J.-F. Huchet (Inalco) : "Nous cherchons à nous placer au cœur de la stratégie européenne"

Clémentine Rigot Publié le
J.-F. Huchet (Inalco) : "Nous cherchons à nous placer au cœur de la stratégie européenne"
Le directeur de l'Inalco revient pour EducPros sur la stratégie de l'établissement. // ©  Sophie Lloyd
Directeur de l’Institut national des langues et civilisations orientales depuis 2019, l’économiste spécialiste de la Chine dresse les grands enjeux de demain pour ce que l’on appelait autrefois les "Langues O’". Il revient également sur la mission de stratégie internationale que lui a récemment confiée France universités.
Jean-François Huchet, directeur de l'Inalco
Jean-François Huchet, directeur de l'Inalco © Sarah Witt

Quelles sont les spécificités de l'Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco) ?

Nous dispensons une formation sur près de 103 langues et aires géographiques, ce qui fait de l'Inalco l'université d'Europe qui a la plus grande diversité en la matière.

Nous sommes une vieille institution, créée en 1795, qui propose des formations en Langues, littérature et civilisations étrangères et régionales (LLCER) mais aussi en relations internationales, en commerce international, en traduction, en linguistique, en traitement automatique des langues et en communication interculturelle.

Quelle est la place de l'établissement dans le paysage de l’enseignement supérieur français ?

Ce qui fait la place spéciale et unique de l’Inalco, c’est notre enseignement de langues dites rares. Nous sommes aujourd’hui les seuls à enseigner la langue ukrainienne, par exemple.

Au détour de crises internationales, on se rend compte qu'il est important de maintenir cette biodiversité des langues et civilisations.

Au détour de crises internationales, on se rend compte qu'il est important de maintenir cette biodiversité des langues et civilisations. Nous enseignons aussi les langues du Sahel, la langue birmane, le Telugu, parlé en Inde, etc.

En plus de la formation, l'Inalco est aussi une université de recherche, qui comprend 14 laboratoires.

Quels sont vos partenaires académiques en France ?

L'Inalco fait partie de l'alliance Sorbonne Paris Cité, avec l'université Paris-Cité, Sciences Po, l'université Paris Nord et l'Institut national d'études démographiques (Ined).

Nous maintenons aussi des liens forts avec nos partenaires historiques locaux comme l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, l'université Paris 3 Sorbonne Nouvelle, l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS) et l'École pratique des hautes études (EPHE).

Et à l'international ?

Nous venons d'intégrer, au printemps dernier, une alliance universitaire européenne, "EUniWell", renouvelée pour quatre ans. Cette alliance compte 11 universités européennes - dont les universités de Birmingham au Royaume-Uni, de Cologne en Allemagne ou encore de Florence en Italie.

Nous travaillons ensemble dans les domaines de la formation, la recherche et l'innovation autour de la thématique du bien-être.

L'Inalco va jouer un rôle sur nos thématiques que sont le multilinguisme, le bien être à l'échelle internationale sur des questions d'environnement, de santé, etc.

Nous créons un institut européen des langues rares pour y développer entre autres des certifications de langues.

Nous cherchons à nous placer au cœur de la stratégie européenne, notamment en créant un institut européen des langues rares, pour y développer entre autres des certifications de langues, qui n'existent pas pour l'heure.

Quels grands défis attendent l'Inalco dans les années à venir ?

Il y en a plusieurs. À commencer par le maintien de la biodiversité dans l'enseignement et la recherche sur les aires géographiques. Nous considérons que c'est un rôle très important que de maintenir cette diversité grâce, notamment, à l'emploi de méthodes issues du numériques qui nous permet d'élargir nos publics.

Un autre défi majeur sera de maintenir la recherche de haut niveau sur des pays qui se referment, comme la Russie, la Chine, l'Iran, la Birmanie. Même dans des pays dits plus démocratiques, il est de plus en plus difficile de faire de la recherche libre, comme en Inde ou en Indonésie.

Enfin, il y a bien sûr la question de l'intelligence artificielle, en lien avec la géopolitique mondiale, la guerre cognitive, les fake news et les data.

Quels sont les objectifs de la Fondation Inalco, créée il y a deux ans ?

Il s’agit de notre outil principal pour le mécénat et la recherche de financements complémentaires, privés comme publics. Elle nous permet également de mener des projets novateurs, comme un programme que nous avons créé après la fermeture de l’Afghanistan, sur la question des arts et du patrimoine du pays.

La fondation participe également au renforcement de la visibilité de l'Inalco. Nous venons, par ailleurs, d’être bénéficiaires de l’appel à projets Accélération des stratégies de développement des établissements d’enseignement supérieur et de recherche (ASDESR), retenu sur deux thématiques : le renforcement de la formation continue et celui du mécénat.

Vous assurez la vice-présidence de la commission internationale de France Universités. En quoi consiste la mission qui vous a été confiée en mai par l'organisation ?

Elle vise à développer le rôle joué par France Universités en matière de conseil et de coordination de la politique internationale à l'échelle de la France.

Il ne s'agit pas de s'immiscer dans les stratégies internationales des universités, mais plutôt de faire en sorte que la coordination se passe mieux, de construire des outils pour recenser des partenariats stratégiques, d’avoir une cartographie plus claire de ce qui se fait à l’international, d’assurer une meilleure coordination avec les organismes nationaux de recherche.

J'ai un an pour conduire cette mission : faire des comparaisons avec des politiques qui ont été développées à l'échelle européenne, voir quelles sont les bonnes pratiques et régier des propositions.

Clémentine Rigot | Publié le