Écoles de commerce : la CDEFM fait le point sur ses chantiers prioritaires

Agnès Millet Publié le
Écoles de commerce : la CDEFM fait le point sur ses chantiers prioritaires
Alice Guilhon, la présidente de la Cdefm. // ©  SKEMA/Lora Barra
Selon Alice Guilhon, sa présidente, l'international, les CPGE, la régulation du privé lucratif, mais aussi l'apprentissage et la RSE sont au cœur des préoccupations des écoles de commerce.

"On arrive à la fin d'un premier cycle", glisse en préambule Alice Guilhon, présidente de la CDEFM (Conférence des directeurs des écoles françaises de management) qui rassemble la quasi-totalité des responsables d'écoles de commerce ayant grade de master.

Créée en 2021 dans le sillage de la crise sanitaire, la Conférence avait été lancée pour "faire rayonner le modèle d'enseignement du management à la française". Le but : avoir une action identifiée sur les spécificités des écoles de commerce, au-delà de la CGE (Conférence de grandes écoles) qui compte une large majorité d'écoles d'ingénieurs.

En ce 25 janvier 2024, l'instance présente ses priorités en cours. Dans toutes les têtes, la loi immigration reste un point de vigilance, alors que l'avis constitutionnel n'avait pas encore rendu son avis censurant les articles qui concernent les étudiants internationaux.

À l'unisson de France Universités et de la Cdefi – qui représentent universités et écoles d'ingénieurs – et en soutien aux positions de la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, Sylvie Retailleau, la Cdefm s'oppose à ces mesures. Selon Alice Guilhon, elles représentent "une injonction contradictoire", alors que les autorités publiques incitent les établissements du supérieur à accueillir davantage d'étudiants internationaux.

Poursuivre les efforts pour redynamiser les prépas éco

La question des classes prépas reste cruciale, après une réforme avortée, au printemps 2023, et des relations un temps attiédies avec les professeurs des CPGE éco. Mais l'attractivité de la filière est au cœur des préoccupations.

Les directeurs d'écoles de commerce veulent réaffirmer leur envie de défendre le continuum prépa/programme Grande école, alors qu'une campagne de communication conjointe a été lancée, fin 2023.

D'autres sujets doivent être travaillés avec l'APHEC (Association des professeurs des classes préparatoires économiques et commerciales) : le bien-être des élèves, la question du niveau en maths, mais aussi une réforme des concours.

"Nous voulons aller vite pour avoir des propositions au printemps ou à l'été", note la présidente. Elles pourraient aboutir, au mieux, pour la session 2026.

Clarifier l'offre de formations privées sans faire peser de nouvelles contraintes

Autre sujet important pour les écoles de la CDEFM depuis près d'un an : la clarification de l'offre de formation des établissements privés lucratifs.

Depuis plusieurs années, de nombreuses écoles de commerce privées s'ouvrent, avec des cursus de qualité inégale et, parfois, des escroqueries avérées. Un préjudice pour l'image des écoles grade de master, dont certains membres partagent ce statut tout en se pliant aux contraintes de qualité de l'État.

"La France est l'un des seuls pays du monde où l'on peut ouvrir un établissement d'enseignement supérieur sans audit. Il n'y a aucune raison qu'il n'y ait pas de contraintes qualitatives" pour ouvrir une école, insiste Alice Guilhon, également directrice de Skema, une école implantée aux États-Unis, au Brésil, en Chine et en Afrique du Sud.

On doit être très clairs et dire que les formations privées qui ne sont pas sur Parcoursup ne sont pas réputées qualitatives (A. Guilhon)

La CDEFM est en discussion régulière avec le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche sur les différents sujets qui l'occupent, dont celui-là.

Piste retenue : la création d'un nouveau label permettant de distinguer les bonnes formations proposées par les établissements privés lucratifs. "Le ministère veut aller vite. Je pense que nous aurons un retour fin mars."

Cependant, les écoles de la CDEFM réclament de ne pas avoir à se soumettre à ce nouveau label. Régulièrement auditées par d'autres instances, dont la très officielle CEFDG (Commission d'évaluation des formations et diplômes de gestion), elles demandent à se voir attribuées d'office ce nouveau label, sans avoir à subir de nouveaux examens.                                

La Conférence souhaiterait également un certain contrôle de la part du ministère quant à l'ouverture de plateformes de formations privées, qui souhaitent se placer dans le sillage de la plateforme d'orientation post-bac Parcoursup. "On doit être très clairs et dire que ceux qui ne sont pas sur Parcoursup ne sont pas réputés qualitatifs."

Des démarches d'accréditations concertées

D'ailleurs, dans le but d'alléger les lourds processus d'accréditation et de certification, parfois redondants, la CDEFM avance sur le projet de mener des audits communs avec le Hcéres et la CEFDG.

Des projets pilotes pourraient aboutir pour les écoles devant être auditées en 2025.

Une réflexion est également en cours avec l'EFMD, organisme d'accréditation européen.

Des bonnes pratiques en RSE et pour l'ouverture sociale

Alice Guilhon rappelle que la CDEFM compte 11 comités thématiques d'experts, composés de plus de 300 personnels des écoles de commerce.

Parmi les autres sujets qui occupent la Conférence, l'ouverture sociale, qui reste un critère nécessaire pour obtenir le grade de master, souligne Alice Guilhon. Des efforts qui visent à compenser la hausse continue de frais de scolarité déjà élevés.

La CDEFM n'exclut pas, à moyen terme, de proposer un référentiel commun sur les actions à mettre en place, comme elle a pu le faire sur les questions environnementales. "Des écoles ont lancé des dispositifs il y a deux ans, et le but était d'en tirer le bilan pour faire connaître les bonnes pratiques."

Sur le référentiel DDRS (Développement Durable et Responsabilité Sociétale ) dédié aux enjeux de la RSE, lancé à l'été 2023, la présidente souligne également qu'il n'impose rien aux écoles. Toutefois, certains indicateurs pourraient être intégrés au cahier des charges de la CEFDG.

La CDEFM proposera également des modules de formation, qu'elle mettra à disposition des écoles. Un colloque sur le sujet est aussi prévu.

La taxe d'apprentissage, autre un sujet d'inquiétude

Autre sujet préoccupant : la réforme de la collecte de la taxe d'apprentissage et la mise en place de la plateforme Soltéa. Certaines écoles membres pourraient voir leur modèle économique gravement menacé. "Après une négociation assez dure", cet été, des garanties ont toutefois été obtenues quant à la campagne de collecte de cette année.

Dans le domaine du ministère du Travail, un autre chantier "potentiellement très sensible" concerne les écoles. Le projet d'établir des correspondances de blocs de compétences avec les écoles gradées inquiète aussi dans la mesure où les écoles veulent rappeler que leurs formations sont sélectives et que les passerelles ne peuvent être automatiques.

Beaucoup de chantiers en cours donc, alors que les instances doivent être renouvelées en mars.

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