"Nous devons faire de l'École un lieu qui émancipe et qui élève". Lors de sa conférence de rentrée, ce lundi 28 août, Gabriel Attal, nouveau ministre de l'Éducation nationale, rappelle le cap fixé pour cette nouvelle année.
S'il "reste beaucoup à faire pour venir à bout des maux de l'école", le ministre a déroulé les mesures mises en place, dès cette année, pour répondre aux trois priorités ciblées : élever le niveau des élèves, asseoir les droits et devoirs à l’école et faire de l’école un lieu d’émancipation. Un programme qui entend créer "un choc de confiance" pour resserrer le lien entre l’école, les familles et les personnels.
Les syndicats n'ont pas manqué de réagir à ces annonces, même si une grande partie de ces décisions étaient déjà connues.
Relever le niveau des élèves
Partant du sévère constat que les élèves français ont perdu une année de niveau en 40 ans, Gabriel Attal souhaite mettre l'accent sur l'acquisition des savoirs fondamentaux. Concrètement, "en 2018, le niveau d'un élève en 4e correspond à celui d'un élève de 5e en 1978".
Pour inverser la tendance, le ministre entend s'appuyer sur l'apprentissage de la lecture et de l’écriture en primaire et le renforcement du français et des mathématiques au collège, au lycée professionnel et au lycée général.
Une "nouvelle 6e" au collège
Au collège, c'est le déploiement de la "nouvelle 6e" qui va marquer le renforcement de ces savoirs. Pour faire des mathématiques et du français des piliers, "une heure hebdomadaire de soutien et d’approfondissement en français et en mathématiques est instaurée pour chaque élève sur la base d'évaluations en début d’année", précise le ministre.
Des sessions qui s'appuient sur des notions à revoir ou à approfondir, "pour permettre aussi aux élèves qui ont un bon niveau général d'aller plus loin".
Une proposition qui fait grincer des dents. Lors de sa conférence de rentrée, le SNES FSU (syndicat national des enseignants du secondaire) y voit une offense au collège unique. "Nous avons l’impression de voir un collège à deux vitesses avec, d’un côté, les élèves en difficulté et de l’autre, les bons élèves", explique Gwenaël le Paih, secrétaire général du SNES-FSU Bretagne.
Pendant les vacances, les écarts se creusent entre les élèves et nous ne voulons pas que vacances riment avec perte de chances. (G. Attal, ministre de l'Éducation nationale)
Mais c'est aussi en dehors du temps scolaire que le ministère entend agir. "Pendant les vacances, les écarts se creusent entre les élèves et nous ne voulons pas que vacances riment avec perte de chances", martèle Gabriel Attal.
Les stages de réussite, ces périodes pendant le mois d’août où des élèves viennent réviser certaines notions pour arriver armés à la rentrée, seront généralisés pour tous les élèves qui en ont besoin.
Interdiction de l’abaya et du qamis
Lors de sa conférence de presse, Gabriel Attal a relancé le débat des signes religieux à l’école en déclarant que "l’abaya n’a pas sa place à l’école". Puis de préciser qu’un ensemble de textes permettront aux établissements la gestion de ces situations. "La circulaire sur la laïcité qui précise le port de l’abaya (robes longues de tradition moyen-orientale) et du qamis (unique pour les hommes) et un document de référence sur la laïcité pour tenir compte de situations concrètes".
Une annonce qui a déjà fait couler beaucoup d’encre alors que pour Gwenaël le Paih, "ce n’est pas le principal problème de la rentrée. Cela ne veut pas dire que cette question n’existe pas, mais elle n’est pas primordiale. La priorité doit être donnée aux questions d’effectifs dans les classes et au bien-être des professeurs". Surtout que "dans 95% des cas, le dialogue suffit à résoudre ces questions", complète Sophie Vénétitay, secrétaire générale du SNES-FSU.
Le retour des mathématiques en 1re
Au lycée aussi, l'accent est placé sur les savoirs fondamentaux. En voie générale, Gabriel Attal signe le grand retour des mathématiques pour les élèves qui ne suivent pas la spécialité. Sans détour, le ministre admet que "les supprimer était une erreur. Les savoirs fondamentaux restent essentiels au lycée, car ils ne sont pas le bout du chemin, mais le début de quelque chose".
En lycée professionnel, "les cours de français et de mathématiques pourront être dispensés dans des temps à effectifs réduits pour apporter une réponse à chaque difficulté repérée", précise Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'Enseignement et de la Formation professionnels.
Au SE-Unsa (syndicat des enseignants), on reste vigilants. "On conditionne l'effectivité des mesures annoncées à l'engagement des enseignants dans le Pacte. Si peu d'enseignants de la voie professionnelle s'engagent dans le Pacte, le dédoublement des classes sera difficilement applicable" explique Jérôme Fournier, secrétaire national.
Mise en place de la réforme de la voie professionnelle
Cette rentrée est marquée par l’installation de la réforme du lycée professionnel. Carole Grandjean a rappelé les changements effectifs dès septembre.
Promesse du président de la République début mai, les stages effectués en CAP comme en bac pro sont gratifiés. "Un élève recevra jusqu’à 2.100 euros de gratification sur trois ans", précise la ministre. Chaque lycée professionnel sera doté d’un "bureau des entreprises" chargé de faire le lien avec les entreprises pour "offrir du réseau à ceux qui n’en ont pas".
