Les doyens de médecine appellent à des "mesures de simplification" de la réforme PASS-L.AS

Pauline Bluteau Publié le
Les doyens de médecine appellent à des "mesures de simplification" de la réforme PASS-L.AS
Pour une simplification de la réforme, le président de la Conférence des doyens de médecine, Benoît Veber, plaide notamment pour une restriction du nombre de L.AS. // ©  Pauline Bluteau
Les chantiers n'en finissent plus pour la Conférence des doyens de médecine. À l'occasion de leur réunion de rentrée, ce mardi 19 septembre, le doyen des doyens, Benoît Veber, a clarifié - sans mâcher ses mots - ses positions sur la réforme du premier cycle des études de santé. Une réforme qui continue à faire débat.

Cette année encore, la réforme du premier cycle des études de santé (R1C) a particulièrement animé la conférence de presse de rentrée des doyens de médecine. Il faut dire que trois ans après sa mise en place, le bilan est plus que nécessaire.

Une mise au point certes, mais aussi et surtout des actions : la Conférence des doyens de médecine a d'ores et déjà prévu de (re)glisser une liste de propositions aux oreilles de la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, Sylvie Retailleau, même si les résultats ne sont pas attendus pour tout de suite.

La réforme PASS-L.AS toujours peu lisible

"J'appelle à des mesures de simplification de cette réforme qui reste difficile à comprendre", répète à plusieurs reprises Benoît Veber, ce mardi 19 septembre. En ligne de mire, les licences avec option "accès santé" (L.AS). Le président de la Conférence des doyens de médecine plaide pour une restriction du nombre de L.AS (licence avec option "accès santé") dans les universités : "Certaines sont logiques… d'autres moins. Il faut plus de cohérence."

Sans pour autant viser de disciplines en particulier car "chaque université doit faire le point individuellement sur la réussite de ses étudiants", il va de soi que les licences scientifiques comme la biologie, la physique-chimie ou les STAPS restent parmi les incontournables.

Aucun commentaire donc sur les licences en sciences humaines et sociales. "Les L.AS qui marchent, il faut les garder. Si dans certaines, il n'y a qu'un seul étudiant qui parvient à être admis en deuxième année d'études de santé, alors il faut se poser des questions."

Plus d'équité entre les étudiants de PASS et de L.AS

Car ce qui pose problème, c'est aussi l'évaluation des étudiants. Une évaluation qui semble un peu bancale. Actuellement, les universités établissent des pondérations entre les différentes L.AS pour établir un classement unique d'accès aux études de santé.

Les étudiants ne sont donc pas classés au sein de leur licence uniquement mais sont interclassés. Tous les étudiants en L.AS se retrouvent sur un même classement… et sans que l'on ne puisse comprendre exactement pourquoi, un étudiant en L.AS biologie est passé de 12 de moyenne à 11 de moyenne dans le classement général.

"C'est très complexe, on se retrouve avec de nombreux recours à gérer", explique Benoît Veber. Le doyen de l'UFR santé de l'université de Rouen propose donc d'harmoniser les notes en faisant passer une épreuve unique en santé à tous les étudiants en L.AS.

Généraliser l'oral à tous les étudiants en PASS et L.AS, comme "dans les grandes écoles"

Point important soulevé également pendant la conférence de presse et qui continue de faire débat dans les universités : l'importance de l'oral. Pour être admis en deuxième année d'études de santé, certains étudiants - dont le classement n'est pas suffisant pour être admis d'emblée - doivent passer une épreuve orale.

Un examen très critiqué car toutes les universités ne donnent pas la même importance à cet oral. Dans certaines facultés, il compte pour 30% de la note finale - le reste étant attribué aux écrits - mais pour d'autres, il représente jusqu'à 70% de la note.

D'autant que les compétences évaluées ne sont pas forcément médicales. "L'oral est un problème : là encore, on aboutit à des recours, il faut revoir le poids de cette épreuve. Mais si l'oral est important, et la capacité à s'exprimer l'est, alors il faut le généraliser à tous les étudiants, grands admis ou non. Ce doit être une épreuve comme une autre. Après tout, c'est un concours, comme c'est le cas dans les grandes écoles", tranche le président de la Conférence.

