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Bac L 2015 : corrigé d'un sujet en histoire (les États-Unis)

publié le 17 avril 2014
8 min

Corrigé d'une composition proposée en histoire majeure

Auteur : Erik Lambert

Sujet : Les États-Unis et le monde depuis 1945

Introduction

Richard Nixon estime dans son ouvrage La Vraie Guerre que « la Seconde Guerre mondiale a contraint les États-Unis à s'engager dans la politique mondiale avant qu'ils ne soient prêts ». En effet, si déroger au principe de l'isolationnisme traditionnel n'était guère apprécié de l'opinion publique étatsunienne avant 1945, l'attaque de Pearl Harbour conduisit le président Roosevelt à affirmer dès décembre 1941 : « Nous devons faire face à la grande tâche qui est devant nous en abandonnant immédiatement et pour toujours l'illusion que nous pourrons jamais nous isoler du reste de l'humanité. »

Comment les États-Unis, assumant désormais leurs responsabilités mondiales, hésitant entre isolationnisme et interventionnisme, parvinrent-ils à dominer le monde ? Au-delà des difficultés, comment les États-Unis ont-ils conservé cette position dominante ?

Dès 1945, la méfiance nourrie à l'égard de l'URSS puis la rupture consommée conduisirent les États-Unis à assumer les responsabilités qui furent désormais celles d'une superpuissance messianique sûre de son modèle multiforme. L'interventionnisme devint dès lors un principe sur lequel reposa la contestation affirmée à l'aube des années 1960. L'Amérique blessée douta de la légitimité de son aura avant que l'élection de Ronald Reagan ne sonnât le retour des États-Unis et leur victoire dans l'affrontement semi-séculaire avec l'autre modèle issu de la guerre. Désormais, l'hyperpuissance dut affronter un monde moins manichéen afin de faire triompher le « modèle » de démocratie libérale.

I. 1945-1975. Des États-Unis puissants mais contestés.

1.1 De l'endiguement au refoulement

– Doctrine Truman et sa manifestation concrète, le plan Marshall.

– Il s'agit d'expliquer que la politique américaine nourrit l'ambition d'être fidèle à la politique définie en 1823 par Monroe et d'assurer ainsi la paix et la sécurité des États-Unis. Par ailleurs, il y a une volonté universaliste de répandre dans le monde les valeurs américaines (« destinée manifeste »), à l'instar de ce déclara Charles Wilson, P-DG de la firme automobile General Motors, que le président Eisenhower choisit en 1953 pour secrétaire à la Défense : « Ce qui est bon pour General Motors est bon pour les États-Unis. » Les États-Unis d'alors pouvaient affirmer : « Tout ce qui est bon pour l'Amérique est bon pour le reste du monde. »

– Il s'agit de contenir (containment), puis de repousser à partir de la présidence Eisenhower (roll back).

1.2 Les moyens, de la persuasion à la pression de la « République impériale », telle que la qualifiait Raymond Aron

– La propagande et une société sous pression, Voice of America, campagnes anticommunistes avec des moyens modernes, le maccarthysme...

– La puissance culturelle apportée avec les soldats de la Libération et ceux qui stationnent sur les territoires libérés. Le modèle de l'american way of life se répand avec la société de consommation et le plan Marshall.

– La puissance économique et financière affirmée lors de la conférence de Bretton Woods au service d'une ambition.

– La puissance diplomatique et la « pactomanie ».

– La puissance militaire, des représailles massives à la riposte graduée.

– L'espionnage et la lutte de l'ombre : CIA (Central Intelligence Agency) et actions extérieures (Mossadegh, 1953 ; baie des Cochons en 1961...).

1.3. Les obligations de la domination mondiale

– Interventions américaines face aux initiatives soviétiques (Grèce, Turquie, Iran, coup de Prague et blocus de Berlin...).

– Basculement du centre de gravité de la guerre froide et des perspectives américaines : Chine communiste en 1949, un quart de l'humanité bascule dans le communisme, guerre de Corée et engagement progressif au Viêt Nam.

– La contestation dans le tiers-monde et l'affaire de Cuba.

– Contestation de la guerre du Viêt Nam par la jeunesse étatsunienne, crise morale avec la défaite de 1973-1975 ; Claude Julien, L'Empire américain, 1968.

– Coût de la guerre et érosion de la domination économique des États-Unis face au Japon et à la CEE.

Les années 1960-1970 semblent annoncer le déclin de la puissance américaine, contestée à l'intérieur de ses frontières comme à l'extérieur. Le temps des certitudes, du sentiment de remplir une mission quasi divine semble disparaître au profit d'un repli plein de doutes. Pourtant, si certains empires meurent (Jean-Baptiste Duroselle, Tout Empire périra, 1981), d'autres peuvent renaître de leurs cendres.

III. 1975-1991 : Le retour du phénix : du doute aux nouvelles certitudes

2.1. Les doutes institutionnels, économiques et internationaux

– Politique du linkage (marchandage planétaire) menée par Nixon-Kissinger (« L'équilibre des puissances et non la paix est l'objectif de tout homme d'État qui doit être pragmatique et réaliste et prêt au compromis en évitant des objectifs idéologiques », Henry Kissinger, diplomatie.)

– Rapprochement avec la Chine, Realpolitik et soutien à des dictatures au nom de la liberté.

– La détente diplomatique (CSCE, Ostpolitik...), militaire (SALT 1 en 1972) et économique (échanges commerciaux avec les pays du bloc de l'Est).

– Une crise économique et financière qui se traduit par la suspension de la convertibilité or du dollar et la fin effective du système de Bretton Woods, le 15 août 1971.

