Loïg Chesnais-Girard, président de la Bretagne : "Bien accueillir les étudiants sur son territoire, c’est un peu préparer l’avenir"

Propos recueillis par Dahvia Ouadia Publié le
Loïg Chesnais-Girard, président de la Bretagne :  "Bien accueillir les étudiants sur son territoire, c’est un peu préparer l’avenir"
Loïg Chesnais-Girard, président de la région Bretagne, répond aux questions d'EducPros. // ©  E.Pain/Région Bretagne
Face aux enjeux des territoires, les régions s'impliquent de plus en plus dans le développement de l'enseignement supérieur et la recherche. Pour comprendre les dynamiques en cours, EducPros donne la parole aux présidents et présidentes de régions. Dans cet entretien, Loïg Chesnais-Girard, président de la région Bretagne, évoque la structuration de son territoire et dresse les principaux défis.

L'enseignement supérieur et la recherche représente un levier d'attractivité, de dynamisme et de revenus économiques pour les régions de France. La Bretagne compte ainsi 147.000 étudiants pour 3,5 millions d’habitants. Dans un entretien pour EducPros, Loïg Chesnais-Girard, président de la région Bretagne, analyse le développement de l'enseignement supérieur sur son territoire.

Quelle importance donnez-vous à l’enseignement supérieur dans vos politiques ? Quel est son poids dans votre budget ?

L‘enseignement supérieur et la recherche constituent depuis de nombreuses années une délégation politique à part entière au sein de l’exécutif régional, avec un vice-président dédié et des moyens associés. Nous mesurons combien la place des établissements d’enseignement supérieur est essentielle pour la Région Bretagne.

Les jeunes Bretons ont ainsi accès à une offre de formation combinant les aspirations en matière de parcours professionnels et les besoins socio-économiques du territoire. En effet, c’est parce que les jeunes d’aujourd’hui seront les adultes, les emplois et les décideurs de demain que notre Région en fait une priorité.

C’est parce que les jeunes d’aujourd’hui seront les adultes, les emplois et les décideurs de demain que notre Région en fait une priorité.

Nous voulons faciliter l’accès du plus grand nombre à l’enseignement supérieur tout en contribuant à améliorer les conditions de vie des étudiantes et étudiants. Il ne peut y avoir de réussite si les étudiants ne trouvent pas de réponses à leurs besoins du quotidien, aussi bien en matière de logement, de restauration, de santé… Dans cette perspective, nous préparons le "2e rendez-vous de la vie étudiante", un espace de dialogue structuré avec les organisations représentatives des jeunes et les acteurs de la vie étudiante.

En 2024, sur un budget global de 1,8 milliard d’euros, l’enveloppe dédiée à l’enseignement supérieur et la recherche est maintenue à 34 millions d'euros, malgré des contraintes budgétaires fortes. Cette volonté traduit concrètement l’ambition qui est la nôtre en la matière.

Quels sont les enjeux et les problématiques propres à votre territoire dans le domaine de l’enseignement supérieur ?

Avec quatre universités structurées sur dix sites, 27 grandes écoles et des formations de techniciens supérieurs, la Bretagne a un maillage régional dense, distribuant une offre de formation supérieure sur l’ensemble du territoire.

L’enjeu pour notre Région est évidemment de participer au développement de l’offre de formation, en lien avec les spécificités et les besoins des territoires, afin notamment d’accompagner les transitions écologique et sociale, indispensables pour maintenir une économie régionale performante.

C’est pourquoi nous souhaitons amorcer un travail de réflexion avec les établissements et les autorités académiques pour coordonner la carte des formations supérieures, améliorer sa visibilité auprès des jeunes Bretons et permettre une meilleure orientation. Il s’agit aussi d’accompagner le besoin de nouvelles compétences, d’anticiper les métiers de demain et répondre au mieux aux évolutions sociétales qui sont à l’œuvre.

L’objectif est de développer une offre de formation supérieure (bac+2/bac+3) dans une certaine proximité pour que tous les lycéens puissent y avoir accès et qu'ils puissent ensuite intégrer des formations de master à l’issue de leur premier diplôme supérieur.

Nous souhaitons amorcer un travail de réflexion avec les établissements et les autorités académiques pour coordonner la carte des formations supérieures.

Face à ces enjeux, nous avons décidé de mettre en œuvre une "stratégie régionale des transitions économique et sociale" (SRTES) qui intègre le développement économique et social, la formation professionnelle, l’enseignement supérieur et la recherche, ainsi que l’innovation. Et ce afin de décloisonner les approches et accompagner les transitions nécessaires.

