Budget en déficit des universités : quel rôle pour le recteur ?

Morgane Taquet Publié le
Budget en déficit des universités : quel rôle pour le recteur ?
L'université de Bourgogne doit voter mi juillet un plan de retour à l'équilibre. // ©  Université de Bourgogne / D. Plantak
Alors que certaines universités votent des budgets en déficit année après année et que d'autres se retrouvent à devoir adopter des plans de retour à l'équilibre, quel est le rôle du recteur, garant du contrôle budgétaire ? Est-il tenu de placer sous tutelle les établissements en difficulté financière ? Éléments de réponses.

Simple, double, triple voire quadruple déficit. Dans son rapport annuel dédié au budget de l'État et publié le 31 mai 2017, la Cour des comptes a recensé 15 universités se trouvant dans des situations financières dégradées, voire très dégradées. Si les difficultés budgétaires de ces établissements d'enseignement supérieur sont bien connues, certains cumulent parfois plusieurs années de déficit.

Dans ce contexte, quid du contrôle exercé par les services rectoraux, garants pourtant du "contrôle budgétaire et de légalité des établissements d'enseignement supérieur" ? "Ils arrivent parfois un peu après la bataille", assure Karima Boulhouchat, secrétaire nationale au Sgen-CFDT, en charge du supérieur et des personnels. Selon la syndicaliste, les rectorats ont souvent été alertés en amont, avant que la situation financière ne se dégrade.

Pour expliquer la situation actuelle, la représentante du Sgen-CDFT évoque "des services rectoraux parfois insuffisamment dimensionnés pour traiter ces questions" ou encore "une dotation qui arrive après la présentation du budget". Mais elle pointe également "un budget vu comme un objet annuel, alors que, pour éviter l'écueil du déficit, il faut avoir une vision pluriannuelle et voir donc plus loin que le plan de retour à l'équilibre".

La fin de la "mise sous tutelle" automatique

Jusqu'en 2013, le décret financier relatif au budget et au régime financier des EPCSCP (établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel) bénéficiant des responsabilités et compétences élargies spécifiait notamment que "lorsque le compte de résultat fait apparaître un déficit pendant deux années consécutives, le budget qui suit la constatation des déficits est établi par le recteur d'académie, chancelier des universités, ou, pour les établissements qui lui sont directement rattachés, par le ministre chargé de l'enseignement supérieur".

Depuis la loi Fioraso de juillet 2013 et le décret financier publié en juin 2014, ce n'est plus tout à fait le cas. "Il n'y a plus de mise sous tutelle rectorale automatique, quand bien même le compte de résultat est déficitaire", assure Jean-François Balaudé, président de la commission Moyens et Personnels de la CPU (Conférence des présidents d'université) et président de l'université Paris-Nanterre.

Le rectorat doit être dans un rôle d'aide et d'accompagnement, avec un volet d'alerte. Il faut anticiper le déficit et non pas constater.
(K. Boulhouchat)

Désormais, les conseils d'administration doivent adopter par délibération des plans de retour à l'équilibre pour l'exercice suivant, soumis à l'avis préalable du recteur. Ces plans de retour à l'équilibre sont en quelque sorte "des réponses progressives, graduées au déficit", explicite Karima Boulhouchat. C'est ce que s'apprête d'ailleurs à faire l'université de Bourgogne. Après avoir voté la suppression de 40.000 heures de cours pour l'année 2017-2018, un plan de retour à l'équilibre doit être présenté aux instances le 11 juillet 2017. 

Toutefois, précise Jean-François Balaudé, le décret a introduit une autre disposition : lorsque le budget suivant l'année déficitaire "ne respecte pas le plan de retour à l'équilibre, alors le recteur peut décider de soumettre le budget à son approbation." La formule est relativement ouverte et s'applique donc différemment selon les rectorats. Cette procédure cesse de s'appliquer à la constatation d'un résultat excédentaire suivant la mise en œuvre du plan, mais elle peut être prolongée si le recteur "estime que la situation de l'établissement n'est pas durablement assainie". Le rôle du recteur sur le contrôle budgétaire des universités est donc réaffirmé.

Un contrôle rectoral plus suivi

Ainsi, pour le président de la commission Moyens et Personnels de la CPU, le contrôle rectoral ne s'est pas allégé, bien au contraire. "Nous avons constaté ces dernières années un contrôle rectoral plus perlé, plus suivi et continu. Or, nous estimons que ce n'est pas le fond du problème : ce n'est pas le contrôle rectoral qui empêchera les déficits des universités. Lorsqu'une université a du mal à boucler son budget, c'est souvent qu'elle n'est pas assez dotée. Alors bien sûr, les recteurs peuvent suggérer, mais c'est aux universités de gérer leur masse salariale !"

Pour Karima Boulhouchat, "le rectorat doit être dans un rôle d'aide et d'accompagnement, avec un volet d'alerte. Il faut anticiper le déficit et non pas constater. La nature du contrôle ne doit pas porter sur l'opportunité de l'action, mais avoir un rôle de vigilance bienveillante. Plus les regards sont croisés, plus on a de chances d'assurer la soutenabilité financière", insiste-t-elle. Reste que, prévient la syndicaliste, "les universités doivent aussi percevoir le rectorat non pas comme un contrôleur mais comme un accompagnement".

Des mises sous tutelle relativement rares
Fin 2011, Laurent Wauquiez, alors ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, avait annoncé que sept établissements en déficit deux années consécutives seraient placés sous contrôle rectoral (UPMC, ENS Cachan, Paris 13, Savoie Mont-Blanc, Bordeaux Montaigne, Limoges et l'Insa Rouen). Une annonce qui n'avait finalement pas été suivie d'effet partout.

Difficile de connaître le nombre de mises sous tutelle, les établissements communiquant assez peu sur cette reprise en main rectorale. Largement médiatisé en revanche, le cas de l'UVSQ : l'université a connu en 2015 une situation de mise sous tutelle du rectorat mais surtout de Bercy. Du côté de la région Centre-Val-de-Loire, pas de décision de mise sous tutelle de la part de la rectrice Katia Béguin pour l'université d'Orléans, dont le conseil d'administration a pourtant rejeté le plan de retour à l'équilibre en avril 2017.
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