Alain Rousset : "La Nouvelle-Aquitaine a toujours été une terre reconnue pour la qualité de son enseignement supérieur"

Propos recueillis par Agnès Millet Publié le
Alain Rousset : "La Nouvelle-Aquitaine a toujours été une terre reconnue pour la qualité de son enseignement supérieur"
Alain Rousset, président de la région Nouvelle-Aquitaine, répond aux questions d'EducPros. // ©  Alexandre Dupeyron/Région Nouvelle-Aquitaine
La recherche et l'enseignement supérieur constituent deux piliers de l'attractivité et du dynamisme des territoires. Pour comprendre les enjeux de chaque région, EducPros vous propose une série d'interviews de leur président. En Nouvelle-Aquitaine, Alain Rousset, président de la région, nous explique ses priorités.

En 2022, la Nouvelle-Aquitaine comptait 212.314 inscrits dans l'enseignement supérieur, dans une région qui dénombrait 6.039.092 habitants, en 2021.

Quelle importance donnez-vous à l'enseignement supérieur dans vos politiques ? Quel est son poids dans votre budget ?

C'est un axe majeur de notre approche, de la recherche de sens et d'effet levier de l'action publique. En 2024, le budget consacré à l'enseignement supérieur représentera 15 millions d'euros. Mais ce chiffre seul n'est qu'un indicateur parmi d'autres de notre action transversale.

Car d'un point de vue des politiques régionales, l'enseignement supérieur ne peut être décorrélé à la fois de la recherche et l'innovation, de notre politique à destination de la jeunesse et la formation en général, mais aussi du lien avec l'entreprise et l'économie.

Quels sont les caractéristiques, les enjeux et les problématiques propres à votre territoire dans le domaine de l'enseignement supérieur ?

Elles sont à l'image de notre région, si riche et diverse ! En effet, la Nouvelle-Aquitaine compte 64 sites d'enseignement supérieur, dont 18 dotés d'implantations universitaires.

Je pense notamment à nos cinq sites universitaires de plein exercice : Bordeaux, Poitiers, Limoges, Pau et La Rochelle. Mais je n'oublie évidemment pas les treize sites accueillant des antennes universitaires. En la matière, nous apportons un soin particulier aux spécificités des territoires et des acteurs – c'est de la dentelle territoriale !

En effet, alors que la politique nationale conduit à une concentration de moyens et de labellisation d'excellence sur quelques sites universitaires rendus visibles sur des classements internationaux, la Région ambitionne d'initier des synergies et des coopérations équilibrées entre tous les établissements d'enseignement supérieur et de recherche.

L'accroissement de la compétitivité globale du territoire et de ses acteurs passe par le développement d'un aménagement équilibré, donc par l'expression d'une forme d'excellence de chacun de ses établissements, viviers d'innovation et moteurs du développement économique et social. Cette dynamique doit irriguer l'ensemble du territoire !

Actuellement, quel est le projet le plus ambitieux et/ou innovant que porte votre Région pour l'enseignement supérieur et la recherche ?

Nous sommes à un moment particulier de l'histoire, avec des défis majeurs : la lutte contre le réchauffement climatique, des bouleversements géopolitiques et sanitaires ainsi que des révolutions technologiques. Ce sont des challenges passionnants et complexes, qui nécessitent de l'interdisciplinarité.  

La Région a récemment voté un appel à projets pour de grands programmes scientifiques de recherche structurants et pluridisciplinaires : sur l'eau, la forêt, l'érosion du littoral et les maladies émergentes infectieuses. Cela s'inscrit dans la lignée de la feuille de route Néo Terra, de 2019 et réactualisée en 2023, pour accélérer la transition écologique et énergétique : 450 chercheurs ont travaillé sur l'impact du changement climatique sur notre territoire.

Je souhaiterais aussi évoquer notre démarche – unique en France ! – de création d'un label régional "Talents et Territoires Nouvelle-Aquitaine" (TTNA), début 2020, pour soutenir des campus répondant à des enjeux de filières économiques stratégiques pour la Région et à des besoins spécifiques des territoires en termes de compétences.

