G. Gellé (France Universités) à l'Assemblée nationale : "L'enseignement supérieur et la recherche ne doivent pas être une variable d'ajustement"

Clémentine Rigot Publié le
G. Gellé (France Universités) à l'Assemblée nationale : "L'enseignement supérieur et la recherche ne doivent pas être une variable d'ajustement"
Guillaume Gellé a été auditionné à l'Assemblée nationale. // ©  image Assemblée nationale
Auditionné le 27 septembre par l'Assemblée nationale en amont du projet de loi de finances (PLF) 2024, le président de France Universités a tiré le signal d’alarme quant à la situation financière des établissements du supérieur et de leurs étudiants.

"Inacceptable". C’est ainsi que Guillaume Gellé a qualifié la précarité étudiante en cette rentrée, faisant état d’une situation "pas nouvelle mais qui a été révélée au grand public pendant la pandémie et qui semble s'accélérer".

"Alors que le coût de la rentrée pour chaque étudiant est en moyenne de 3.000 euros et que le prix des loyers explose, plus d'un tiers d'étudiants saute régulièrement un repas, selon des enquêtes convergentes", a souligné Guillaume Gellé.

Saluant la mise en place de la réforme des bourses au printemps par le ministère, ainsi que le gel reconduit des loyers Crous et du prix des repas, celui-ci a affirmé désormais attendre "beaucoup de la réforme structurelle des aides sociales, annoncée par la ministre".

La question du logement étudiant a elle aussi été abordée : si la rue Descartes s’est engagée à construire 30.000 logements d’ici 2027, Guillaume Gellé a tenu à rappeler que lors du précédent quinquennat, seules "36.000 places avaient été créées contre 60.000 annoncées".

Un soutien de l’Etat nécessaire

Sans surprise, la question budgétaire a été abordée frontalement par le bureau de France Universités, et en particulier les problématiques liées au financement des mesures dites "Guerini".

"Si la revalorisation du point d'indice et les mesures pour le pouvoir d'achat ont été attendues par nos agents et se doivent d'être saluées, leur non-compensation intégrale pour 2024 occasionne une incompréhension voire de vives inquiétudes chez nos présidentes et présidents d'université".

Nous obliger à puiser dans nos fonds de roulement, en laissant entendre que cet argent dort, est incompréhensible.

Et Guillaume Gellé de faire état de la lourde facture qui pèse déjà sur les établissements. "Nous obliger à puiser dans nos fonds de roulement, en laissant entendre que cet argent dort, est incompréhensible", assure-t-il. "Cela aura des conséquences sur les investissements en recherche et les projets de décarbonation souhaités par le président de la République.

"C'est pourquoi je profite d'être devant la représentation nationale pour tirer le signal d'alarme et demander à l'État d'assumer les mesures qu'il décide, au lieu d'en faire peser la charge financière sur nos universités", ajoute-t-il.

Des recrutements mis en péril faute de moyen

"L'enseignement supérieur et la recherche sont un investissement pour l'avenir de notre pays. Ils ne doivent pas être une variable d'ajustement", a martelé Guillaume Gellé.

"Que dirait-on si, pour des raisons budgétaires, demain les universités étaient contraintes de former moins de médecins alors que l'on en manque déjà cruellement ?, interroge-t-il. De former moins de professeurs, quand on connaît les difficultés de recrutement de l'Éducation nationale ?"

Le président de France Universités opère un constat alarmant : "Nous allons devoir être prudents dans nos recrutements d’enseignants-chercheurs, puisque nous n’aurons pas de quoi les payer. En affaiblissant les universités, on affaiblit toutes les politiques publiques de notre pays".

Une sobriété énergétique difficile à atteindre

Le président de l’Université de Reims Champagne-Ardenne s'est aussi attardé sur ce qu'il désigne comme "le chantier collectif de la sobriété".  "Il y a un an déjà, les universités ont pris leurs responsabilités et se sont pleinement engagées dans l'effort national initié par le gouvernement afin d'atteindre la baisse de 10% de consommation énergétique à l'horizon 2024".

Pour les présidents et présidentes d’université, ce plan de sobriété devra s’accompagner d’un plan de rénovation et décarbonation des campus. Une épineuse question, alors même que ces derniers constituent 20% du parc immobilier de l’État et que "40% de ce patrimoine est qualifié de passoire énergétique".

"Nous nous réjouissons des annonces de la Première ministre d'intégrer environ 600 millions d'euros sur la rénovation du bâti de l'État dans le PLF 2024. Mais nous sommes cependant très loin des besoins estimés à minima à 7 milliards d'euros, par l'État lui-même", regrette Guillaume Gellé.

Une diminution préoccupante du nombre de doctorants

"Il est incompréhensible que le plus haut diplôme universitaire demeure insuffisamment valorisé, dans le monde du travail et dans la société", a par ailleurs affirmé Guillaume Gellé. "Le taux d'étudiants diplômés d'un master 2 poursuivant en doctorat a été divisé par trois, entre 2006 et 2020, passant de 11% à moins de 4%", a-t-il précisé.

Le président de France Universités a attiré l’attention des députés sur l’actualité récente, et en particulier le projet de loi sur la justice. "Comment ne pas interpréter la suppression de la procédure permettant aux doctorants en droit d'accéder sur titres à la magistrature comme un geste de défiance du gouvernement face au diplôme le plus symbolique de l'université ?"

Parmi les solutions avancées pour compenser ces écueils, "favoriser l'embauche de docteurs dans la sphère économique", "mieux valoriser ce diplôme dans les concours de la haute fonction publique" ou encore "recruter, en 2023, la centaine de doctorants prévus dans le cadre du dispositif COFRA [conventions de formation par la recherche en administration]".

Vers une meilleure régulation du privé

Interrogé en préambule par Isabelle Rauch, présidente de la commission sur l'enseignement supérieur privé, Guillaume Gellé s’est positionné aux côtés de la Cour des comptes, jugeant nécessaire la "régulation de l'enseignement supérieur privé à but lucratif".

Selon lui, cette régulation doit passer par "la clarification de la dénomination des établissements et des diplômes, mais aussi par un moratoire sur la délivrance des visas et des grades". Moratoire que France Universités a, par ailleurs, demandé au Conseil national supérieur de l'Enseignement supérieur et de la recherche.

Il n'y a aucune raison qu'ils échappent à l'exigence de transparence financière et de gestion.

"Nous plaidons également en faveur d'un code de déontologie obligatoire pour les établissements privés français, comme pour les établissements étrangers s'installant en France. Il n'y a aucune raison qu'ils échappent à l'exigence de transparence financière et de gestion qui pèsent à juste titre sur les universités", a précisé Guillaume Gellé.

Clémentine Rigot | Publié le