Sans oublier le dispositif "Ambition emploi" qui consiste à accompagner les anciens élèves de lycée professionnel qui se retrouvent sans solution, c’est-à-dire qui sont sans emploi et qui ne poursuivent pas leurs études. Objectif : "atteindre 100% d'insertion professionnelle".
Carole Grandjean a également annoncé de nouvelles possibilités de formation en une année après le bac avec la création de 5.000 places dès la rentrée. Un décret du 25 août prévoit le changement de nom des mentions complémentaires, ces diplômes qui se préparent en un an après l’obtention d’un bac pro et qui permettent une spécialisation dans un domaine.
Ces diplômes deviendront, à partir du 1er janvier 2025 des certificats de spécialisation. Ils sont conçus "dans un objectif d'insertion professionnelle" et créés "au titre d'une spécialité correspondant à l'exercice d'un métier".
Les épreuves de spécialités du bac repoussées au mois de juin
L'information avait déjà filtré : le ministre l’officialise. En terminale, pour répondre aux problématiques de désorganisation des cours, les épreuves de spécialités, organisées en mars, sont désormais décalées au mois de juin, rejoignant l'ensemble des épreuves finales du bac général et technologique.
Une décision qui vient aussi répondre à la démotivation des élèves constatée cette année, et qui devrait permettre la "reconquête" du mois de juin. Plus largement, Gabriel Attal entend réinvestir l'ensemble du troisième trimestre pour les terminales, mais aussi en 2de et en 1re. "Cela leur fera gagner du temps qui sera utile pour l’orientation, mais aussi développer des formes d'engagement comme le service national universel (SNU) ou des stages."
L'oral de français du bac est aussi légèrement ajusté. Pour permettre une meilleure préparation, les élèves de première ne travailleront plus que sur 16 textes, contre 20 actuellement.
Développement du SNU et du mentorat
Pour la rentrée, Prisca Thevenot, secrétaire d'État chargée de la Jeunesse et du Service national universel, travaille au déploiement du SNU avec l’objectif de 150.000 volontaires en 2023, au développement du service civique, mais aussi du mentorat.
La secrétaire d’État a annoncé vouloir doubler le nombre de jeunes mentorés, passant de 150.000 à 300.000 jeunes à l’horizon 2027.
Remplacer les professeurs absents
"Relever le niveau, cela passe aussi par une école présente pour chaque élève." Pendant sa conférence de presse, Gabriel Attal réaffirme la promesse faite par Emmanuel Macron de remplacer systématiquement les professeurs absents.
"Chaque année, ce sont 15 millions d’heures de cours perdues", reconnaît le ministre, dont la moitié liée à l'organisation administrative. "Les formations des professeurs ne doivent plus avoir lieu pendant les heures de cours".
Un chiffre que nuance Sophie Vénétitay, secrétaire générale du SNES-FSU : "Selon un rapport de la Cour des comptes, un enseignant du second degré passe 1,6 jours en formation. Les professeurs ne s’absentent pas tant que ça pour se former."
Une proposition "inentendable" pour Emmanuel Séchet, secrétaire général adjoint du SNES-FSU. "Un professeur travaille plus de 40 heures par semaine, nous sommes dans une situation d’épuisement de la profession. On ne peut pas attendre des professeurs qu’ils suivent leur formation en dehors de leur temps de travail."
Au SE-Unsa, on craint de voir se développer des formations à distance. "La richesse de ces temps de formation vient principalement du travail collaboratif, collectif des enseignants", indique Cécile Suel, secrétaire nationale.
Un enseignant devant chaque élève
Pour le reste, Gabriel Attal assure que la rentrée a été préparée et qu’il y aura bien "un enseignant devant chaque élève".
Pourtant, "certains rectorats passent encore des annonces sur Pôle emploi en proposant une formation au métier en quelques jours. Mais on ne devient pas professeur en quelques jours ! s’agace Sophie Vénétitay. Quand bien même il y aura un professeur devant chaque classe à la rentrée, ce sera à quel prix ?"
L’année dernière, de nombreux contractuels avaient abandonné leur poste au bout de quelques jours seulement. Car si les recrutements via le concours du secondaire ont connu cette année une augmentation de 6%, c’est bien sur un vivier de contractuels formés au printemps que se repose le ministère.
Pour les professeurs, de nouvelles missions avec le Pacte enseignant
De plus, les enseignants titulaires signataires du Pacte enseignant seront amenés à effectuer des remplacements de courte durée. Si le ministre de l'Éducation nationale ne précise pas le nombre de professeurs déjà volontaires, il ne semble pas douter d'une montée en puissance du Pacte. "Ce sont souvent des missions déjà réalisées. Mais, avec le Pacte, elles seront mieux prises en compte."
Le ministre rappelle aussi l'augmentation de la rémunération des enseignants, parlant d’un "devoir de reconnaissance vis-à-vis de tous ceux qui font vivre l'école". À la rentrée, ils percevront entre 125 et 250 euros net par mois de manière inconditionnelle. Concrètement, "plus aucun professeur titulaire ne touchera moins de 2.100 euros net par mois. C'est la plus grosse hausse de salaire des professeurs, depuis des décennies", souligne le ministre.
Des chiffres que réfute le SNES-FSU. "70% des professeurs, CPE, Psy-EN bénéficient d’une augmentation inférieure à 5,6%" explique Emmanuel Séchet.