la crise ?

Clément Rocher Publié le
Les écoles d'ingénieurs en réseau : un atout pour traverser la crise ?
Le réseau des Insa a su s'organiser lors de la crise sanitaire. // ©  Stephane AUDRAS/REA
Face au choc de la crise sanitaire, l'ensemble des établissements du supérieur ont dû s'adapter à marche forcée. Dans ce contexte, les écoles d'ingénieurs en réseau ont démontré que la force du collectif a constitué un sérieux avantage.

Face à l'ampleur de la crise sanitaire, être structuré en réseau a pu représenter une force pour les écoles d'ingénieurs. Entre mutualisation des ressources, échanges de bonnes pratiques, ou partage d'expérience, ces réseaux d'écoles d'ingénieurs ont su réinventer leurs pratiques en plein confinement.

D'autant que la situation sanitaire a pu mettre en exergue l'isolement des directeurs d'établissement. "Même si vous avez des consignes venant des circulaires ministérielles, vous êtes quand même parfois un peu seul avec vos problèmes", concède ainsi Christian Lerminiaux, directeur de Chimie ParisTech et président du réseau ParisTech.

Un partage d'expériences

Aussi, les réseaux d'écoles ont pu engager une réflexion collective pour maintenir la qualité pédagogique de la formation d'ingénieurs. "Nous avons rapidement mis en place des groupes d'échange pour partager nos expériences, nos interrogations et nos difficultés. Ces échanges transverses ont permis de remonter des problématiques que nos écoles avaient rencontrées", explique Philippe Choquet, directeur d'UniLaSalle et président de la FESIC (Fédération des établissements d’enseignement supérieur d’intérêt collectif).

Sylvie Bégin-Colin, directrice de l'ECPM et présidente de la Fédération Gay-Lussac, salue également la réactivité des directeurs. "Nous avons constitué des groupes de travail autour de la formation, du recrutement, de l'international. Les membres du bureau se sont réunis à une fréquence plus régulière dès le début du confinement. Nous avons surtout partagé nos expériences mutuelles sur cette période particulière tout en sachant que le point de départ a été la mise en place de l'enseignement à distance."

Les directeurs des écoles d'ingénieurs du groupe Insa se sont également réunis toutes les deux semaines à distance afin d'échanger sur la gestion de la crise sanitaire au niveau de la formation et se nourrir des réflexions de chacun.

Trouver de nouvelles pratiques pédagogiques

Certains réseaux ont choisi de créer des structures autour de l'innovation pédagogique. Que ce soit au sein d'une cellule, d'un groupe de travail voire d'une commission, ces structures ont permis de faire rapidement évoluer les pratiques pour s'adapter à la crise sanitaire. Le groupe Insa s'est notamment reposé sur son service inter-établissements, OPEN Insa, pour transformer ses enseignements et basculer vers le numérique.

"Ce service rassemble toutes les cellules d'ingénierie pédagogique du groupe. Quand il a fallu entrer dans une phase plus dure autour de l'évaluation à distance, nous avons réussi à mettre en place une palette de modalités en prenant en compte le meilleur des pratiques dans chaque Insa", explique Bertrand Raquet, directeur de l'Insa Toulouse et président du groupe Insa.

Parmi ces bonnes pratiques, certains Insa ont privilégié l’évaluation à distance individualisée notamment sous forme de QCM à compléter dans un temps limité, de devoirs à rendre mais aussi d’entretiens individuels par téléphone ou via la plateforme Zoom. D’autres ont choisi les travaux de groupe tout en écartant l'éventualité d'un système de surveillance. "Nous avons décidé de ne pas mettre en place de dispositif qui revient à contrôler l’étudiant dans son environnement de travail. Nous avons fait signer une charte d’engagement à nos étudiants", complète le président du groupe du groupe Insa.

La commission enseignement du réseau ParisTech s'est, de son côté, penchée sur les nouvelles modalités pédagogiques à mettre en place à la suite du confinement. "Dans le contexte sanitaire, ces modalités sont devenues un axe important de ParisTech", soutient Christian Lerminiaux.

Partager les bonnes pratiques

La force des réseaux réside aussi dans l'échange de bonnes pratiques au sein d'une même communauté d'établissements, aussi bien sur les nouvelles modalités pédagogiques que sur l'utilisation des outils numériques. Mais ce partage ne signifie pas nécessairement prise de décision commune. "A la FESIC, chaque école peut prendre une posture différente par rapport aux autres établissements en fonction de leur réalité locale, même s'il peut y avoir des majorités qui s'imposent. Nous ne sommes pas opposés à ce qu'une école prenne une décision originale", assure Philippe Choquet.

Les écoles membres de la Fédération Gay-Lussac se sont aussi intéressées à la question du recrutement et à la mise en place d'entretiens à distance pour les admissions sur titres. "Nous avons retrouvé différents cas de figure parmi les choix des écoles. Nous ne sommes pas dans une volonté d'appliquer une ligne de conduite", confirme Sylvie Bégin-Colin. La moitié des établissements de la fédération ont pris la décision de maintenir les entretiens d'admission.

Construire ensemble des projets

La valeur ajoutée des écoles d'ingénieurs en réseau ne s'arrête pas à la seule définition de nouvelles pratiques pédagogiques ou de partage de bonnes pratiques. Les réseaux ont pu aussi construire des projets en réponse à des problématiques survenues à la suite du confinement.

Ainsi, face à la difficulté de trouver des stages aux élèves-ingénieurs, certains réseaux ont pu faire appel à la communauté des anciens élèves. "Nous avons lancé une opération spécifique auprès de nos 100.000 alumnis avec la création d'une plateforme dédiée aux recherches de stage. Nous avons obtenu de nombreuses propositions de stages pour nos élèves-ingénieurs (une centaine pour Insa Toulouse)", témoigne Bertrand Raquet.

Le groupe INSA a également su mettre en avant sa notoriété pour venir en aide à ses élèves-ingénieurs. "Quand vous avez un collectif qui porte une identité bien marquée, c'est beaucoup plus facile de lancer de grandes opérations de solidarité. La fondation du groupe Insa a été capable en quelques jours de capitaliser plus d'une centaine de milliers d'euros pour venir en soutien à nos étudiants", poursuit le président.

Dans le cadre de l'appel à projets "hybridation des formations d'enseignement supérieur" lancé par le ministère de l'Enseignement supérieur, la fédération Gay-Lussac s'est investie courant avril dans un projet de création d'une plateforme qui vise à mutualiser les cours à distance et à mettre en place des cours de remise à niveau. "Nous avons profité de la dynamique du confinement pour monter ce projet. Il y a eu une bonne volonté de chaque école de mettre en commun les ressources", affirme Sylvie Bégin-Colin.

Partage des bonnes pratiques, mutualisation des ressources... la crise sanitaire a permis de remettre au premier plan le rôle des réseaux des écoles d'ingénieurs. Ces synergies au sein d’un réseau inspireront peut-être d’autres écoles d’ingénieurs pour s’orienter vers ce type de structuration.

Clément Rocher | Publié le