J. Fayolle (Mines Saint-Étienne) : "Il y a un vrai soutien du ministère de tutelle sur les questions budgétaires"

Clément Rocher Publié le
J. Fayolle (Mines Saint-Étienne) : "Il y a un vrai soutien du ministère de tutelle sur les questions budgétaires"
Mines Saint-Etienne entend renforcer son positionnement sur l’industrie et la santé du futur // ©  Fournie par l'établissement
Alors que le vivier des candidats des écoles d'ingénieurs se raréfie, l'École des Mines de Saint-Étienne se lance dans une stratégie de diversification de ses formations afin d'accroître ses effectifs. L'école se félicite du soutien du ministère de l’Économie pour l'accompagner dans cet objectif de croissance.
Jacques Fayolle, directeur de Mines Saint-Etienne
Jacques Fayolle, directeur de Mines Saint-Etienne © Fournie par le témoin

Les écoles d'ingénieurs doivent former chaque année davantage d'ingénieurs. Mines Saint-Étienne a-t-elle relevé ce défi pour cette rentrée 2023 ?

Le sujet de l’attractivité est un point d'attention que nous avons chaque année. En tenant compte d’un côté de la baisse d'appétence des jeunes générations pour les sciences, et de l’autre leurs attentes vis-à-vis des enjeux climatiques, les responsables de formation regardent si les évolutions apportées à nos formations sont suffisantes pour répondre à cette problématique du vivier.

Nous avons stabilisé nos filières d'ingénieur sous statut apprenti, ce qui représentait un défi avec le changement du DUT en BUT. Nous accueillons aussi beaucoup d’admis sur titre en deuxième année de cycle ingénieur : certains viennent de l’international, essentiellement de l’Amérique du Sud, de l’Asie et du Maroc.

Nous avons une augmentation notable de nos admis sur titre français sur deux voies spécifiques : nos filières pharmacien-ingénieur et médecin-ingénieur. Nous sommes une des écoles à proposer les plus anciens double-diplômes associant l'ingénierie et la santé. Il y a un vrai intérêt sur le marché de l’emploi.

L'engagement de l'école pour la transition écologique a-t-elle permis d'attirer davantage d'étudiants ?

Nous avons lancé un plan stratégique, l'année passée, afin que les enjeux de transition écologique soient directement en lien avec nos processus de formation. Cela fait des années que nous travaillons sur les énergies et les nouveaux matériaux. Nous avons aussi des sujets plus récents autour de l’ingénierie de la santé où nous regardons l'impact de la pollution et du réchauffement climatique sur le corps humain.

Nous avons fait le choix de renverser la manière dont on présente l'école en disant que nous sommes fondamentalement une école d'ingénieurs leader de la transition écologique. On s’appuie sur des classements internationaux pour l’affirmer : Mines Saint-Étienne occupe le 55e rang mondial sur le critère de la lutte contre les changements climatiques dans le classement THE Impact.

Cette rentrée était le moment de vérifier si le discours porte ou non. Nous sommes très contents car nous avons notablement progressé sur nos grands concours de recrutement et nous sommes passés devant certains de nos concurrents. Il y a une hausse de 5% du nombre d'élèves dans nos filières d'ingénieur sous statut étudiant par rapport à l'année précédente.

L'école doit accueillir davantage d'étudiants d'ici quatre ans. Quel est le soutien apporté par votre ministère de tutelle ?

Avec le projet de loi Industrie verte, Bruno Le Maire, ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, a mis de forts enjeux sur le verdissement de l'industrie avec de manière sous-jacente le fait que la France a besoin d'ingénieurs pour conduire ce projet.

Les écoles sous tutelle de son ministère doivent former 1.000 ingénieurs en plus à l'horizon 2027, soit une croissance de 20% [six autres écoles sont concernées : l'IMT Mines Alès, Télécom ParisTech, Télécom SudParis, l'IMT Albi-Carmaux, l'IMT Atlantique et l'IMT Nord Europe].

Cela peut mettre les budgets sous tension si on vise 20% de hausse : il faut être réaliste, ce n'est pas de la croissance marginale. Il y a un vrai soutien du ministère de tutelle sur ces questions budgétaires.

Il y a aussi un accompagnement du ministère en termes de création d'emploi. Il finance les ressources humaines mais nous demande un effort d'efficience sur le reste du budget, notamment en travaillant sur nos ressources propres.

L'école devra donc mobiliser ses ressources propres pour atteindre cet objectif de croissance ?

C'est une des particularités des écoles du ministère de l'Economie : nous avons un taux de ressources propres qui est notablement différent d'une université ou d'une école d'ingénieurs sous tutelle du ministère de l’Enseignement supérieur.

Nous sommes à 35% de ressources propres dans mon établissement, contre 10 à 15% pour une université, en moyenne. Cela change la donne. Notre ministère voit la formation comme un soutien au développement économique et à la compétitivité. Au-delà du discours, le ministère le met en musique dans ses décisions.

Il y a des sujets patrimoniaux importants. Former plus d'élèves signifie qu'il faut leur mettre un toit au-dessus de la tête. Nous avons des fonds de roulement qui sont mobilisés dans leur totalité sur des projets immobiliers dont l'objectif est de pouvoir loger la totalité de nos promotions à horizon 2027. Cela représente 40 millions d'euros sur les prochaines années de travaux dans le cadre d'un Contrat plan Etat-Région.

Avez-vous des objectifs de croissance sur vos formations ?

On est sur une stratégie de diversification. Nous proposons un cursus ingénieur-manager avec l'emlyon dans lequel nous proposons un double-diplôme qui s'appelle Fusion. Nous avons fusionné la maquette ingénieur civil de Mines Saint-Étienne et le programme Grande Ecole de l'emlyon. Nous avons 50 élèves par promotion. Cela va nous amener sur une trajectoire de 250 élèves à horizon de trois ans.

Nous avons aussi des filières en apprentissage avec notre partenaire l’ISTP. On est l'une des rares écoles de France à faire un diplôme en apprentissage sur le génie nucléaire. Il y a cinq ans l'appétence pour le nucléaire était questionnée. Mais on se félicite aujourd’hui de ne pas l'avoir fermé. On a un objectif de croissance qui est de l'ordre de 20% sur l'apprentissage.

Mines Saint-Étienne va-t-elle ouvrir de nouveaux cursus dans les années à venir ?

Une nouveauté importante pour notre école qui travaille sur des bac+2 depuis 200 ans : on travaille avec la faculté de médecine de l'Université Jean Monnet pour mettre en place un cycle post-bac autour de l’ingénierie de la santé à la rentrée 2025. On veut aller chercher des élèves qui hésitent entre des études de médecine et des études de sciences dures. A l’issue de la formation, les étudiants pourront entrer en cycle ingénieur ou poursuivre le cas échéant en études de santé.

Nous ouvrons aussi un cursus dentiste-ingénieur à la rentrée 2025 car il y a une vraie attente sur ces enjeux. L’odontologie est devenue de plus en plus technique. Nous avons notamment une start-up qui travaille sur la manière de faire des couronnes dentaires par cuisson micro-ondes. Cela peut changer le modèle économique de la discipline.

Nous avons également de nouveaux diplômes en réflexion pour la formation continue. On s'est positionné auprès de la CTI [Commission des titres d'ingénieurs] pour ouvrir, à la rentrée 2025, deux nouveaux diplômes d'ingénieur de spécialité : l'un sur la lutte contre le changement climatique, et le second "chef de projet industrie du futur" qui porte sur le numérique pour l'industrie avec la 5G et l'intelligence artificielle.

Clément Rocher | Publié le