La reprise en présentiel, "un premier pas" pour les acteurs du supérieur

Dahvia Ouadia, Agnès Millet Publié le
La reprise en présentiel, "un premier pas" pour les acteurs du supérieur
Le retour des étudiants sur le campus va se faire progressivement, en ciblant en priorité les "première année". // ©  Sébastien Ortola/REA
Le Premier ministre a annoncé un retour en présentiel progressif dans le supérieur, le 14 janvier. Dans un premier temps, les étudiants primo-entrants pourront suivre des TD en demi-groupes dans leurs campus. D’autres éléments ont été discutés, le 15 janvier, lors d’un rendez-vous réunissant Jean Castex, Frédérique Vidal, ainsi que les conférences d’établissements et les organisations étudiantes. Educpros fait le point.

Alors que le couvre-feu passe à 18h partout en France, le gouvernement fait un geste envers les étudiants : les travaux dirigés (TD) reprendront en présentiel à 50% pour les étudiants primo-entrants. L’État souhaite marquer "sa priorité assumée en faveur de l’éducation et de la jeunesse".

Depuis début janvier, les établissements du supérieur peuvent déjà accueillir de petits groupes de dix étudiants, en priorité les plus fragiles. Désormais, un "plan de reprise en fonction de l’évolution de la situation sanitaire, fondé sur le respect de jauges claires et sur une politique de dépistage adaptée" doit être travaillé. Selon Anne-Lucie Wack, présidente de la CGE, les grandes écoles se mettent en ordre de marche, à la suite de ces annonces, attendues par tout l’enseignement supérieur.

Le retour des primo-entrants

Ce nouveau "petit pas" vers la reprise des cours en présentiel est salué par une majorité des acteurs du supérieur. La CPU (Conférence des présidents d’université), la Cdéfi (Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs), la CGE (Conférence des Grandes écoles), l’Auref (Alliance des universités de recherche et de formation) et l’Udice - Universités de recherche françaises, estiment que l’enseignement supérieur a été "partiellement entendu".

"Les responsables de formation s’assureront que chaque étudiant concerné puisse venir à l’école, même quelques heures par semaine. Pour briser l’isolement, c’est fondamental", note Jacques Fayolle, président de la Cdéfi. Celle-ci est d’ailleurs satisfaite que le présentiel puisse être autorisé pour tous les primo-entrants, y compris en post-prépa. Dans les écoles d’ingénieurs, ce retour pourrait concerner un tiers des 150.000 élèves.

Plusieurs éléments restent cependant à préciser pour que l’accueil se fasse dans les meilleures conditions sanitaires possibles, notamment l’ouverture des bibliothèques ainsi que la question des pauses-repas dans les établissements.

Quid du retour de tous les étudiants ?

Cependant pour les différents acteurs, ce début de reprise ne peut être "qu’une première étape". "L’objectif est de sauver le second semestre, en étendant la reprise aux autres années, à partir d’une date suffisamment proche pour éviter une situation de non-retour", estiment les conférences.

Pour Virginie Dupont, vice-présidente de la CPU, le retour de tous les étudiants, au-delà des "première année", est essentiel. "Le compte n’y est pas car nous souhaitions faire revenir tous les étudiants et non uniquement les "première année". Nous aurions aimé davantage, comme c’est le cas aujourd’hui dans les lycées", estime la VP.

L'ensemble des établissements "demande de mettre en place un dispositif suffisamment solide dans le temps pour ne pas être remis en question (…)". Des mesures pourraient ainsi permettre d’assurer la protection de tous et de limiter les circulations telles que les jauges de site ou d’établissement, les unités de lieu par demi-journée, etc.

Ils souhaitent que tous les étudiants puissent "revenir sur leur lieu d’étude au moins une fois par semaine pour suivre des enseignements, comme peuvent le faire depuis septembre tous les élèves de France, de la maternelle au lycée, et les élèves de classes préparatoires et de BTS".

Même vision pour les étudiants qui se sentent isolés. Pour Maryam Pougetoux, vice-présidente de l’Unef, le gouvernement "accumule du retard". "Il pourrait y avoir des actions dès maintenant, pour que les étudiants puissent revenir sur les campus alors qu’il n’y a aucune perspective pour le 2e semestre".

Par ailleurs, une pétition "Pour une considération des étudiants" a été lancée par des étudiants de l’Université de Haute-Alsace, et enregistre plus 27.000 signatures. Pour Shola Bamgbose, l’une des étudiantes à l’initiative de cette pétition, les annonces faites "ne sont pas à la hauteur des attentes" : "nous avons le droit à un enseignement de qualité, comme les autres élèves de France".

La précarité et la santé mentale des étudiants prises en compte

D’autres dispositifs doivent accompagner les étudiants. Le gouvernement annonce la création d’un chèque soutien psychologique pour consulter un professionnel de santé, hors SSU (service de santé universitaire), puisque ces derniers sont engorgés. Autre point : le gouvernement travaillerait à des mesures d’aides, notamment pour le logement, pour février 2021.

De plus, le Premier ministre annonce la prolongation des missions des référents en cité U et des tuteurs étudiants jusqu’à la fin de l’année universitaire. Le renfort de 80 psychologues et 60 assistants sociaux sont également pérennisés toute l’année civile 2021, alors qu’ils n’étaient prévus que jusqu’à la fin de l’année universitaire.

Enfin, le gouvernement travaille à l’amélioration des dispositifs d’aides sociales et de boursiers, pour faire évoluer structurellement ces accompagnements.

Mais pour les organisations syndicales étudiantes, ces mesures ne vont pas assez loin. Paul Mayaux, président de la Fage (Fédération des associations générales étudiantes), estime que "la situation est plus critique que ce qui est perçu". "Nous n’avons reçu aucune réponse immédiate sur la question de la pauvreté alors que celle-ci se généralise et que de plus en plus d’étudiants ne mangent pas à leur faim. Il faut une aide financière pour janvier, mais aussi des aides pérennes", estime le jeune homme.

Maryam Pougetoux demande au nom de l'Unef la généralisation du ticket U à 1€ et l’augmentation des APL (aides personnalisées au logement). Des revendications qui ne sont pas nouvelles mais qui prennent un nouveau sens à l'aune de la crise sanitaire.


La stratégie "Tester, alerter, protéger"
Par ailleurs, la souhait de décliner la stratégie "Tester, alerter, protéger" au sein des établissements d’enseignement supérieur pour mettre en place des campagnes de tests Covid-19 a été débattue lors du CHSCT (Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail) MESR du 14 janvier. Une intersyndicale de représentants du personnel considère le "calendrier irréaliste et incertain, car il demande seulement aux établissements de 'préparer un plan d'action' pour début février 2021".
Pour Virginie Dupont, VP de la CPU, "si des tests individuels peuvent être organisés au fil de l’eau par les services de santé universitaires, les universités ne peuvent pas mener de dépistages collectifs pour lesquels il faut la collaboration des établissements avec les ARS, les rectorats et les hôpitaux".

Dahvia Ouadia, Agnès Millet | Publié le