F. Bouzerda (Grenoble EM) : "Nous devons réinsuffler un élan"

Agnès Millet Publié le
F. Bouzerda (Grenoble EM) : "Nous devons réinsuffler un élan"
Fouziya Bouzerda, directrice générale de Grenoble école de management // ©  photo fournie par l'établissement
Nommée à la tête de l'école de commerce grenobloise à la rentrée 2022, Fouziya Bouzerda nous livre son analyse de la situation. Pour l'ancienne avocate, les défis sont encore importants : finances, nouveaux campus, international, attractivité auprès des candidats, révision des maquettes et liens à l'écosystème font partie des priorités.

Après un an à la direction de Grenoble EM, quel est votre regard ?

Je connaissais déjà les écoles de commerce car, à la métropole de Lyon, j'ai côtoyé des écoles consulaires comme l'emlyon. De l'intérieur, je découvre tous les jours des projets à Grenoble EM. On voit que l'innovation n'est pas seulement un vernis.

L'écosystème est aussi très en lien avec l'école. C'est incroyable de travailler avec le CEA, l'IRT Nano, qui se situent près de notre campus de l'innovation… Nous travaillons dans le projet 3IA grenoblois. Grenoble EM est une business school de la tech et de l'innovation, un aspect que nous avons peut-être moins mis en avant que d'autres dimensions de l'école.

GEM est une école de management. Pourquoi la définir comme une école de l'innovation technologique – une terminologie qui semble plutôt convenir à une école d'ingénieurs ?

C'est la commande des entreprises. On ne peut pas être que manager ou qu'ingénieur, il faut savoir gérer les deux dimensions. Les enjeux sont énormes. La force de notre école, c'est cette hybridation.

Nous formons des ingénieurs managers, et nous formons nos managers aux questions de data, d'énergie…

 Nous travaillons avec CY Tech, avec l'INP Grenoble… Avec eux, nous formons des ingénieurs managers, et nous formons nos managers aux questions de data, d'énergie… L'IA, ce n'est pas que de l'ingénierie, les enjeux vont au-delà et les managers doivent savoir utiliser ces outils.

C'est la même situation pour les enjeux de transitions. Ce n'est pas seulement les étudiants qui souhaitent défendre le climat : c'est aussi une demande des entreprises, qui souhaitent se transformer. Grenoble EM est née comme cela : comme une réponse à son écosystème.

Comment travaillez-vous sur ces enjeux de transition ?

Notre école est très engagée depuis 15 ans – nous avons rapidement mis en place une politique zéro déchet, par exemple.

Nous travaillons beaucoup sur la question de l'innovation durable, pour y former nos étudiants. 1.000 élèves ont reçu une formation de 10 heures sur ce sujet. Cela va au-delà de la Fresque du climat.

Nous avons d'ailleurs retrouvé dans le référentiel DD&RS de la Cdfem un certain nombre d'éléments déjà présents dans notre école. Nous n'arrêterons jamais d'avancer sur ces sujets-là, en n'oubliant pas l'aspect sociétal.

Le nouveau campus de Pantin, près de Paris, ouvre à la rentrée. En quoi répond-il aux enjeux de l'école ?

Nous voulons faire vivre le campus, avec un enseignement "liquide". En plus de l'accueil des étudiants, nous voulons y organiser des événements et l'organiser pour permettre l'enseignement à distance. Cet ADN doit également se retrouver sur notre campus de Grenoble.

Par ailleurs, le site sera un formidable outil pour l'alternance. C'est un territoire en devenir, un lieu exceptionnel.

Du côté des équipes, nous recrutons et nous sommes en train de mobiliser les forces vives pour identifier les Grenoblois qui souhaiteraient travailler à Pantin, pour garantir un esprit GEM sur ce nouveau campus. Beaucoup de professeurs semblent déjà intéressés.

Autre dossier majeur : les finances. L'école a connu de grandes difficultés financières. Où en êtes-vous ?

Nous voulons assainir et investir, comme à Pantin, qui représente 8,2 millions d'euros d'investissement en mobiliers et équipements, financés par un prêt à long terme.

Nous étions à 6 millions d'euros de déficit en 2021, et aujourd'hui, nous l'avons réduit à 3 millions.

Mais nous n'avons pas souhaité être propriétaire – c'est une réflexion transversale dans l'ESR – car cela représente des investissements très lourds, sur 35 ans, qui ne correspondent pas à nos besoins.

