Emmanuel Duflos (EPF) : "Nous voulons permettre au plus grand nombre d’accéder au métier d’ingénieur"

Clément Rocher Publié le
Emmanuel Duflos (EPF) : "Nous voulons permettre au plus grand nombre d’accéder au métier d’ingénieur"
Emmanuel Duflos a rejoint la direction générale de l'EPF en mars 2023. // ©  Patrice_Lariven
Après avoir occupé le poste de directeur de l’École centrale de Lille entre 2014 et 2023, Emmanuel Duflos, récemment élu président de la CDEFI, a rejoint l’EPF à sa direction générale. Parmi les enjeux, le directeur souhaite poursuivre la diversification du vivier de recrutement, consolider l'ancrage à Dakar et renforcer l'activité de recherche.

À peine nommé à l'EPF, vous devenez président de la CDEFI. C’est une première pour un directeur d’une école d’ingénieurs privée ?

C’est une satisfaction de voir que cela n’a pas été un sujet pour porter la voix de l’ensemble des écoles d’ingénieurs au sein de la CDEFI. Les enjeux peuvent s’exprimer de manière différente en fonction des établissements, mais nous avons un socle commun qui nous lie en tant qu’école d’ingénieurs.

Cette prise de responsabilité au sein de la CDEFI est un atout. La connaissance très approfondie de l’enseignement supérieur et de la recherche et les échanges avec les directeurs et les institutions que l'on peut avoir dans cet engagement sont une valeur ajoutée pour l’école que l’on dirige.

Emmanuel Duflos
Emmanuel Duflos © EPF

Qu’est-ce qui vous a conduit à prendre la tête de l’EPF ?

Mon deuxième mandat en tant que directeur de Centrale Lille allait se terminer. Je souhaitais retrouver un projet ambitieux qui me motive à la hauteur de ce qui a été fait avec Centrale Lille Institut. Je recherchais également un nouvel environnement dont les valeurs humaines et sociétales étaient en bonne adéquation avec les miennes. J’ai trouvé en l’EPF une école engagée et qui correspondait à mes attentes.

L’EPF recherchait un profil comme le mien, avec une très bonne connaissance de l’enseignement supérieur et de la recherche, une expérience en direction générale, un engagement pour conduire les projets à venir. Je souhaite maintenant donner un nouvel élan à l'école sur la base de ce qui a été fait avec le plan stratégique qui se termine en 2025.

Ce plan stratégique comprend notamment le renforcement de l'ancrage territorial de l'école.

Une grande partie du plan stratégique a été réalisée. Il était lié au développement de l’EPF sur le territoire national avec une école répartie en plusieurs campus. Nous avons renforcé notre présence sur les campus de Montpellier et Troyes et nous nous sommes mobilisés pour un nouvel ancrage territorial avec l’ouverture du campus de Saint-Nazaire.

L’enjeu est de renforcer notre marque afin de favoriser l’accès des jeunes femmes à l'ingénierie.

Nous allons y déployer à partir de la rentrée notre formation d’ingénieur généraliste. Nous avons ouvert 28 places en première année. La dynamique initiale sur la première année est bonne, c’est un bon tremplin. Nous ouvrirons l’an prochain notre bachelor en pilotage et système énergétique. À terme, nous pourrons accueillir environ 400 étudiants, sur le campus.

L’EPF poursuit également son déploiement à l’international avec son implantation à Dakar, au Sénégal.

L'Afrique est un continent d’avenir, avec une population très jeune, qui a des besoins en formation. C’est vrai qu’il y a une sorte de pari dans le fait de proposer une école d’ingénieurs au Sénégal, mais il va de la responsabilité de l'EPF d’accompagner le Sénégal dans son développement. Nous avons pour objectif de décrocher une accréditation de la Commission des titres d'ingénieur (CTI).

Cette première année à Dakar a très bien fonctionné. Nous allons accueillir à la rentrée plus de 150 étudiants pour notre diplôme d’ingénieur généraliste et de bachelor en ingénierie digital et management des entreprises. Les ingénieurs diplômés ont vocation à rester au Sénégal de façon à contribuer au développement de l’industrie local.

Nous voulons aussi multiplier les échanges, de façon à ce que les étudiants sénégalais viennent passer une partie de leur cursus en France et donner l’opportunité aux étudiants français d’aller au Sénégal.

Initialement, EPF est l'acronyme d'École polytechnique féminine. Un nouveau nom d’école est-il en cours de réflexion ?

Du fait de son histoire, son nom veut dire quelque chose aujourd’hui. L'EPF est très attachée au développement de l’accessibilité des métiers d’ingénieur aux femmes. Cela reste un enjeu majeur à la fois pour l’école et pour la France. Nous sommes à un taux de l’ordre de 40% de jeunes femmes. L’enjeu, c’est plutôt de renforcer notre marque afin de favoriser l’accès des jeunes femmes à l'ingénierie.

Nous voulons continuer à permettre au plus grand nombre d’accéder au métier d’ingénieur. On le voit aujourd’hui avec tout ce qui a été mis en place pour accueillir les bacheliers STI2D. Ils commencent par suivre un cursus de deux ans de pédagogie spécifique. Le recrutement post-bac est un sujet que je découvre, mais nous allons poursuivre notre réflexion sur l’ouverture du diplôme d’ingénieurs généraliste aux jeunes issus de la réforme du bac. Il y a beaucoup plus à capitaliser sur ce sujet-là que de changer le nom de l’école.

Quels sont les prochains défis pour l’EPF ?

L’EPF est une école qui est déjà très engagée sur la question de l’innovation pédagogique notamment avec notre cellule d'Innovation pédagogique et numérique (IPN). C’est un véritable laboratoire pour la pédagogie avec une vraie activité de recherche sur le sujet. C’est quelque chose que nous devons amplifier si nous voulons élargir l’ensemble des viviers.

Il faut renforcer le soutien financier que pourrait apporter l’État à nos écoles.

Les jeunes que l’on accueille n’ont pas tous eu la même trajectoire. Il y a une adaptation pédagogique qui est nécessaire pour mieux former nos étudiants et les amener aux métiers d’ingénieur. C’est un des principaux enjeux en matière de formation.

Et sur le plan de la recherche ?

Le deuxième enjeu pour l’EPF consiste à renforcer son activité de recherche. On part sur des bases solides, car l’école est partenaire de 10 unités de recherche et nos enseignants-chercheurs encadrent une trentaine de doctorants. Nous avons également plusieurs plateformes technologiques comme la 3D MotionLab dédiée à la recherche en analyse de mouvement.

Nous voulons réussir à recruter plus d'enseignants-chercheurs, développer l'accueil de professeurs invités et renforcer la dimension recherche dans nos accords internationaux. C’est ce que l’on vient de faire, avec l’université de Bilbao. Point véritablement important : il faut aussi développer la partie valorisation de la recherche, qui doit se faire en lien avec le monde industriel.

Quelles sont vos attentes en tant que directeur d’une école EESPIG ?

Il faut renforcer le soutien financier que pourrait apporter l’État à nos écoles et ouvrir les appels à projet dans le domaine de l'ingénierie aux établissements d’enseignement supérieur privé d’intérêt général (EESPIG).

L'État doit faire appel à l’ensemble des forces qui ont la capacité de former, de faire de l’innovation... Et les EESPIG en font partie, en raison de notre engagement pour contribuer à l’intérêt général.

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