F. Giuliani (FCU) : "Il faut que les universités aient une offre pour les 30-55 ans"

Oriane Raffin Publié le
F. Giuliani (FCU) : "Il faut que les universités aient une offre pour les 30-55 ans"
La formation continue dans les universités continue de se développer de manière constante // ©  DEEPOL by plainpicture
Franck Giuliani, président du réseau national FCU (Conférence des directeurs de service de formation continue) dresse un état des lieux de la formation continue à l'université. Et avance quelques pistes pour répondre aux besoins en compétences d'ici 2030, dans un marché très concurrentiel.
Franck Giuliani (FCU)
Franck Giuliani (FCU) © Photo fournie par le témoin

Quelle place occupe la formation continue dans l'université aujourd'hui ?

La formation professionnelle dans le supérieur public continue de se développer de manière très forte, surtout sous l'impulsion de l'apprentissage.

Ces dernières années, l'essentiel des moyens y ont été consacrés, avec des schémas de ré-internalisation de l'apprentissage dans les universités. Cette tendance a été très transformante dans la construction des parcours, avec un impact sur les organisations, les processus et les approches pédagogiques.

En conséquence, nos collègues sont mobilisés sur ces sujets et moins sur les autres formats comme la formation continue et les offres à destination des actifs.

On constate de vraies difficultés à concilier l'obligation de recherche, la massification de la formation initiale, la conversion d'une partie de l'offre et l'absorption des flux grâce à l'apprentissage, tout en essayant de maintenir une offre de formation continue, qui ne peut pas être que dans le format de diplômes nationaux !

Comment se positionnent les universités face à la concurrence des établissements privés dans la formation continue ?

On sent très fort la concurrence. Le rapport entre le potentiel et la réalité sur le marché est tel que, de fait, on laisse la place aux autres.

Aujourd'hui les universités prennent en charge 3% de la formation continue, soit 400.000 personnes par an. On n'occupe pas la place que la nation pourrait attendre de nous.

Quels sont les enjeux pour former aux métiers de demain ?

On peut presque parler de révolution quand on voit la vitesse d'évolution. Cela nous oblige à nous adapter en permanence.

Sur ce point, l'université, grâce à la recherche, a toute sa place. En ayant en tête un élément central : ces transitions, ces urgences sociales, sociétales et climatiques auxquelles nous sommes confrontés ne peuvent se satisfaire d'une inertie à ce qu'on ne s'occupe que des jeunes.

Aujourd'hui les universités prennent en charge 3% de la formation continue, soit 400.000 personnes par an. On n'occupe pas la place que la nation pourrait attendre de nous.

Il faut que les universités aient une offre pour les 30-55 ans, et ce, dans des volumétries qui correspondent à plusieurs dizaines de millions de personnes. Ce changement d'échelle est le défi majeur auquel nous sommes confrontés.

Cela va nécessiter beaucoup d'adaptabilité ?

J'ai envie de répondre que la question de l'agilité n'est plus un sujet. Nous avons cette capacité d'adaptation, y compris dans nos diplômes nationaux.

La réforme du BUT le prouve : en intégrant les spécificités locales et la possibilité d'ajuster les référentiels pour qu'ils s'adaptent dans le temps, sans attendre les accréditations.

Nous avons la capacité à ajuster [...] mais c'est un vrai défi, notamment sur notre capacité à trouver les ressources humaines.

Cette capacité à ajuster fait partie de la vie des certifications du supérieur, quel que soit le format. On a cette souplesse. L'apprentissage a beaucoup aidé, grâce au lien avec les entreprises et aux dialogues mis en place.

On le voit aussi avec l'impulsion née des grands projets autour des Programmes d'investissements d'avenir (PIA), comme les Compétences métiers d'avenir (CMA) qui génèrent des mouvements globaux dans les établissements, sans distinction de public.

Aujourd'hui, on ne se demande plus à qui doit s'adresser l'offre ; nous sommes dans un lien recherche-innovation-formation très fort. J'y crois beaucoup, mais c'est un vrai défi, notamment sur notre capacité à trouver les ressources humaines.

Justement, quelles stratégies mettent en œuvre les universités pour leur formation continue ?

On a un mouvement assez fort de prise de conscience qu'aujourd'hui, une offre atomisée des universités ne répond plus aux attendus du marché. Au contraire, il faut que nous soyons dans des logiques de mutualisation, de la conception à la distribution.

Nous avons une vraie problématique de mobilisation RH. Plus on va mutualiser entre établissements, plus on y arrivera. D'autant qu'avec la digitalisation, les coûts d'entrée sont plus conséquents. 

La FCU a remporté le CMA Stratégie numérique et enseignement, avec France Université Numérique (FUN). Le projet, qui fédère 19 universités, s'appuie sur FUN pour la diffusion et les ingénieurs pédagogiques.

L'enjeu, c'est de gagner du temps dans la production et de déployer les formations sur une plateforme nationale. C'est là que la mutualisation trouve tout son sens, en s'appuyant sur l'expertise de chacun.

L'enjeu de la mutualisation est de réussir à mieux coordonner et endiguer l'atomisation de l'offre, tout en respectant les éléments de différenciation de chaque université

Il y a matière à créer des collaborations autour des universités thématiques ou des plateformes de distribution. Face à la multiplicité des besoins, cela permettra une économie d'échelle.

C'est ce mouvement qui pourrait être disruptif par rapport aux habitudes que nous avions jusqu'alors. L'enjeu est de réussir à mieux coordonner cela et endiguer l'atomisation de l'offre, tout en respectant les éléments de différenciation de chaque université, notamment sur la recherche. C'est notre vraie valeur ajoutée.

L'équation n'est donc pas si simple : comment concilier une offre homogénéisée, avec un socle commun, tout en permettant d'intégrer dans ces parcours le fruit de la recherche ?

Quelles nouvelles réponses l'université peut-elle apporter?

Parmi les attentes, on retrouve les nouveaux formats. On parle des blocs de compétences, mais on peut aller jusqu'à des objets plus fins comme les micro-certifications. Du côté des universités, nous voulons affirmer la place de la certification. C'est important. Cela fait partie de notre ADN de pouvoir certifier.

Et enfin, dernier sujet : mettre en place un contrat de confiance avec les jeunes, pour qu'ils soient conscients qu'un retour à l'université après une formation courte sera possible et simple. Énormément de métiers en forte tension ne nécessitent pas forcément une diplomation, mais plutôt des éléments constitutifs ainsi que des mises à niveau régulières.

Oriane Raffin | Publié le