Nous étions à 6 millions d'euros de déficit en 2021, et aujourd'hui, nous l'avons réduit à 3 millions. Nous sommes sur la bonne trajectoire, avec un horizon de fin 2024 à 2025.

A-t-il fallu procéder à un plan social ?

Non, il n'y en a pas besoin. Je le redis : il n'y aura pas de plan social économique. En revanche, avec 600 salariés, on observe nécessairement du turn-over.

Nous avons rationalisé nos activités. Certaines choses ont été arrêtées, comme des conférences que l'on organisait et qui n'étaient pas pertinentes. Nous réalignons nos enjeux d'innovation.

Nous avons révisé nos maquettes et supprimé des cours électifs, peu remplis. Désormais, nous proposons des choix de parcours, et non des choix de cours : il y aura une dizaine de parcours au second semestre de M1 et une vingtaine de spécialisations en M2. Nous communiquerons progressivement sur ces changements. Ce "choc de simplification" pour rendre plus lisible notre offre de formation est en cours et s'étendra jusqu'en 2024.

D'aucuns pointent la responsabilité de la CCI de Grenoble dans vos difficultés...

À Grenoble, nous avons un bâtiment en site unique, partagé entre la CCI et nous. Il est normal que la CCI ait construit l'ensemble du projet immobilier. Nous sommes en parfait alignement avec elle.

Par ailleurs, les GEM Labs, sur le Campus de l'innovation vont être gracieusement restitués au capital de l'école cette année, ce qui représente 12,5 millions d'euros.

Et concernant les campus internationaux ?

Ce sont des campus hébergés par des partenaires, ce qui nous permet aussi d'aider des établissements à transformer leur pédagogie. Nous avons dû fermer celui de Moscou, mais nous sommes encore à Singapour, à Hong Kong, au Maroc et Tbilissi (Géorgie).

Nous pensons à de nouveaux campus, en lien avec des entreprises partenaires stratégiques. Nous réfléchissions aussi à travailler cette stratégie internationale avec l'université Grenoble Alpes (UGA) car nous ne voulons pas que nos étudiants restent dans une bulle française.

Nous aurons des confirmations dans quelques mois, mais nous pensons à l'Inde et au Proche et Moyen-Orient. Nous souhaitons en ouvrir deux d'ici 2025.

Comment souhaitez-vous vous appuyer sur vos entreprises partenaires ?

Nous faisons beaucoup de choses avec nos nombreuses entreprises partenaires : alternance, business cases, des chaires, des journées carrière…

En lien avec l'UGA, nous souhaitons mettre cela à plat pour mieux connaître les besoins des entreprises et construire entre 15 et 20 partenariats stratégiques. C'est un grand investissement pour nous, qui mobilise nos forces vives.

Nous souhaitons avoir des grandes entreprises internationales pour développer de l'alternance hors de nos frontières.

Nous souhaitons avoir des grandes entreprises internationales pour développer de l'alternance hors de nos frontières, mais aussi des PME locales, pour les accompagner dans leur transition.

De plus, ces partenaires sont encouragés à investir dans notre Fondation, afin de financer des bourses au mérite, en accord avec nos valeurs de société à mission. Pour chaque partenariat, nous proposons trois actions-clés à court terme, trois à moyen terme et trois à long terme.

Avez-vous des ambitions de croissance pour vos effectifs étudiants ?

Oui, nous voulons passer de 6.000 élèves en formation initiale à 10.000 d'ici 2026. Nous allons développer les bachelors. Le bachelor en affaires internationales (BIB) ouvrira à Pantin et nous développerons davantage le Bachelor digital et business development à Grenoble.

Les mastères spécialisés sont un autre vecteur de développement. Nous avons des pépites en biomédical, en supply chain et dans l'énergie : nous allons les pousser à Pantin. Nous avons aussi des projets de MSc pour 2024. Et nous souhaitons développer des programmes autour de l'industrie du sport, du tourisme et de la montagne.

Reste à relancer l'attractivité de l'école auprès des candidats de prépa, dont le vivier diminue.

Nous devons mieux communiquer dans les prépas. Nous étions un peu absents et inaudibles. Il faut aller à leur rencontre. Il y a eu du changement au sein de la gouvernance : nous devons réinsuffler un élan.

Cette année, nous avons déjà musclé l'accueil des admissibles, en renforçant les équipes d'admisseurs et en rendant l'expérience plus agréable pour les candidats.

Agnès Millet | Publié le