Sur le plan de la recherche, la Bretagne s’appuie sur de nombreux laboratoires reconnus autour de thématiques différenciantes (ex : Mer, Cybersécurité, Agro-Agri, Santé, Environnement…). Valoriser la recherche et l’innovation permet de renforcer la position de la Bretagne dans l’espace européen et faire grandir son rayonnement. C’est d’ailleurs ce qui lui permet d’avoir une stratégie de recherche et d’innovation qualifiée de forte par la Commission européenne, un atout pour mobiliser les fonds européens pour ses projets scientifiques.

Actuellement, quel est le projet le plus ambitieux que porte votre Région pour l’enseignement supérieur et la recherche ?

En termes de recherche, la Bretagne a fait le choix de construire le volet du contrat de plan avec l’Etat (CPER) autour de 20 thématiques structurantes. Cette vision a permis de mettre en évidence les activités, partenariats et complémentarités des activités des laboratoires présents sur le territoire et appartenant à des établissements différents (universités, grandes écoles, grands organismes de recherche).

Ainsi, le CPER Etat/Région (abondé par l’apport des collectivités locales et des fonds européens FEDER) permet de financer de nouveaux équipements innovants afin de conforter l’activité de recherche des laboratoires et d’accroître notre attractivité internationale par la reconnaissance des travaux menés.

Sur le volet enseignement supérieur, la Région soutient fortement, dans le cadre d’un partenariat avec l’État et les collectivités locales, un projet visant à lancer une expérimentation immobilière. En effet, les besoins en termes de réhabilitation du patrimoine immobilier des universités sont très importants.

Par ailleurs, au vu des enjeux du climat et de la performance énergétique, la région travaille à construire un nouveau modèle d’intervention pour accélérer cette transition énergétique. Nous espérons pouvoir le finaliser d’ici l’été 2024.

Mettez-vous en place des dispositifs pour attirer les établissements du supérieur ? Lesquels ?

Actuellement, il n’y a pas de dispositif en tant que tel. Cependant, il a été inscrit dans la SRTES un chantier sur la carte des formations, chantier non ouvert encore aujourd’hui mais qui aura pour objectif de consolider l’offre de formation notamment supérieure sur le territoire et de permettre aux jeunes lycéens un accès aisé aux formations supérieures.

Globalement, la région reste très attentive à l’émergence des besoins en formation et à leur adéquation avec les attentes des acteurs économiques et des territoires.

Les établissements de l’enseignement supérieur représentent-ils, pour votre région, un outil d'aménagement du territoire ?

Oui, clairement, ils y participent. C’est un enjeu bien identifié.

Les quatre universités sont bien engagées dans le développement d’une offre de formation de proximité avec de nombreuses antennes de niveau bac+3 à Saint-Malo, St-Brieuc, Lannion, Morlaix, Quimper, Pontivy. Les formations post bac+3 sont sur site universitaire principal (avec recherche – Rennes, Brest, Lorient-Vannes).

De manière plus récente, on peut mentionner la création du campus de Redon. De nouvelles initiatives apparaissent sur les territoires en lien avec les besoins des acteurs locaux et les établissements d’enseignement supérieur, et nous y sommes très attentifs.

Quelles sont les retombées économiques des acteurs du supérieur et de la recherche pour les villes et les territoires ?

Même si l'on ne dispose pas d’éléments chiffrés précis, il est évident que les activités ESR ont localement de nombreuses retombées économiques. Tous les acteurs concernés (étudiants, doctorants, post doctorants, enseignants-chercheurs) sont des intervenants importants sur le territoire qui participent au développement de celui-ci.

Par ailleurs, l’ESR s’inscrit dans un continuum qui vise à renforcer l’attractivité de la Région en soutenant d’une part les innovations, source de valeur ajoutée et de création d’activités économiques.

D’ailleurs, nous sommes en discussion avec les communautés de communes sur l’accueil de jeunes en études pour développer une offre de logement et de mobilité. Car créer les conditions pour bien accueillir les étudiants sur son territoire, c’est un peu préparer l’avenir.

Si la ou le jeune s’y plaît, il peut y rester une partie de sa vie. C’est un enjeu de maintien des emplois et donc d’activités économiques. C’est un enjeu d’aménagement du territoire par la présence de compétences, du niveau technicien à ingénieur, pour des secteurs majeurs comme l’industrie, l’agroalimentaire, l’agriculture ou la santé.

Notre série : les enjeux de l'enseignement supérieur dans les territoires, vus par les présidents de région

Pour comprendre les enjeux de chaque territoire, EducPros vous propose une série d'interviews des présidents de région.

À tous, nous avons posé les mêmes questions, pour saisir les spécificités de leur région, et permettre également de comparer les situations.

L'entretien de Loïg Chesnais-Girard est le neuvième de notre dossier. Vous pouvez également consulter les interviews de :

Propos recueillis par Dahvia Ouadia | Publié le