Accéder en deuxième année d'études de santé après une L.AS 2 ou 3

Enfin, difficile d'aborder cette réforme, sans s'attarder sur la question de la diversification des profils des étudiants. Avec moins de L.AS proposées, ne risque-t-on pas d'aller à l'encontre de l'essence même de la réforme ?

Non, selon Benoît Veber pour qui cette diversification est de toute façon loin d'être acquise. "On remarque que beaucoup d'étudiants de L.AS 2 viennent d'un PASS. Peu de candidats tentent leur chance en L.AS 3." Aujourd'hui, les étudiants en PASS ont deux tentatives d'accès aux études de santé : l'année de PASS, obligatoirement, puis l'année de L.AS 2 ou 3 éventuellement. En L.AS, les étudiants peuvent tenter leur chance en L.AS 1, L.AS 2 ou L.AS 3, avec aussi deux chances au total.

Pour avoir une véritable diversité des profils, le doyen envisage d'encadrer, en quelque sorte, les chances d'accès. Si rien ne change en PASS, les étudiants en L.AS pourraient devoir attendre la L.AS 2 et 3 pour candidater. Les étudiants en PASS effectueraient donc au minimum une seule année d'études avant d'entrer en deuxième année de santé contre deux pour les étudiants en L.AS.

"En L.AS, ils ont une formation complémentaire, c'est une double licence et il faut aussi savoir ce qu'on veut au sujet de la diversité des profils. Sinon, la L.AS 1 est simplement une année de contournement." Le doyen mise aussi sur les doubles diplômes ou les passerelles tardives avec des écoles d'ingénieurs notamment. Peut-être un meilleur moyen de diversifier les compétences des étudiants en médecine tout en ayant une certaine cohérence dans le parcours de formation.

Tout juste auditionné sur ces sujets par la Cour des comptes, le président de la Conférence des doyens de médecine estime que les changements ne seront pas visibles avant la rentrée 2025. En effet, les auditions doivent se poursuivre jusqu'en début d'année 2024. La Cour des comptes ne devraient donc pas rendre ses conclusions tout de suite. Or, le bilan semble décisif pour le gouvernement qui préfère rester prudent sur cette réforme qui peine encore à convaincre pleinement.

La réforme du deuxième cycle se dessine sous de meilleurs auspices

La réforme du deuxième cycle des études de médecine (externat) se déploie de façon plus fluide. Il y a quelques semaines, les étudiants en sixième année ont participé à une épreuve d'entraînement aux EDN (épreuves dématérialisées nationales, ex-ECN).

La première session des épreuves officielles est prévue les 16, 17 et 18 octobre. Elles sont décisives pour accéder à l'internat. Selon la Conférence des doyens de médecine, ce test est une réussite en matière d'organisation et pour les étudiants. "Ils ont bien réussi. Seuls 8,4% des étudiants n'ont pas obtenu 14/20", la note requise pour passer les ECOS (examens cliniques objectifs structurés).

Pour cette deuxième épreuve, prévue en mai 2024 et tout aussi décisive que les EDN, deux défis demeurent : recruter des patients standardisés (qui joueront un rôle de faux patients devant les étudiants) et former les enseignants.

Par ailleurs, comme l'ont montré les internes au moment du choix de leurs spécialités, il y a quelques jours, certaines disciplines sont peu attractives. Notamment la psychiatrie (67 places non pourvues, un chiffre en augmentation) ou la médecine généraleil a fallu remonter jusqu'à la fin du classement pour faire le plein. Une situation qui n'inquiète pas le doyen des doyens. "On a toujours des choix positifs et des choix par défaut. Mais il n'y a pas de perte d'attractivité, car des étudiants bien classés choisissent médecine générale."

La mise en place de la quatrième année d'internat de médecine générale ne serait pas un frein pour les étudiants. À confirmer dans un an ?

Pauline Bluteau | Publié le