"Cela montre bien que l'éducation, de la maternelle à l'université, est la priorité de ce gouvernement". Geneviève Fioraso a présenté un budget 2014 en légère hausse : +0,5%, au moment où 9 milliards de coupes budgétaires sont annoncées dans les ministères. La MIRES (mission interministérielle Recherche et Enseignement supérieur) atteint ainsi 26,06 milliards d'euros – le troisième budget de l'Etat après l'Education nationale et la Défense – dont 23,04 milliards d'euros sous la coupe du ministère de l'ESR.
"C'est une excellente nouvelle, vraiment inespérée", a réagi le président de la CPU (Conférence des présidents d'université), Jean-Loup Salzmann. "A condition bien sûr qu'il n'y ait pas de mauvaise surprise par la suite" , a précisé le responsable, en référence à l’annonce faite l’an dernier d’une augmentation de 2,2%, qui s’est traduite finalement par 4,5% ponctionnés sur le budget de fonctionnement des universités courant 2013, au titre de l'effort exceptionnel pour le redressement de la Nation. Cela ne se reproduira pas en 2014, a assuré le ministère.
"A ces chiffres s'ajoutent les crédits extra-budgétaires du plan Campus (255 millions d'euros versés en 2014) et de la nouvelle vague d'investissements d'avenir (PIA 2 – 279 millions d'euros versés aux universités en 2014, 725 millions aux projets de recherche)", a tenu à souligner la ministre, marquant sa différence avec ses prédécesseurs, "qui avaient l'habitude de mélanger les choux et les carottes".
Dans ce budget, la plus forte augmentation touche les bourses et la vie étudiante (+6%, passant de 2,33 milliards d'euros à 2,47 milliards). Vient ensuite le poste "Enseignement supérieur et recherche universitaire", dont l'enveloppe atteint 12,81 Mds en 2014 (+0,5%). Enfin, l'enveloppe "Recherche" est en diminution (de 7,85 Mds à 7,77Mds) - une baisse expliquée par Geneviève Fioraso par celle du budget de l'ANR (agence nationale de la recherche), "mise à la dimension à laquelle elle pouvait réellement opérer".
106 millions supplémentaires pour les établissements d'enseignement supérieur
Côté universités et établissements d'enseignement supérieur, les dotations suivent une progression de +0,9% entre 2013 et 2014. Soit 106 millions supplémentaires, qui recouvrent principalement les 60 millions d'euros prévus pour le financement des 1.000 créations d'emplois annuelles, ainsi que les 39 millions nécessaires à l'augmentation du CAS pension (cotisations patronales des fonctionnaires, dont les universités ont la charge depuis le passage aux responsabilités et compétences élargies) pour les titularisations des emplois dans le cadre de la loi Sauvadet.
Avec 2.200 titularisations de personnels précaires en 2014, les établissements ont atteint le rythme prévu par le ministère, tandis que l'augmentation des plafonds d'emplois des universités et établissements, avec les 1.000 postes supplémentaires par an, permet d'atteindre 169.518 emplois dans l'enseignement supérieur.
Quel sera le coût du GVT ?
Bonne nouvelle pour les universités : le CAS pension n'augmente pas en 2014 pour l'ensemble de leur masse salariale (hormis ces postes "Sauvadet"), a indiqué le ministère. En revanche, la question du GVT (Glissement vieillesse technicité), c'est-à-dire la hausse mécanique de la masse salariale des universités, en raison de la progression des salaires des fonctionnaires, devrait de nouveau faire débat. L'enjeu étant de savoir si cette hausse globale de +0,5% correspond à une véritable augmentation en monnaie sonnante et trébuchante pour les établissements.
La CPU évalue la charge supplémentaire due au GVT à 60 millions d'euros pour les universités. Le ministère ne "valide pas" ce chiffre, et tient à rappeler que 18 millions d'euros ont été versés à ce titre en fin d'exercice pour l'année 2012. "Nous avons utilisé la même méthode que les années précédentes, validée au départ par le ministère", a précisé le président Jean-Loup Salzmann.
Les universités inquiètes
Le Snesup estime également que le GVT va coûter de plus en plus cher aux universités. "Dès lors, cette hausse globale est synonyme de diminution dans les faits. Nous pouvons aussi simplement comparer ce chiffre de 106 millions de plus pour les établissements, aux 200 millions d'euros qu'ils ont été obligés de piocher dans leurs fonds de roulement en 2013", décrit Claudine Kahane, co-secrétaire générale du Snesup. La situation des universités va donc continuer à s'aggraver."
"Les réductions des budgets en 2013 se font véritablement ressentir à cette rentrée universitaire, confirme Jean-Loup Salzmann. Avec la mise en place des mesures d'ajustement dans les établissements, surtout avec une baisse de l'offre de formation ouverte aux étudiants."
