Colloque CDEFI : "On ne peut pas être compétitif au XXIe siècle sans ingénierie" (J. Fayolle)

Clément Rocher Publié le
Colloque CDEFI : "On ne peut pas être compétitif au XXIe siècle sans ingénierie" (J. Fayolle)
Emmanuel Duflos et Jacques Fayolle, le nouveau et l'ancien président de la CDEFI. // ©  EPF/Photo fournie par le témoin
Lors du colloque annuel tenu par la CDEFI à Bruxelles, les 15 et 16 juin 2023, Jacques Fayolle et Emmanuel Duflos, l'ancien et le nouveau président de la conférence des directeurs d'écoles d’ingénieurs, ont fait le point sur les enjeux de l'attractivité des écoles et l'ambition d'accroître le nombre de diplômés, lors d'un point presse.

Il était le seul candidat en lice. Emmanuel Duflos, directeur de l’école d’ingénieurs EPF, a succédé à Jacques Fayolle, directeur de l’École des Mines de Saint-Étienne, au poste de président de la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs (CDEFI).

À l'occasion du colloque annuel tenu par la CDEFI, les 15 et 16 juin 2023, à Bruxelles, l'ancien et le nouveau président ont échangé, lors d'un point presse, sur un objectif stratégique qui concentre toute l'attention de la conférence : l'attractivité des écoles d'ingénieurs.

Quels sont les prochains défis de la CDEFI ?

Jacques Fayolle : J'achève mes deux mandats à la présidence de la CDEFI avec une double satisfaction. La conférence s’est dotée d’outils et de structures qui sont efficientes. Nous portons aussi un message politique sur l’importance de l’ingénierie en France, qui est aujourd’hui bien entendu. On ne peut pas être compétitif au XXIe siècle, dans une économie mondialisée, si nous n’avons pas d’ingénierie. Elle se fait dans nos laboratoires de recherche, avec nos enseignants-chercheurs, nos étudiants et nos diplômés dans les entreprises.

Emmanuel Duflos : L’enjeu aujourd’hui est d'avancer sur l’augmentation du nombre d’ingénieurs, sur les compétences qu’il va falloir amener dans la société et les entreprises. Nous insistons également sur la capacité à innover en termes de réindustrialisation et de réponses aux défis sociétaux que l'on retrouve dans nos écoles d’ingénieurs. Il y a des sujets sur lesquels on a une légitimité et qui, aujourd’hui, restent à concrétiser.

J.F : Je constate que l'on n’a jamais autant parlé d’ingénierie depuis 12 mois dans la sphère publique. Il y a un alignement de nos planètes, avec la crise énergétique, la situation géopolitique, et nous avons ce besoin de recentraliser un certain nombre de dispositifs-clés autour de la souveraineté industrielle et numérique. C’est à nous de relever ces enjeux-là. Je suis pleinement confiant à la fois dans les écoles d’ingénieurs et leurs directeurs pour mener à bien ces chantiers.

Les écoles d’ingénieurs partagent l'objectif d'augmenter le nombre d’élèves afin de répondre à une forte demande. Mais est-ce concrètement possible aujourd'hui ?

J.F : C’est un point d’attention. Les écoles d’ingénieurs n’ont pas de difficulté à recruter aujourd’hui. On recrute suffisamment pour alimenter nos filières d’ingénieurs. Cependant, dans certaines écoles, des contrats d’objectifs, de moyens et de performance sont prévus, et nous allons devoir produire plus d’ingénieurs. Or, quand on regarde l’évolution démographique et l’appétence pour les sciences des jeunes générations, cela ne va pas dans le même sens. Il faut qu’on étudie le problème de manière sérieuse.

E.D : Il y a aussi la question du financement. Aujourd'hui, nous n’avons pas cette perspective d’avoir une augmentation des moyens pour faire face à la demande d’augmentation du nombre d’ingénieurs. Nous sommes sur des formations technologiques qui coûtent chères : il y a un besoin de financement pour former.

Afin de renforcer l’attractivité des écoles d'ingénieurs, notamment auprès des jeunes femmes, l’idée de créer des cursus hybrides ou d’ajouter plus d’humanités vous semble-t-elle pertinente ?

J.F : Certaines écoles proposent déjà des formations autour de l’ingénierie et de l’architecture. Dans les écoles d’agronomie, on est très clairement sur la liaison entre l’agriculture et la technologie. On voit aussi de plus en plus émerger, dans un certain nombre d’écoles, des questions autour de l’interaction entre l’ingénierie et la santé, un des chantiers importants du XXIe siècle. La biotech, la bioélectronique, l’intelligence artificielle pour la santé sont des champs en forte croissance.

E.D : Biologie, santé, architecture... les écoles d’ingénieurs se sont ouvertes à ces types de sciences. La dimension artistique permet de développer la capacité d’innovation, en interaction avec les questions d’ingénierie. Certaines écoles proposent, par exemple, des cours de philosophie dans leur cursus.

On est sur une approche par compétence. On se doit de donner à nos ingénieurs l’ensemble des aptitudes qui vont leur permettre d’acquérir une capacité à analyser et un esprit critique. Il faut construire un programme de formation d’ingénieur dans lequel on va retrouver ces éléments-là, nécessaires à l’ingénieur de demain. Face à la désaffection des jeunes par rapport aux sciences, la question de fond est de savoir comment on appréhende les choses de manière différente.

Clément Rocher | Publié le