Sorbonne Paris Cité : fusion or not fusion ?

Camille Stromboni Publié le
Sorbonne Paris Cité : fusion or not fusion ?
Université Paris Descartes (Paris 5) - Amphithéâtre - ©Photothèque Paris Descartes-Huguette & Prosper // © 
Les présidents d'université de Sorbonne Paris Cité ont annoncé la couleur dès la rentrée 2013 : pour eux, ce sera la fusion. Une hypothèse qui a immédiatement fait réagir plusieurs syndicats et une partie de la communauté universitaire de Paris 3, Paris 5, Paris 7 et Paris 13, opposés à cette option. Entre inquiétudes et incertitudes, au moment où l'université Diderot entre, elle, dans une période électorale, le pôle se situe à un tournant.

C'est le seul regroupement parisien qui s'engage clairement dans cette voie. Sorbonne Paris Cité s'oriente vers la fusion de ses quatre universités – Paris 3, 5, 7 et 13.  Telle est, en tout cas, l'option plébiscitée par les dirigeants des établissements du pôle, qui ont signé une note commune en ce sens, publiée à la mi-septembre 2013.

Deux chantiers concomittants se profilent ainsi à l'horizon : la constitution d'une communauté d'universités et établissements d'une part, avec les écoles fondatrices de Sorbonne Paris Cité (IPGP, Sciences po, EHESP, Inalco) et probablement les organismes de recherche partenaires (CNRS, Inria, Ined, IRD, Inserm). Ce qui porterait à 13 le nombre de participants.

Le calendrier en la matière est celui fixé par la loi sur l'enseignement supérieur votée en juillet 2013 : les statuts seront adoptés d'ici l'été 2014. Une commission consultative planche sur cette question et une première version de ces statuts devrait passer devant le conseil d'administration de la communauté d'ici la fin 2013.

Objectif fusion…

Second niveau de structuration, et le plus sensible : le rapprochement des quatre universités du pôle, par la voie fusionnelle. "Il s'agit d'une proposition mise sur la table pour provoquer le débat", précise, rassurant, Jean-François Girard, à la tête de Sorbonne Paris Cité jusqu'en décembre 2013.

"C'est une démarche de transparence : nous [les dirigeants] avons rendu public ce que nous pensons être la meilleure solution", complète le président de l'université Paris 5, Frédéric Dardel. "Travailler avec neuf conseils d'administration, ce n'est pas viable. C'est la paralysie du système. Fusionner simplifiera les choses et nous permettra d'aller plus loin", estime-t-il.

"Il s'agit de rendre un meilleur service aux usagers étudiants, et d'effectuer une meilleure gestion de la recherche. C'est le sens de l'histoire", ajoute Jean-Loup Salzmann, à la tête de Paris 13 et président de la CPU (Conférence des présidents d'université). Jean-François Girard souligne enfin le bénéfice qu'apporterait l'effet "taille" induit par cette fusion et le développement de l'interdisciplinarité qu'elle permettrait.

Travailler avec neuf conseils d'administration, ce n'est pas viable. C'est la paralysie du système (F. Dardel)

… d'ici 2016

Côté calendrier, les présidents promettent du long cours. Les conseils d'administration des universités ne se prononceront sur la fusion en tant que telle qu'en 2015, tandis que celle-ci aurait lieu en 2016. D'ici là : place au débat, et à la réflexion, assurent-ils, certains semblant plus convaincus que d'autres sur ce choix de la fusion.

A l'université Paris 3, le point de vue est tout en nuance. "L'heure est à la concertation, insiste le vice-président du conseil d'administration de la Sorbonne Nouvelle, Raphael Costambeys-Kempczynski. La note [signéé par les dirigeants en faveur de la fusion] cadre assez mal le débat en donnant l'impression que celui-ci est fermé, alors qu'au contraire, toutes les options seront étudiées, les modèles de gouvernance fédérale et confédérale également. Nous regrettons l'emploi du mot fusion, extrêmement anxiogène, qui demeure simplement l'une des hypothèses."
Le vice-président préfèrerait revenir au terme d'"université unifiée". Les conseils de Paris 3 ont en effet voté des motions demandant que toutes les options soient réellement étudiées. 

