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Que valent les nouvelles écoles "vertes" ?

Charlotte Mauger Publié le
Que valent les nouvelles écoles "vertes" ?
De nouvelles écoles proposent de former les étudiants et étudiantes au management à l'heure de la transition écologique. // ©  kasto/Adobe Stock
À la rentrée 2023, plusieurs nouvelles écoles proposent de former les étudiants et étudiantes au management à l'heure de la transition écologique. Des formations attrayantes pour les jeunes qui souhaitent aligner leur futur professionnel avec leurs valeurs. Gare néanmoins à certaines propositions, onéreuses et peu solides.

"Depuis 2018, une partie de la population étudiante se mobilise autour du climat, de la transition écologique et du développement durable", constate Denis Guibard, vice-président à la Conférence des grandes écoles (CGE) en charge du développement durable et de la responsabilité sociétale.

Les jeunes sont aussi plus nombreux à intégrer les questions sociales et environnementales dans l'espace professionnel. En mars 2022, 69% des 18-30 ans se disaient prêts à changer pour un emploi écologiquement utile, selon une enquête d'Harris Interactive.

Une aspiration qui peut être contrariée durant les études. "Il y a parfois une vraie souffrance des jeunes qui vivent une dissonance quand la philosophie de leur école ne bouge pas malgré certains cours qui abordent la transition", estime de son côté Floyd Novak, co-fondateur de l'école Ecologica, qui ouvrira ses portes en septembre 2023 avec un bachelor et deux formations de niveau bac+5.

Conséquence, pour répondre à la demande, des établissements adaptent leurs programmes ou en créent de nouveaux. Et l'on remarque, ces dernières années, qu'une kyrielle d'écoles nouvelles dédiées aux thématiques écologiques fleurit. Pour la rentrée 2023, le mouvement s'est accéléré.

Un contenu classique qui intègre les enjeux écologiques

Pour certaines écoles, l'idée est de revoir les contenus classiques en intégrant les limites planétaires et questions sociales.

Par exemple, "la stratégie d’entreprise n’est plus la même qu’il y a 20 ans", pointe Arthur Samuel, co-fondateur de l'école de management Regen School, qui ouvrira aussi à la rentrée 2023 avec une formation de niveau bac+4 et bac+5 en alternance autour de l'adaptation des entreprises aux limites planétaires. Alors, ici, aux cours de finance classiques s’ajouteront de la comptabilité extra-financière autour du calcul d’une empreinte carbone.

De la compta au cœur de la RSE ? Oui, car beaucoup de ces nouveaux établissements se revendiquent de la grande famille des écoles de management… Avec les frais de scolarité qui les accompagnent puisque beaucoup avoisinent les 8.000 euros.

Depuis la pandémie, "il y a une vraie demande des entreprises pour faire évoluer leur modèle. Certaines se rendent compte qu’elles vont être en grande difficulté sur les régulations, sur le coût des matières premières ou de l'énergie", explique Arthur Samuel.

Celles-ci sont alors intéressées par des diplômés avec la double compétence du management et de la compréhension des enjeux environnementaux et sociaux. "L'idée à l'école de commerce éco responsable (Écor) est que nos étudiants fassent gagner de l'argent à leur entreprise tout en ayant une vision des enjeux planétaires", explique Fabrice Vigreux, son créateur. Cette école proposera, lors de sa première rentrée en octobre prochain, deux bachelors et deux MBA, ouverts à l'alternance.

Des formations de "qualité variable"

Toutefois, Denis Guibard met en garde. "On constate un développement de formations et d’écoles spécialisées sur des points particuliers, comme la gestion de l'eau, des déchets ou la responsabilité sociétale des entreprises. Elles peuvent conduire à des diplômes de qualité variable, plus ou moins reconnus".

Les nouvelles formations ou écoles spécialisées peuvent conduire à des diplômes de qualité variable, plus ou moins reconnus. (D. Guibard, CGE)

Alors comment savoir ce qu’elles valent ? Certaines d’entre elles sont -ou seront à l'issue de la première année - inscrites au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP), après une évaluation par France compétences.

"Il peut y avoir de très bonnes formations reconnues au RNCP mais l'exigence est moindre [que pour un diplôme reconnu par le ministère de l'Enseignement supérieur] et elle ne se pose qu'en termes de compétences professionnelles", note Denis Guibard. Loin des standards d’un grade de licence ou de master, avec obtention de crédits européens (ECTS).

Sont-elles si "vertes" ?

Malgré les bonnes intentions présentées en plaquette, "il peut aussi y avoir de l'opportunisme de certains établissements à visée lucrative. Parfois, on peut aussi tutoyer le greenwashing", prévient Denis Guibard.

Ainsi, "dans une école du luxe responsable, l'écoconception est une notion importante. On doit alors regarder si l'enseignement ne tourne qu’autour des principes généraux ou s’il entre dans une analyse concrète des cycles de vie d’un vêtement."

De même, le choix des entreprises partenaires de l'école peut être révélateur. Pour Arthur Samuel, "il faut que l'entreprise soit à impact [avec des objectifs sociaux et environnementaux, ndlr] ou que l'étudiant puisse au cours de ses missions faire transitionner l'entreprise."

Il peut aussi y avoir de l'opportunisme de certains établissements à visée lucrative. Parfois, on peut aussi tutoyer le greenwashing. (D. Guibard)

Les années prochaines seront en tous cas déterminantes pour éprouver le sérieux de ces établissements et analyser l'insertion professionnelle de leurs diplômés. D'autant plus que dans le même temps, le ministère de l'Enseignement supérieur s'est engagé, à partir de 2025, à former tous les étudiants de premier cycle aux enjeux de la transition écologique.

Charlotte Mauger | Publié le