Des projets pour améliorer la recherche en mathématiques en France

Charlotte Mauger Publié le
Des projets pour améliorer la recherche en mathématiques en France
Deux récents projets visent à améliorer la recherche en mathématiques en France. // ©  DEEPOL by plainpicture
Au début de l'automne, deux projets pour renforcer la recherche française en mathématiques ont été annoncés pour dynamiser ce champ. Si certaines des ambitions de ces projets sont communes, le second, issu des Assises de mathématiques, va plus loin sur les conditions de travail et la valorisation des maths.

Renforcer la recherche en mathématiques française, c'est l'objet de deux projets qui ont été annoncés fin septembre. Le premier est le Programme et équipements prioritaires de recherche (PEPR) Maths-VivES. Le second est issu des Assises des mathématiques qui a abouti à la publication de 15 actions pour une stratégie nationale en direction des mathématiques, proposées par le CNRS et France Universités.

Bien que non liés, ils nourrissent des ambitions communes, notamment faire dialoguer les mathématiques avec d'autres champs disciplinaires. Des recommandations intervenues en amont des annonces d'Emmanuel Macron sur une ré-articulation de la recherche en France.

Trois axes pour le PEPR Maths-VivES

Le PEPR Maths-VivES, financé à hauteur de 50 millions d'euros sur dix ans, est articulé autour de trois axes :

  • - l'environnement pour "élaborer et analyser de nouveaux modèles pour les questions environnementales",

  • - le vivant afin de "comprendre et gérer les problèmes liés aux réseaux et aux interactions à toutes les échelles de la vie sur Terre",

  • - la société autour de plusieurs thématiques : mobilité et circulation des biens et des connaissances, comportement collectif, géographie et urbanisme.

Favoriser l'interaction entre maths et autres disciplines

"Il existait déjà des interactions entre mathématiques et des disciplines liées à ces axes. Ce qu'apporte ce PEPR est plutôt la mise à l'échelle : aller plus loin sur des sujets encore plus impactants", trace Arnaud Guillin, directeur du PEPR Maths-VivES.

Fabien Durand, président de la Société Mathématique de France (SMF), salue ce programme. "Les mathématiques en interaction dans ces domaines ont beaucoup à apporter".

De son côté, Christophe Besse, directeur de l'Institut national des sciences mathématiques et de leurs interactions (Insmi), qui dépend du CNRS, "souhaite valoriser l'interdisciplinarité, les liens avec l'industrie et la société".

L'une des pistes est de former les étudiants à ces enjeux.

Dix projets lancés sur cinq ans

Concrètement, le PEPR Maths-VivES se décline en une série de dix premiers projets sélectionnés pour cinq ans. Puis, dix autres seront lancés dans trois ans. "On a essayé de mettre des équipes avancées sur une thématique et qui nécessite une structuration supplémentaire, mais également de nouveaux projets dans d'autres directions", détaille Arnaud Guillin.

Parmi les projets en attente d'une structuration supplémentaire, deux sont liés à la mécanique des fluides, comme celui porté par Didier Bresch (CNRS, Savoie-Mont-Blanc) et Farhang Radjai (CNRS, Montpellier) "Vers une meilleure compréhension des flux naturels complexes en présence de surfaces libres".

"Sur ces domaines-là, les mathématiques en France ont une forte reconnaissance internationale. On sait qu'on pourra avoir des résultats", appuie Arnaud Guillin.

Mais il y a aussi "des projets plus audacieux concernant la société, car les interactions entre mathématiques et SHS - économie et finance mises à part - sont moins développées", explique le directeur du programme.

C'est le cas du projet "Mathématiques et géographie", porté par Bertrand Maury (LMO, Orsay Université) et Patrick Poncet (Maps designer, Qualcity, Lille). L'objectif est d'apporter des indicateurs sur les villes et les aménagements du territoire. Il s'agit de développer la modélisation de certains aspects du territoire pour en tirer des informations (sur les embouteillages par exemple) ou pour prévoir les conséquences d'un aménagement.

Quinze actions retenues, après les Assises des mathématiques

Les 15 propositions d'actions, elles, émergent des Assises des mathématiques, tenues l'an dernier et de travaux préparatoires, notamment un rapport du HCERES. "

À l'issue des Assises, le CNRS et France Universités (FU) ont fait le choix de porter 15 actions en priorité", détaille Christophe Besse, de l'Insmi. Au dela de l'interdisciplinarité, elles concernent les conditions de travail, la valorisation des mathématiques dans la société et la transmission du savoir.

"Elles ne sont pas toutes de même envergure : certaines nécessitent d'être saisies par le ministère [comme la demande de 300 postes d'enseignants-chercheurs, NDLR], d'autres sont internes à la communauté mathématiques, qui pourra les utiliser comme levier pour progresser [par exemple, le fait d'évaluer autrement les carrières, NDLR]", explique-t-il.

La liste de propositions retenues a fait réagir les sociétés savantes et associations de mathématiques. "Pendant les travaux préparatoires nous avons été invités plusieurs fois à discuter mais nous avons été surpris de ne pas être entendus au moment du choix", regrette Fabien Durand. "Cela dénature le travail de qualité réalisé par les spécialistes pour préparer ces Assises", ajoute Mélanie Guenais, vice-présidente de la SMF.

L'absence d'action dédiée à la parité femme-homme peut "choquer"

Dans leur viseur, notamment, l'absence de la mention à la parité : une problématique pourtant abordée en amont et pendant les Assises. "Depuis 1995, la part de femmes dans la recherche en mathématiques n'a pas évolué. Cette absence signale un refus d'action qui m'inquiète pour l'avenir", appuie Mélanie Guenais.

Le directeur de l'Insmi, aux côtés du CNRS et de FU, répond à ces remarques, et explique que, par exemple, "l'action qui défend le financement des thèses supplémentaires est directement adossée à cette problématique d'une meilleure inclusivité dans toutes ses dimensions." 

Néanmoins, pour Fabien Durand, "si plusieurs actions seront des leviers pour plus de parité, la communauté qui reçoit cet affichage - sans mention de ce sujet important - peut être choquée."

Charlotte Mauger | Publié le