Incertitude supplémentaire : l'université Paris 7 - Diderot vit une situation d'entre-deux : son président, Vincent Berger, a rejoint l'Elysée comme conseiller en octobre 2013. Elle va donc entrer en période électorale, peu propice aux prises de décision et dont l'enjeu sera, à coup sûr, cette question de la fusion.

La BU Jean Dausset de l'université Paris 13 – Campus de Bobigny © Université Paris 13

Une communauté pré-fusionnelle

"De toutes façons, la fusion ne se fera pas contre les communautés, c'est un fantasme, juge Jean-François Girard. Il faut n'avoir jamais vécu à l'université pour imaginer cela."

"Nous ne pourrons jamais faire la fusion sans les personnels, renchérit Frédéric Dardel (Paris 5). Mais nous voulons avancer sur des actions concrètes pendant les deux années qui viennent, afin de démontrer de l'intérêt de travailler à plusieurs, plutôt que de laisser monter les peurs de l'inconnu. Il faut démystifier les choses. Avec la communauté (CUE), nous pourrons effectuer une transition plus douce qu'à Marseille ou Strasbourg, en consultant les conseils au fur et à mesure sur les compétences transférées. Et au bout d'un moment, on se demandera : pourquoi s'arrêter là ?"

C'est d'abord à cause l'Idex que la fusion est choisie, afin de continuer à toucher le magot (G.Mahé, Snesup, Paris 5)

Un projet totalement "artificiel" pour les opposants

Une vision que ne partage cependant pas une partie de la communauté des quatre universités, notamment les syndicats qui ont multiplié les communiqués de protestation et les assemblées générales à l'automne. "Nous avions l'impression que le discours s'était infléchi et que nous nous dirigions vers une fédération. Cette note des présidents nous ramène à la fusion, à laquelle nous sommes totalement opposés", déplore Gaël Mahé, élu Snesup à l'université Paris 5.

Pour le maître de conférences en informatique, l'idée est totalement "artificielle". "Il n'y a aucun projet commun. Nos universités ont déjà la taille critique nécessaire, elles travaillent déjà en réseau. Il faut nous rapprocher plus fortement sur certaines fonctions, comme l'aide au montage de projets européens, mais cela ne sert à rien de tout restructurer. Surtout quand on connaît les inconvénients, en regardant Strasbourg et Marseille notamment. Désorganisation, accroissement de la bureaucratie, éloignement des usagers, souffrances au travail des salariés… Cela se traduit in fine par une dégradation du service rendu !", dénonce-t-il.

"C'est aussi un retour aux grandes facultés mono-disciplinaires de l'université de Paris, s'alarme Gaël Mahé. La pluridisciplinarité va en pâtir."

Prêt à tout pour l'Idex ?

Mais surtout, l'enseignant-chercheur raille la véritable motivation des dirigeants selon lui. "C'est d'abord à cause de l'Idex [Initiative d'excellence] que la fusion est choisie, afin de continuer à toucher le magot", s'énerve-t-il. Une critique fortement partagée chez les opposants à la fusion. Car si Sorbonne Paris Cité a déjà obtenu un Idex, celui-ci devra être confirmé une fois sa période probatoire terminée, ce qui suppose une plus forte intégration institutionnelle, comme l'ont promis les établissements dans leur dossier de candidature initial.

"L'Idex n'est aucunement un vecteur du regroupement institutionnel, c'est un vecteur de projets", dément le vice-président de l'université Paris 3 Sorbonne Nouvelle.

Si l'Idex ne constitue pas non plus, pour Frédéric Dardel (Paris 5), le motif de la fusion, il existe néanmoins "un vrai risque" de le perdre. "Nous avons pris des engagements forts auprès du CGI (commissariat général à l'investissement). Nous recevons des incitations claires de l'Etat, renforcées par la loi ESR votée cet été, pour une intégration plus forte."

Seul candidat officiel à la présidence du pôle, Jean-Yves Mérindol, l'ancien conseiller de François Hollande sur l'enseignement supérieur et la recherche, réussira-t-il à trouver l'alchimie ?

Camille Stromboni | Publié le