Ces 11 campus concernent des filières et les métiers des transitions : Aérocampus, Vitivinicampus, restauration collective, cuir-textile-mode, développement durable en zone littorale, numérique éducatif, silver économie, sport et animation…

Ils fédèrent établissements d'enseignement secondaires et supérieurs, laboratoires, plateformes technologiques et entreprises afin d'accompagner l'évolution des métiers de leur filières. Ces partenaires se structurent autour de projets et travaillent à la mise en place d'expérimentations dans les domaines de la formation, de l'orientation et propose des actions de découverte des métiers !

Mettez-vous en place des dispositifs ou aides financières pour attirer les établissements du supérieur ? Lesquels ?

Je crois que notre Région est ainsi faite qu'elle n'ait pas besoin de recourir à de tels appâts : que ce soit notre patrimoine naturel, culturel et historique exceptionnel, mais aussi l'élaboration d'un écosystème de confiance qui ont créé les infrastructures nécessaires à leur développement à travers les territoires. La Nouvelle-Aquitaine a toujours été une terre reconnue pour la qualité de son enseignement supérieur.

D'ailleurs, en quelques années seulement, nous avons créé quatre écoles d'ingénieurs dans l'aéronautique, le spatial et la défense : l'Enspima, l'Estaca, Elisa Aerospace et Isae-Ensma à Poitiers.

Ceci ne revient à dire ni que l'ensemble est parfaitement équilibré, ni que nous ne disposons d'aucun axe d'amélioration. Je pense à la nécessité d'un équilibre territorial, tant est-ouest que nord-sud, ainsi que la nécessité d'un rééquilibrage en direction du secteur public, en pesant pour une dynamique de croissance des moyens alloués par l'État à l'enseignement supérieur.

Les établissements de l'enseignement supérieur représentent-ils, pour votre Région, un outil d'aménagement du territoire ? Avez-vous un exemple précis et récent ?

Évidemment ! Entre nous, quoi de plus essentiel pour faire vivre les territoires que de pouvoir y étudier, sans que ce soient les grandes métropoles nationales qui captent nos talents ?

C'est un enjeu majeur d'aménagement, expliquant pourquoi je tiens absolument à la création d'une école vétérinaire à Limoges, par exemple, pour répondre à nos carences nationales en la matière.

Et puis, une fois encore, nous ne pouvons considérer cette question indépendamment de notre politique vis-à-vis des lycées, que nous souhaitons ériger en véritables universités de proximité, pour en faire des lieux de savoirs réactualisés, mais aussi à l'égard des campus, dont le Ferrocampus à Saintes ou les métiers du bâtiment à Felletin constituent de magnifiques illustrations.

Quelles sont les retombées économiques des acteurs du supérieur et de la recherche pour les villes et les territoires ?

Je ne considère évidemment pas cette politique à travers le seul prisme marchand et économique. Encore une fois, cela fait partie d'un tout : le soutien de la Nouvelle-Aquitaine vise un impact indirect sur le développement économique et social sur le territoire par l'émergence d'une société où la croissance – mesurée - est alimentée par l'innovation au bénéfice de toutes et tous. En ce sens, la valeur ajoutée est l'élévation du niveau de formation de la population.

Cette approche est diffuse, transversale ! Ceci dit, les effets indirects que sont les passerelles créées avec le monde de la recherche et l'entreprise me sont extrêmement précieuses, notamment dans le contexte de bassins de vie dynamiques.

Notre série : les enjeux de l'enseignement supérieur dans les territoires, vus par les présidents de Région

Pour comprendre les enjeux de chaque territoire, EducPros vous propose une série d'interview des présidents de Région.

À tous, nous avons posé les mêmes questions, pour pouvoir saisir les spécificités de leur Région, et permettre également de comparer les situations. L'entretien d'Alain Rousset est le cinquième de notre dossier

Vous pouvez également consulter les interviews de :

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