– Une crise institutionnelle et morale : le Watergate, la démission d'un président et un président qui gouverne sans jamais avoir été élu (Gerald Ford), affaire des pots de vin Lockheed, renversement du président Allende au Chili.

– Une défaite au Viêt Nam malgré le désengagement amorcé en juillet 1969 par la doctrine Nixon de « vietnamisation » du conflit en Indochine, les images spectaculaires de l'évacuation de l'ambassade américaine à Saigon, le syndrome vietnamien.

– L'année 1975, année de l'URSS, en Indochine, en Afrique.

2.2. Une politique « morale »

– La victoire de Carter en 1976 est celle d'une volonté de retour à la morale, politique des « bons sentiments ».

– Échecs extérieurs en 1979 en Iran (chute du Shah et humiliation de la prise d'otages et de l'échec de l'opération militaire pour leur libération), au Nicaragua et coup de Kaboul de décembre 1979 nourrissent le doute malgré les succès diplomatiques (1978, Camp David ; 1979 : traité de paix israélo-égyptien).

2.3. 1981-1990 : les États-Unis redressent la tête et assistent à l'implosion de l'URSS

– Reagan élu sur un slogan : « America is back » en réaction à l'idée d'un déclin américain.

– Relance de l'effort militaire, IDS ou guerre des étoiles.

– Augmentation du budget de la défense, course aux armements avec l'URSS, « empire du mal ».

– Arrivée de Gorbatchev au pouvoir en URSS. Difficultés économiques des Soviétiques + Afghanistan conduisent Moscou à la négociation puis à la ruine.

– Au début des années 1990, les États-Unis semblent avoir remporté l'affrontement semi-séculaire qui les oppose à l'URSS. Des observateurs tel Francis Fukuyama pronostiquèrent la « fin de l'histoire » avec le succès de la démocratie libérale et de l'économie de marché, et une gouvernance bienveillante des États-Unis ; mais le 11-Septembre ne remit-il pas en question l'ordre mondial qui semblait émerger ?

IV. 1991 à nos jours : une hyperpuissance (concept défini par Hubert Védrine), gendarme d'un monde multipolaire

3.1. George Bush confronté à la nouvelle configuration mondiale

– Premier président confronté à un monde multipolaire avec concept de « nouvel ordre mondial » inspiré de Wilson reposant sur le droit international et les institutions nées à l'issue de la guerre. « Nous nous devons aujourd'hui, en tant que peuple, d'avoir une intention de rendre meilleure la face de la nation et plus douce la face du monde », déclara-t-il.

– Intervention pour défendre le droit international et le Koweït victime des ambitions irakiennes en 1990-1991.

3.2. Bill Clinton et le triomphe d'un soft power pragmatique

– Volonté de privilégier le soft power par rapport au hard power.

– Extension du modèle libéral économique, politique reposant sur un certain multilatéralisme, négociations avec la Chine (OMC 2001).

– Les États-Unis, « the indispensable nation » selon M. Albright ; accords d'Oslo (Arafat/Rabin), intervention en ex-Yougoslavie en 1994 et 1999 et accords de Dayton (1995).

– Un pays qui défend ses intérêts et étend son influence par l'élargissement de l'Otan aux anciens alliés de l'URSS.

– Égoïsme : refus de ratifier le protocole de Kyoto (1997) et d'adhérer à la CPI (Cour pénale internationale, 1998) tout en relançant le projet d'initiative de défense stratégique (IDS), (National Missile Defense – NMD – en 1999).

3.3. Une politique redéfinie après le 11-Septembre

– Attentats du 11 septembre 2001, un nouvel adversaire, le terrorisme international.

– G.W. Bush et le retour à l'unilatéralisme avec une analyse très réductrice du bien et du mal (« axe du mal » et « États voyous »). Influence de Samuel Huntington.

– Interventions en Afghanistan puis en Irak.

– Barack Obama et le retour au multilatéralisme avec la volonté de partager le fardeau de la lutte avec ses alliés (Libye, Mali, Centrafrique...), tout en intervenant seul et de manière « chirurgicale ». Exécution de Ben Laden le 2 mai 2011.

– Utilisation du hard power, du soft power et du smart power chers à Hillary Clinton et Joseph Nye.

Conclusion

Depuis 1941, et a fortiori depuis 1945, les États-Unis ont engagé leur mission divine : répandre dans le monde leur « vérité », celle d'un mode de vie, d'une culture, d'une économie et d'une domination géopolitique sans partage qui ont fait du xxe siècle, un « siècle américain ». Guidés par leur « destinée manifeste », ils ont affirmé les diverses dimensions de la puissance qui fut leur. La guerre froide offrit un terrain favorable à leur « mission » de défenseurs du « monde libre ». Cette domination rencontra toutefois des contestations exploitant les failles d'une vision emplie de certitudes messianiques. La religiosité si prégnante dans l'univers étatsunien nourrit un nouvel élan dominateur, et les États-Unis emportèrent leur combat contre l'ennemi d'un demi-siècle. Pourtant, un nouveau défi surgit alors : celui d'un monde instable qu'ils devaient seuls contrôler. Malgré les réticences et les rejets, la capacité d'adaptation des États-Unis leur a permis depuis plus de soixante-dix ans de relever avec succès tous les défis auxquels ils furent confrontés. L'idée d'une mission civilisatrice du « modèle » reposant sur la démocratie libérale et la foi chrétienne peut-elle demain conduire la « terre promise », chère aux pilgrims, à poursuivre son « œuvre » ?


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