"J'ai toujours reconnu que depuis le passage aux RCE (responsabilités et compétences élargies), la situation financière des universités s'était détériorée, a fait valoir Geneviève Fioraso. Nous sommes tout à fait conscients que les universités doivent faire des efforts importants pour la maîtrise budgétaire. Mais nous les y accompagnons, afin d'optimiser leurs moyens, notamment en assurant une meilleure structuration des sites, ou une offre de masters rationalisée."
Une mission d'audit à Montpellier 3
Des solutions qui pourraient servir à l'université Montpellier 3, a également glissé la ministre. La présidente Anne Fraïsse dénonçait quelques jours plutôt sa situation budgétaire catastrophique et la nécessité de fermer l'antenne de Béziers.
"Nous ne comprenons pas. Jusqu'à juin 2013, ils annonçaient un budget équilibré et tout d'un coup, le résultat serait très fortement négatif… Alors que Montpellier 3 a obtenu 13 postes dans le cadre des 1.000 emplois, une dotation en augmentation, et qu'elle vient juste de passer aux RCE en 2012, ce qui signifie que le GVT (glissement vieillesse technicité) a entièrement été financé durant cette même année. Le CAS Pension également", a estimé Geneviève Fioraso. Une mission d'audit "flash" a été dépêchée dans l'établissement, pour apporter son éclairage d'ici quelques semaines. "Nous y verrons plus clair. Mais il est certain que l'antenne de Béziers ne fermera pas, c'est hors de question", a insisté la ministre.
Les investissements d'avenir nous permettront de réparer un certain nombre d'injustices. Ils seront conçus différemment (G.Fioraso)
Les Investissements d'avenir, saison 2
Enfin, le budget 2014 a été l'occasion de préciser le contenu de la nouvelle vague d'investissements d'avenir pour les universités. Sur les 12 milliards annoncés par le Premier ministre, 4,1 Mds concernent le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. Ces dotations en capital seront principalement partagées entre les initiatives d'excellence (Idex - 3,1 Mds), les équipements d'excellence (Equipex - 365 millions) et la recherche hospitalo-universitaire en santé (400 millions d'euros).
"Cela nous permettra de réparer un certain nombre d'injustices. Le PIA 2 sera conçu différemment, avec l'objectif de tirer vers le haut l'ensemble d'une communauté universitaire, et non plus seulement l'élite. Il soutiendra plus fortement la mise en réseau et l'articulation avec la politique de site", a prévenu Geneviève Fioraso.
Concernant la brique la plus importante, les Idex, les discussions sont en cours sur les modalités d'application. Le ministère tendrait plutôt vers un jury différent des précédentes vagues d'appels à projet, avec un nombre de dossiers retenus in fine assez conséquent. "Ceux qui ont déjà été pré-selectionnés, comme Lyon et Hésam, ne seront pas soumis à la même procédure", a précisé la ministre.
Si Geneviève Fioraso promet ainsi une bouffée d'air financière, elle relance également la laborieuse machine des appels à projets.
Nombre d'universités en déficit :
- en 2010 : 12 universités et 3 établissements (sur 50 établissements passés aux RCE)
- en 2011 : 14 universités et 3 établissements (sur 76 établissements passés aux RCE)
- en 2012 : 17 universités (sur 96 établissements passés aux RCE)
- en 2013 (prévisionnel) : 15 universités et 5 établissements (sur 103 établissements passés aux RCE)
Nombre d'universités en double déficit :
- en 2010-2011 : 4 universités
- en 2011-2012 : 5 universités
- en 2012-2013 (prévisionnel) : 3 universités [Montpellier 3, Le Mans et Marne la Vallée]
Nombre d'universités dont le fonds de roulement est inférieur à 30 jours (seuil minimum demandé initialement aux établissements publics) :
- en 2010 : 8 universités (sur 50 établissements passés aux RCE)
- en 2011 : 17 universités (sur 76 établissements passés aux RCE)
- en 2012 : 20 universités (sur 96 établissements passés aux RCE)
- en 2013 (prévisionnel) : 38 universités (sur 103 établissements passés aux RCE)
Nombre d'universités dont le fonds de roulement est inférieur à 15 jours (jugé désormais comme le seuil minimum exigé par Bercy, a assuré la ministre) :
- en 2011 : 6 universités (sur 76 établissements passés aux RCE)
- en 2012 : 8 universités (sur 96 établissements passés aux RCE)
- en 2013 (prévisionnel) : plus de 8 universités (sur 103 établissements passés aux RCE)
9 audits ("mission flash") menés dans les universités
Source : MESR
- La biographie de Jean-Loup Salzmann, président de la Conférence des présidents d'université
- La biographie de Geneviève Fioraso, ministre de l'Enseignement supérieur
- La biographie d'Anne Fraïsse, présidente de l'université Montpellier 3
Sur les blogs EducPros
- Les billets de Pierre Dubois autour des questions budgétaires
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