Idex Lyon, un colosse aux pieds d’argile

Éléonore de Vaumas Publié le
Idex Lyon, un colosse aux pieds d’argile
La démission collective des vice-présidents de l'université Jean Monnet de Saint-Etienne pourrait faire avorter le projet de fusion de l'Idex Lyon. // ©  Sophie Blitman
Plusieurs fois reporté, le projet de fusion sur le site Lyon-Saint-Etienne redémarre plein pot, depuis que la ministre de l'Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, a intimé les porteurs de l’Idex lyonnaise de voter l’approbation des statuts du futur ensemble. Mais la démission en bloc d’une grande partie de l’équipe présidentielle de l’université Jean Monnet (UJM) de Saint-Etienne pourrait toutefois rebattre les cartes du jeu.

Le retrait de l’Insa Lyon avait déjà fait grand bruit en juillet dernier, sans toutefois remettre en cause le projet d’université cible préfigurant la future Université de Lyon. Mais, cette fois, le coup porté par l’université Jean-Monnet (UJM) de Saint-Etienne, l’un des quatre établissements portant la candidature Idex, pourrait se révéler fatal.

Ce qui a mis le feu aux poudres ? Un mail, adressé le 26 juin dernier par le collectif UJM "Tous démissionnaires", dans lequel 12 vice-présidents délégués et chargés de mission de l’université annoncent leur démission par opposition au projet de fusion des universités Lyon 1, Lyon 3, Saint-Étienne et de l’ENS Lyon tel qu’il se dessine. “Dans les sphères universitaires, cette décision a fait l’effet d’un coup de tonnerre. Personne ne s’attendait à une démission collective aussi massive”, constate Jean-Luc Foury, ancien directeur de cabinet et directeur de la communication de l’UJM et auteur de 'L’épopée de l’université de Saint-Etienne, 1969-2020'.

Une fusion sous conditions

Avant de renoncer à leurs responsabilités, les membres du collectif avaient toutefois exprimé à plusieurs reprises leurs craintes autour du projet. À l’instar de Stéphane Riou, vice-président recherche démissionnaire, qui admet avoir fait preuve "d’une croyance tenace dans la possibilité d’obtenir un nouvel établissement qui nous permettrait de conserver notre ambition académique et notre capacité d’initiatives, tout en permettant une coopération renforcée entre l’université Jean Monnet et les universités et grandes écoles lyonnaises".

Personne ne s’attendait à une démission collective aussi massive (J-L. Foury)

Entre autres vœux pieux, le collectif avait également formulé le souhait d’une co-construction, réunissant les garanties suffisantes au devenir des personnels techniques et administratifs et, pour les enseignants-chercheurs, l’assurance d’exercer leur métier dans des conditions nécessaires à l’accomplissement de leur mission. "Force est de constater que nous ne sommes pas parvenus à faire évoluer le projet, déplore l’universitaire. Car, demain, notre établissement va être dilué en huit PFR (pôles de formation et recherche), sans aucune garantie de représentation de l’université de Saint-Etienne."

Mort annoncée ?

Durant ces dernières semaines, l’essentiel des débats s’est en effet concentré sur le transfert de la personnalité morale et juridique (PMJ) vers l’établissement cible, allant jusqu’à s’inviter dans la classe politique locale et les milieux économiques. Saint-Etienne ne veut pas perdre son université, et le fait savoir !

"On assiste à une véritable union sacrée des instances représentatives ligériennes. Tous affirment que, en cas de transfert de sa PMJ, l’UJM serait forcément perdante, constate Jean-Luc Foury, également très sceptique sur le projet de fusion. En cherchant à résoudre le problème de l’insuffisante visibilité internationale de son université, la présidente stéphanoise veut dissoudre son propre établissement. Et c’est une décision très grave."

En cas de transfert de sa personnalité morale et juridique, l’UJM serait forcément perdante. (J-L. Foury)

En réalité, en cas d’approbation des statuts, et bien que les décisions se feraient effectivement depuis Lyon, le DOS (document d’orientation stratégique) stipule que "l’ensemble des activités des huit pôles de formation et de recherche et l’école universitaire de premier cycle se déploieraient sur le site stéphanois, rebaptisé ‘campus de Saint-Etienne’", permettant une offre de formation pluridisciplinaire licence, master et doctorat.

Il y aurait donc bien, selon ce document, une université à Saint-Etienne, chapeautée par un directeur, membre du comité exécutif. "Il reste malgré tout de nombreuses zones d’ombre qui montrent la fragilité du futur édifice, notamment sur le fond académique qui me semble relever plus d’un récit politique que d’une construction bâtie sur la base d’une consultation démocratique, tempête Stéphane Riou. Les futurs VP vont avoir du pain sur la planche pour peser suffisamment dans les négociations en vue de construire un ensemble qui gardera toute sa cohésion."

Trois mois pour trancher

Aussi inattendue soit-elle, cette démission collective intervient donc dans un contexte tendu, et ce, alors que le conseil d’administration de l’université stéphanoise doit se prononcer sur l’approbation des statuts du futur établissement d’ici le 30 septembre prochain. Approuvera, approuvera pas ? Le risque, en cas de refus, serait que le projet de fusion soit abandonné.

Nous ne pouvons pas nous payer le luxe d’attendre cinq ans que les relations s’arrangent. (M. Cottier)

Une éventualité que Michèle Cottier, présidente de l'UJM, redoute plus que tout : "Cela fait longtemps que je travaille sur ce projet de fusion et, jusqu’à présent, je n’ai pas trouvé de projet alternatif qui donne au site de Saint-Etienne des opportunités qui sont celles proposées avec l’Idex”, explique-t-elle, tout en se disant prête à poursuivre le débat. Critiquer le projet actuel est une chose, mais nous ne pouvons pas nous payer le luxe d’attendre cinq ans que les relations s’arrangent."

Éléonore de Vaumas | Publié le