Philippe Galez (université Savoie Mont Blanc) : "Un territoire de la taille des Savoie doit avoir sa propre université"

Oriane Raffin Publié le
Philippe Galez (université Savoie Mont Blanc) : "Un territoire de la taille des Savoie doit avoir sa propre université"
"En 2022, nos dépenses énergétiques vont passer de 1,25 million à 2,10 millions d’euros", confie Philippe Galez, président de l'université Savoie Mont Blanc (USMB). // ©  Alban Pernet/REA
L'université Savoie Mont Blanc (USMB) accueille 15.000 étudiants sur trois sites : Annecy, Le Bourget-du-Lac et Jacob-Bellecombette, au-dessus de Chambéry, entre ancrage local et rayonnement international. Échange avec son président, Philippe Galez.

Philippe Galez, président de l'université Savoie Mont Blanc (USMB), est à la tête d'un établissement d'enseignement supérieur de 15.000 étudiants, répartis sur trois sites, Annecy (74), Le Bourget-du-Lac (73) et Jacob-Bellecombette, près de Chambéry (73). L'université savoyarde entend répondre notamment aux enjeux de son territoire, tout en poursuivant de développer ses liens à l'international.

Et alors même que le froid s'invite de plus en plus dans les amphis, l'université met en place son plan d'action de sobriété face à la hausse vertigineuse des coûts énergétiques.

Quelles sont les principales stratégies de votre établissement ?

Nous cherchons avant tout à renforcer notre impact sociétal au travers de quatre grands axes : développer l’excellence de la recherche et de la formation pour répondre aux défis de la société et des territoires dans nos domaines d’expertise (interaction homme-environnement, services et industries du futur, et patrimoine culturel et société en mutation) ; structurer la recherche et la formation de manière interdisciplinaire pour comprendre les enjeux complexes de notre temps ; développer un enseignement supérieur qui réponde aux attentes des parties prenantes (lycées-étudiants, employeurs et citoyens, dans un rôle de diffusion du savoir) ; et renforcer la dimension internationale de l’université et son attractivité.

Philippe Galez
Philippe Galez © université Savoie Mont Blanc (USMB)

L’université veille à articuler cette stratégie avec les grands projets qu’elle obtient et conduit. Par exemple, nous travaillons au déploiement du projet "Excellence sous toutes ses formes", USMB SHINE (Strategy for Higher Impact oN Ecosystem and society), dans le cadre du PIA 4, pour lequel elle bénéficie d’un financement de 8,7 millions d’euros sur sept ans. Dans ce cadre, nous avons à cœur la promotion de l’interdisciplinarité et du lien formation-recherche.

L'université pilote le volet enseignement supérieur du programme Avenir(s) pour développer, avec ses partenaires, un portfolio adapté à l’approche par compétences.

Comment déployez-vous le rayonnement de l’USMB à l’international ?

Les relations internationales sont un point historique de notre université : un tiers des diplômés ont une expérience internationale d’au moins deux mois. Et malgré une taille moyenne, l'université Savoie Mont Blanc est mentionnée dans plusieurs classements grâce à l’impact de sa production scientifique et l’internationalisation de sa recherche.

Avec les partenaires de l’université européenne UNITA — dont le renouvellement de la labellisation doit avoir lieu en 2023 —, nous avons la volonté ferme d’inscrire les établissements dans la construction d’une université européenne, en l’institutionnalisant à terme. Entrée par le biais des relations internationales, l’université européenne diffuse petit à petit dans tout l’établissement : elle touche désormais tous les services, toutes les composantes, tous les laboratoires.

L'université Savoie Mont Blanc est mentionnée dans plusieurs classements grâce à l’impact de sa production scientifique et l’internationalisation de sa recherche.

Nous faisons maintenant une distinction entre faire une mobilité sur un des campus de l’université européenne et en faire une chez un autre partenaire. Évidemment, ce ne sont pas des campus de l’USMB, mais ce ne sont pas non plus des campus d’autres partenaires de l’USMB : c’est quelque chose d’intermédiaire. Nous allons travailler avec nos partenaires pour bâtir cette véritable université et des diplômes conjoints. Et si nous ne parvenons pas à adapter l’outil de l’Europe que nous avons choisi, le groupement européen d’intérêt économique, nous proposerons un nouveau modèle.

Comment vous situez-vous par rapport aux grandes universités voisines (Grenoble Alpes, Lyon, Saint-Étienne, Genève, etc.) ?

Nous avons des collaborations avec tous ces établissements. Avec l’université Grenoble Alpes, nous disposons d’un certain nombre de services mutualisés et de cinq laboratoires en cotutelle.

La Savoie et la Haute-Savoie comptent 1.300.000 habitants. Un territoire de cette taille doit avoir sa propre université et la voir se développer, d’autant qu’il gagne 10.000 nouveaux habitants chaque année, que son taux d’emploi dépasse les 70% ou encore que l’industrie représente 22 à 23% de l’activité en Haute-Savoie (contre 11% au national).

Ces territoires ont besoin de jeunes formés et de laboratoires en proximité pour travailler à des enjeux globaux et locaux.

Comment vous ancrez-vous dans votre territoire ?

J'ai plusieurs exemples à donner. Nous avons créé un pôle tourisme montagne inventive dont le rôle est d’accompagner les collectivités de montagne dans leur développement et la mise en œuvre des transitions, au travers de projets de recherche ou de recherche-action avec les étudiants. Je peux citer le Grand [La]Bo, au Grand-Bornand (74), avec une phase de diagnostic sur la charge du territoire, la conception d’outils d’aide à la décision pour les élus locaux, etc.

La Savoie et la Haute-Savoie comptent 1.300.000 habitants. Un territoire de cette taille doit avoir sa propre université et la voir se développer.

Par ailleurs, depuis 1991, le Club des entreprises de l’USMB rassemble une centaine d’entreprises adhérentes et travaille, avec le BAIP [bureau d’aide à l’insertion professionnelle], à la professionnalisation des étudiants et à l’insertion professionnelle des diplômés. Il conduit un grand nombre de manifestations étudiants-entreprises.

Enfin, la fondation USMB intervient en soutien à la recherche dans une alliance université-entreprises au service des enjeux du territoire, notamment via des chaires : tourisme durable, mobilité, économie de l’environnement, infrastructures et risques en montagne, etc.

Comment l’USMB aborde-t-elle l’hiver dans un contexte de crise énergétique ?

Nous avons retourné au rectorat une première version de notre plan de sobriété le 2 novembre 2022 que nous allons maintenant mettre en œuvre. En 2022, nos dépenses énergétiques vont passer de 1,25 million à 2,10 millions d’euros. Pour 2023, le surcoût est encore difficile à estimer avec précision, nous sommes en train de rassembler les éléments nécessaires.

En 2022, nos dépenses énergétiques vont passer de 1,25 million à 2,10 millions d’euros.

Le plan d’action est assez vaste. Nous allons fermer nos trois sites les 19, 20 et 21 décembre, sauf pour les activités absolument indispensables. Nous allons limiter les zones chauffées après 18h30 à un bâtiment par campus dans lequel se dérouleront toutes les activités pédagogiques, à l’exclusion des bibliothèques universitaires, qui resteront ouvertes. Et arrêter tous les équipements qui peuvent l’être sans trop de difficultés le soir pour ne pas consommer trop d’électricité dans la période où les réseaux sont très sollicités.

Nous réduisons également les éclairages extérieurs et nous allons puiser 1,6 million d’euros dans notre fond de roulement pour faire un relamping complet [remplacement des systèmes d'éclairage par des dispositifs plus économes en énergie]. Enfin, à plus longue échéance, des travaux sont prévus : passage à une chaufferie biomasse au Bourget pour fin 2023-début 2024, rénovation thermique de bâtiments, etc.

Oriane Raffin | Publié le